Décès du guitariste flamenco Pedro Soler : "C'était un humaniste, un musicien incroyable et pourtant un homme tellement humble"

Il sera resté sur scène jusqu'au bout. En concert la semaine dernière, chez lui à Banyuls-sur-Mer, le guitariste flamenco Pedro Soler est mort ce samedi 3 août à l'âge de 86 ans.

"Pedro le solaire s’est arrêté de vivre, son sourire malicieux, ses doigts courageux, sa douceur et son humour, son talent en faisait un être d’exception." 

Depuis samedi, les témoignages et les hommages se multiplient sur les réseaux sociaux. Pedro Soler est mort. Son départ assombri les cœurs bien au-delà des frontières.

Le saxophoniste anglais Matt Eliott écrit : "Adieu Maestro Pedro Soler. Quel privilège d'avoir eu l'honneur de travailler avec vous."

"La nouvelle s’est répandue très vite et nous recevons de nombreux hommages qui témoignent à quel point mon papa était aimé." publie sur sa page Facebook Gaspar Claus, le fils du musicien. C'est d'ailleurs avec Garspar, violoncelliste hors pair qualifié de "touche à tout de génie et musicien inclassable" par les Inrocks, que Pedro Soler partageait la scène il y a à peine quelques jours.

Décédé d'une crise cardiaque alors qu'il se trouvait en cure à Molitg-les-Bains, Pedro laisse derrière lui, mais aussi pour l'éternité, le souvenir d'un guitariste aux doigts d'or et d'un musicien d'exception.

Le Gadjo aux doigts d'or

"Los dedos de Pedro Soler son los cinco sentidos de la guitarra. La guitarra en sus manos, mira, oye, siente y habla". (Les doigts de Pedro Soler sont comme les cinq sens de la guitare. Dans ses mains, la guitare regarde, entend, ressent et parle). Les mots du poète et écrivain guatémaltèque Miguel Angel Asturias, prix Nobel de littérature en 1967, résument parfaitement la lumière qu'a apportée Pedro Soler à l'univers du flamenco. Lui, Pedro le payo, le gadjo, le non gitan.

Pedro est né à Narbonne en 1938. De son vrai nom, Pierre Alfred Genard, il faisait pourtant partie des plus grands noms du flamenco. Pedro n'a que 17 ans lorsqu'il monte pour la première fois sur scène aux côtés de musiciens confirmés. Il a trouvé sa voie. À partir de ce moment, Pedro Soler se produira aux côtés des plus grandes vedettes de la scène flamenco : La Joselito avec qui il enregistre son premier disque en 1963, Pericón de Cádiz, Rafael Romero Romero, Bernardo de los Lobitos, José Maria Rodriguez, Jacinto Almadén et tant d'autres.

Il excelle aussi dans l’accompagnement de la danse, avec occasionnellement Carmen Amaya, La Chunga, mais c'est surtout de La Joselito encore qu'il tient son école.

"Il a marqué ma vie", nous confie le compositeur perpignanais Daniel Tosi. Une amitié de plus de 40 ans unissait les deux hommes. "Les gens comme ça ne devraient pas disparaître" poursuit-il l'émotion dans la voix. L'ancien directeur du conservatoire de Perpignan passe en revue et en quelques minutes plusieurs décennies de complicité musicale mais aussi de partage de valeurs avec celui qu'il qualifie de "grand humaniste, toujours à l'écoute des autres et tellement humble". Pour Tosi, Pedro était un homme "unique qui servait le grand art" et qui a non seulement fait rayonner le flamenco mais qui a en plus "donné des pistes à la musique avec un sens aigu de la liberté".

On perd quelqu'un de profond, qui était totalement dans le partage, d'une belle sincérité autant dans sa façon d'être que de jouer. Et puis Pedro n'avait pas de frontières. Outre le flamenco, il est intervenu dans la musique classique, le jazz ou la musique contemporaine. On a fait ensemble des créations. Il a aidé beaucoup de musiciens. Pedro Soler c'était une plaque tournante de la musique.

Daniel Tosi, chef d'orchestre et compositeur

Le chef d'orchestre retient de son ami son sens du partage et son humilité face à une carrière de près de 70 ans. Pedro Soler laisse derrière lui des dizaines d'albums, plusieurs centaines de compositions et encore plus de collaborations.

Revoir notre reportage, réalisé en 2018, pour les 80 ans de Pedro Soler.

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Pedro Soler fête ses 80 ans au Rayon Vert à Cerbère, dans les Pyrénées-Orientales. 2018. ©Dorothée Bérault/ FTV

C'est auprès de sa famille que l'artiste s'est éteint "comme il le souhaitait... en paix... face au Canigou" écrit son fils Gaspar Claus dans un vibrant hommage qu'il termine en s'adressant à son père "Je pleure des larmes de tristesse parce que tu vas tellement manquer à tous les matins du monde. Mais aussi de joie parce que je souhaite à tout le monde cette vie que tu as menée. Espiègle, profond toujours ému aimant passionné et toujours, toujours heureux de partager tout ce qui se trouve au-delà du superflu de l’existence.".

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