50 ans de recherche sur les récifs coralliens à l'université de Perpignan

Fondé en 1971, le CRIOBE, le centre de recherche insulaire et observatoire de l'environnement basé à Perpignan et à Moorea en Polynésie, fête ses 50 ans. Ce laboratoire, pionnier dans l'étude des récifs coralliens, a été créé grâce aux essais nucléaires de Mururoa.

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L'idée d'un centre d'étude scientifique sur les récifs coralliens commence dès 1966. La France vient d'arrêter ses essais de la bombe atomique dans le Sahara algérien. Les tirs expérimentaux sont alors transférés sur l'Atoll de Mururoa en Polynésie française pratiquement aux antipodes de la Métropole. Mais là plus question de sable. Les bombent explosent dans le massif corallien. Suffisamment pour faire beaucoup de dégats. 


C'est alors que le CEA, le commissariat à l'énergie atomique, fait appel à Bernard Salvat. Ce biologiste marin  étudie déjà les récifs coralliens dans le Pacifique-sud notamment en Nouvelle Calédonie pour le compte de l’École Pratique des Hautes Études (EPHE). Il va donc effectuer des missions à Mururoa pour le Centre d'Expérimentation du Pacifique. Les essais des bombes nucléaires s'achèvent en 1996, après 41 tirs atmosphériques et 137 souterrains.



1971, création du Criobe



Dès 1971, Bernard Salvat et sa petite équipe décident de sinstaller à Moorea, l'île soeur de Tahiti loin du tumulte de Papeete. Un bon compromis pour l'étude des récifs coralliens. "Certes avec deux fois moins d'espèces que dans le lagon calédonien avec ses deux barrières de corail de 600 Km chacune mais beaucoup plus pratique à observer car beaucoup plus petit avec seulement 800 mètres de long" explique Bernard Salvat aujourd'hui à la retraite."Et en plus les Polynésiens vivent de la pêche et connaissent bien la mer contrairement aux Kanaks. C'était un  atout pour nous scientifiques."

L'université de Perpignan se marie avec Moorea 


Mais pour installer un centre de recherche dans les Dom-Tom, il est nécessaire à l'époque de le jumeler avec une université de la Métropole. Sauf qu'en 1971 un petit centre de recherche aussi éloigné n'interesse pas beaucoup les grandes villes universitaires. C'est là que Perpignan saute sur l'occasion. Le Criobe voit alors le jour avec un laboratoire au centre d'expérimentation de Moorea et un autre dans le campus perpignanais.

Le corail menacé


Aujourd'hui, le Criobe est l'un des plus éminents laboratoires français pour l'étude des systèmes coralliens. Il regroupe  90 personnes, dont des professeurs universitaires, des chercheurs et du personnel technique et administratif issues de l'EPHE, du CNRS et de l'Université de Perpignan Via Domitia (UPVD). Les deux tiers travaillent dans le labo perpignanais. Un laboratoire de haute technologie, expert dans l'écologie chimique pour les récifs coralliens.

"Au delà de nos observations des coraux, nous les cultivons dans le lagon de Moorea et les soumettons à des conditions extrêmes pour connaitre leurs réactions" confie Annaïg Le Guen, la directrice du Criobe depuis le 1er décembre 2018. "Ce sont des vertébrés, des organismes marins fixes avec leur exosquelette dont la forme est propre à l'espèce. Il y en a des durs, ceux qui constituent les récifs coraliens mais d'autres sont mous. Il en existe 850 espèces dans le monde, 183 en polynésie. Mais depuis 50 ans, on estime que 20 % ont disparu. Des pertes dues pour la plupart à la pollution et de l'impact physique par l'Homme en construisant par exemple des aéroports. Mais aussi à une époque par l'invasion des acanthasters, ces étoiles de mer ont dévoré les récifs mais là ce phénomène pour nous mystérieux étaient apparemment naturel. Tout comme les ravages des cyclones successifs." 

Depuis 50 ans, on estime que 20 % ont disparu. Des pertes dues pour la plupart à la pollution et de l'impact physique par l'Homme

Annaïg Le Guen, la directrice du Criobe


Le réchauffement climatique qui augmente la température de l'eau et son acidité sont aussi des facteurs menaçants. "C'est pour ça que les coraux blanchissent. Certains cependant sont résilients. Au bout de quelques années, ils reprennent de la couleur et revivent. En fait ils s'adaptent. C'est ce mécanisme que nous observons et que nous décodons"

 

Les médicaments de la mer pour soigner la covid


L'étude de ces vertébrés dans les fonds marins intéresse l'industrie pharmaceutique. Bernard Banaigs est un chercheur de l'Inserm. Pharmaco-chimiste, il exerce au Criobe à Perpignan. Il étudie plus spécialement les ascidies. Ces animaux marins se situent dans un groupe zoologique entre les invertébrés et les vertébrés."Les ascidies sont sessiles, c'est à dire qu'elles vivent fixées sur un substrat. Donc ne pouvant fuir leurs prédateurs, elles se protègent chimiquement et émettent certaines molécules. C'est ce que nous cherchons à analyser." explique Bernard Banaigs. 

 


En 2019, il est allé en récolter en Papouasie Nouvelle-Guinée. "Ici au Criobe à Perpignan, nous avons un équipement hyper sophistiqué. Nous faisons des analyses chromatographiques liquides et des spectrographies de masse. Cela nous a permis d'isoler les molécules de défense de ces ascidies. Et on se dit que, si elles sont efficaces contre ses prédateurs, elles pourraient l'être contre les coranavirus. C'est pourquoi j'ai contacté l'institut Pasteur à Lille en mars dernier pour leur proposer des extraits d'ascidies et d'autres cyano-bactéries. Par chance, ces molécules pourraient permettre un traitement thérapeutique efficace contre la Covid !" s'enthousiasme le chercheur perpignanais.

Au Criobe à Perpignan, nous avons un équipement hyper sophistiqué

Bernard Banaigs, chercheur de l'Inserm



"Dans le milieu marin, la concurrence est encore plus rude que sur terre aussi on apprend beaucoup des relations entre les espèces et de leur capacité à résister. Le milieu marin est une véritable pharmacie. D'ailleurs, la société pharmaceutique madrilène élabore des anti cancéreux à base de ces molécules découvertes pour éliminer certaines tumeurs. Il faut savoir que seules 8000 espèces ont été décrites à ce jour ce qui représente seulement 1% de la diversité microbienne estimée ! Alors il y a encore du travail !" conclut Bernard Banaigs.
 

Du Pacifique à la plaine du Roussillon


La méthodologie pour l'étude des systèmes coralliens ne s'arrête pas là. Elle s'applique également dans les vergers du Roussillon. Le but : détecter certaines maladies virales. En 2019, l'UPVD et le Criobe ont mis une chaire spécialisée dans la sharka. Ce virus s'attaque à la pêche et à la nectarine. Devenu un véritable fléau en Roussillon, il détruit 5% des vergers.

 

Le Criobe, une renommée internationale

En 50 ans d'existence, les deux laboratoires du Criobe poursuivent leur développement : agrandissement des locaux et acquisition d'appareils de haute technologie. Ils accueillent en moyenne chaque année 350 scientifiques dont le quart d'étrangers. Le Criobe  mise sur l'inter-disciplinarité de ses chercheurs pour faire avancer la connaissance sur les récifs coralliens. Une source de vie dont dépend 500 millions de personnes grâce à la pêche, la protection contre la houle et paradoxalement le tourisme. Et enfin peut-être bientôt l'Humanité entière grâce à la découverte de nouveaux médicaments issus de la biologie marine.

Programme de la semaine anniversaire à l'université de Perpignan

Jeudi 17 juin - à partir de 09h00 (UPVD IN CUBE) : conférences scientifiques
Les chercheurs du CRIOBE présenteront une série d’exposés sur des sujets variés tels que les requins, les coraux, la chimie des récifs coralliens, et les nouvelles méthodes de détection de la maladie végétale, la Sharka.

Vendredi 18 juin (CRIOBE) : speed-dating des métiers de la recherche (réservé aux étudiants)


 

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