Au lendemain du raz de marée "sang et or" dans les rues de Barcelone, les indépendantistes ont réussi une nouvelle démonstration de force. Mais Madrid refuse toujours à ce jour, le référendum souhaité par les Catalans, le 9 novembre prochain.


Jusqu'où peut aller un tel clivage? Peut-on envisager des affrontements entre pro et anti-indépendantistes?
Sans référendum, les Catalans peuvent imaginer d'autres scénarios pour aboutir à leurs fins. Depuis hier, en tout cas, la Catalogne est une épine encore plus grosse dans le pied de l'Espagne mais aussi dans celui de l'Europe.

Confronté à une démonstration de force des indépendantistes catalans, soutenus par ceux du Pays Basque, le gouvernement espagnol, imperturbable, ignore les visées séparatistes de ces régions, mais devra tôt ou tard répondre à une "vraie demande sociale", selon les analystes. "Ce V est un message très puissant, qu'ils devraient écouter à Madrid. Le moment est venu qu'ils s'assoient pour négocier", a lancé jeudi le président nationaliste catalan, Artur Mas. Quelques heures plus tôt, des centaines de milliers de Catalans avaient envahi deux longues avenues de Barcelone, formant un gigantesque V, pour Voter, et réclamant le droit d'organiser le 9 novembre un référendum sur le maintien ou non de leur région dans l'Espagne.

Depuis le Pays Basque, une autre région du nord de l'Espagne, les nationalistes conservateurs du PNV, au pouvoir, et les indépendantistes de gauche, la deuxième force politique basque, avaient envoyé des délégations pour témoigner de leur soutien. "Madrid doit comprendre que les Catalans ne sont pas seuls, que nous les Basques aussi sommes là. Un 'non' à la Catalogne serait un 'non' adressé" au Pays basque, avertissait récemment Hasier Arraiz, président du parti indépendantiste Sortu.


Deux réalités différentes 

Si les analystes n'envisagent pas une "explosion" imminente de l'Espagne, le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy fait toutefois bien face à deux fronts ouverts, aux réalités différentes. "Il existe une vraie demande sociale de changement de la structure de l'Etat espagnol", fondée sur une large autonomie régionale, affirme Anton Losada, professeur de Sciences politiques à l'Université de Saint-Jacques de Compostelle. "Il ne s'agit pas d'une demande artificielle, encouragée par les élites des partis nationalistes".

Face au geste de défi des Catalans, exprimé jeudi dans un rassemblement à l'organisation impeccable, les manifestants alignés pour former les rayures du drapeau régional rouge et jaune, portant d'immenses portraits des dirigeants internationaux, face vers le ciel, les aspirations indépendantistes du Pays basque sonnent ces derniers mois comme en sourdine.

Pourquoi cette discrétion? Les nationalistes du PNV ont notamment "appris de l'échec" de leur propre tentative en 2008 d'organiser un référendum sur le "droit à décider" du Pays Basque, dit Florencio Dominguez, directeur de l'agence d'information Vasco Press.
Et, point crucial pour l'expliquer, le Pays Basque, qui travaille à l'élaboration d'un nouveau statut allant vers encore plus d'autonomie, dispose déjà du pouvoir de lever et redistribuer l'impôt: une question qui a radicalisé le conflit entre la Catalogne et Madrid. Minoritaire avant la crise économique, l'indépendantisme a explosé depuis en Catalogne, dopé par le refus de Mariano Rajoy, en 2012, d'accorder à la région une autonomie fiscale sur le modèle basque.

Le malaise est encore plus profond dans les déboires du statut spécial d'autonomie, voté en référendum par la Catalogne en 2006 avant d'être restreint par le Tribunal constitutionnel espagnol en 2010. "Cette demande réelle avait besoin d'une réponse politique et c'est ce à quoi le statut de 2006 tentait de répondre. Après le verdict du Tribunal constitutionnel, non seulement le problème n'a pas été résolu mais il s'est infecté", dit Anton Losada.

La clef en Ecosse

Pour la Catalogne comme pour le Pays basque, "la clef se trouve désormais en Ecosse", souligne Fernando Vallespin, professeur de Sciences politiques à l'Université autonome de Madrid. "Si l'Ecosse part, cela mettra un point final au tabou voulant qu'il n'existe pas de sécessions en Europe occidentale". "Mais si c'est le non qui gagne" au référendum du 18 septembre, "cela soulignerait un peu plus la solitude du cas Catalan et aiderait le gouvernement espagnol", poursuit Ignacio Molina, de l'institut madrilène Elcano.

Mariano Rajoy n'a de cesse de souligner la différence entre les deux cas, martelant que le référendum demandé par le gouvernement catalan est "illégal", contrairement au cas écossais. Dénonçant son "immobilisme", l'opposition socialiste, hostile à un référendum catalan, propose de modifier la Constitution, pour aller vers une Espagne fédérale.

Une question qui sera un enjeu des élections générales de la fin 2015. Une fois le 9 novembre passé, une nouvelle "voie de dialogue peut s'ouvrir" entre Madrid et Barcelone, veut croire Anton Losada. "Avec le temps, le Parti populaire (de Mariano Rajoy) s'est convaincu qu'il va falloir faire quelque chose avec la Constitution", assure-t-il. "Ou on change pour s'adapter, ou on explose.".
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