"C'est un premier pas vers un accord historique". Carles Puigdemont, ex-président du gouvernement catalan, a confirmé son soutien, dans son allocution hier à Bruxelles, au premier ministre espagnol, le socialiste Pedro Sánchez. En échange, Puigdemont attendant le vote d'une loi d'amnistie pour tous les indépendantistes poursuivis par la justice suite au référendum sur l'autodétermination de la Catalogne en 2017. Un pacte controversé mais nécessaire pour la reconduction au pouvoir du chef du gouvernement espagnol.
Le premier ministre espagnol a obtenu ce jeudi 9 novembre, par l'intermédiaire d'un de ses émissaires, l'accord indispensable à sa reconduction au pouvoir. Après plusieurs semaines d'intenses tractations entre le PSOE (Parti socialiste) de Sánchez et le Parti indépendantiste Junts, une première étape est franchie. L'ancien président du gouvernement catalan et eurodéputé de Junts, Carles Puigdemont s'est exprimé devant la Presse ce jeudi depuis Bruxelles, où il s'était réfugié après le référendum sur l'indépendance de la Catalogne en 2017. Une déclaration institutionnelle, au cours de laquelle aucune question n'a été concédée aux médias. Pour le leader indépendantiste, il s'agit là "d'une étape inédite qu'il va encore falloir explorer" et pour laquelle "il n'existe d'autre limite que la volonté du peuple de Catalogne et que l'unique institution légitime qui le représente, c'est le Parlement catalan. Les limites, c'est le Parlement de Catalogne qui les fixe et personne d'autre".
"La stabilité du gouvernement, il faudra qu'ils se la gagnent, accord après accord"
Près de quatre mois après les élections législatives en Espagne, et après avoir déjà décroché le soutien de la gauche indépendantiste d'ERC actuellement au pouvoir, le chef de file des socialistes s'assure, par ce pacte, le nombre de votes suffisants pour obtenir la confiance du Parlement, très fragmenté, la semaine prochaine et renouveler ainsi son mandat de Premier ministre. En effet, dans un contexte politique instable, les voix des sept députés de Junts seront décisives. En contrepartie, Carles Puigdemont et son Parti attendent en premier lieu une loi d'amnistie pour clore, après quatre ans, le dossier judiciaire pour l'ensemble des dirigeants et militants impliqués dans le processus d'indépendance du 1er octobre 2017. Également soutenue par les partis basques et l'extrême gauche catalane du gouvernement de Pere Aragonès, la loi sur l'amnistie devrait être votée dès l'investiture de Sánchez. Mais les négociations ne s'arrêtent pas là ! Dans le texte de l'accord signé ce 9 novembre, il s'agit "d'offrir la pleine normalité politique, institutionnelle et sociale comme condition indispensable pour aborder les défis de l'avenir proche ". En clair, la stabilité du futur gouvernement central pourrait donc dépendre de l'avancée des négociations quant à "la résolution du conflit politique en Catalogne" et donc de l'organisation d'un nouveau référendum comme celui tenu en 2014 en Ecosse.
Un nouveau référendum ?
Dans la ligne de mire des deux formations indépendantistes, la convocation de nouvelles élections pour décider de l'avenir de la Catalogne. L'accord signé avec le PSOE stipule l'ouverture de négociations quant à "la reconnaissance de la Catalogne comme nation". Des négociations durant lesquelles Carles Puigdemont réclamera la tenue de nouvelles élections en Catalogne. Pere Aragonès, actuel président de la Generalitat et membre de la gauche républicaine ERC, avait déjà évoqué ce droit fondamental à l'autodétermination il y a quelques semaines. En tant que "nation" au sein de l'Union européenne, "La Catalogne tiendra un référendum" tôt ou tard avait déclaré le président catalan et contrairement à ce qu'affirme "la droite nationaliste espagnole" (Partido Popular et Vox), la Catalogne est "une nation européenne, citoyenne et démocratique" qui veut "pouvoir décider en paix, librement, parmi toutes les options de la démocratie". Une position également très clairement revendiquée par Carles Puigdemont : "Sans accords, sans respect, la législature n'aura pas d'avenir" a-t'il martelé. Un point de crispation qui fait grincer des dents dans les rangs même du PSOE mais surtout chez les partis d'opposition de droite et d'extrême droite tels que le PP et Vox qui s'insurgent littéralement à l'idée d'un nouveau référendum.
La droite espagnole voit rouge
Troquer des voix contre un accord avec les indépendantistes catalans, il n'en fallait pas plus aux partis de droite et d'extrême droite pour fustiger Pedro Sánchez, accusé de se rabaisser à tirer là ses dernières cartouches pour se maintenir coûte que coûte à la tête du gouvernement. Questionnée à ce sujet par nos confrères de la chaîne Antena 3, la présidente de la communauté de Madrid, Isabel Díaz Ayuso, membre du PP (parti conservateur de droite) déclare que le pacte signé entre le PSOE et Junts signifie pour l'Etat espagnol d'"entrer en dictature". Pour le leader du Partido Popular "l'Espagne a perdu et les indépendantistes gagnent" grâce à leur "chantage", a ajouté Alberto Núñez Feijóo tandis que Santiago Abascal, chef de la formation ultranationaliste Vox a, à son tour, dénoncé "le début de la fin de la démocratie". Des commentaires et une posture qui résonnent dans les organisations proches des partis ultranationalistes. Depuis plusieurs jours, des manifestations plus ou moins violentes se sont déroulées à Madrid. Une nouvelle journée de rassemblement à travers tout le pays est convoquée, ce dimanche 12 novembre, à la demande du PP.