Près de Perpignan, le personnel du Lycée professionnel Alfred Sauvy est en colère après l'éviction de deux assistants d'éducation. Après six ans de contrats CDD, ils espéraient être titularisés. Mais le rectorat semble plutôt pousser Christophe et Eddy vers la sortie.
"Notre grand sage Christophe, nous guide dans la vie et notre panda Eddy qui toujours nous sourit, Docteur Perez merci pour ton soutien ici, comment peut-on garder nos deux collègues aimés ? Pour Christphe et Eddy, rien sauf le CDI! "
Des paroles écrites par les collègues qui résonnent à tout va sur l'air de "A nos souvenirs" de Trois Cafés Gourmands. Ils sont plusieurs dizaines, professeurs, CPE, employés de restauration scolaire ou agents d'entretien, à s'être regroupés devant le Lycée Alfred Sauvy de Villelongue-dels-Monts dans les Pyrénées-Orientales. En grève depuis deux jours, ils sont venus apporter leur soutien à Christophe Meheni et Eddy Perez, deux AED "poussés vers la sortie" après six ans de contrats en CDD.
Leur CDI a été refusé une première fois. Le SNALC les a soutenu en appel et le Rectorat a accepté la cédéisation. Ensuite, il y a eu une sorte d'ascenceur émotionnel où le rectorat est revenu sur sa décision et leur a dit : 'finalement non, vous ne serez pas cédéisés'.
Laurent Miffre, secrétaire départemental du SNALC dans les Pyrénées-Orientales
Depuis 2022, la loi permet aux AESH et AED, assistants d'éducation comme Eddy et Cristophe, de demander une titularisation, car six ans c'est la durée de contrat maximale autorisée en CDD.
Pour le CDI c'est non puis oui puis non
Tous deux ont dès le début d'année scolaire émis le souhait de poursuivre leur mission au sein de l'établissement. Pendant 12 jours ils ont cru être embauchés. L'appel reçu le 24 juin dernier leur annonçant un revirement de décision est tombé comme un couperet.
C'est très dur. Ça casse quelqu'un, quand on est tellement accroché à quelque chose et qu'on nous fait de faux espoirs. Derrière le monde s'écroule tout d'un coup.
Eddy Perez, assistant d'éducation au lycée Alfred Sauvy de Villelongue-dels-Monts
Christophe non plus ne comprend pas ce revirement de décision. À 49 ans, cet ancien employé du bâtiment a trouvé dans le rôle d'assistant d'éducation, une véritable vocation qu'il ne veut pas abandonner. Presque plus inquiet pour son collègue Eddy, 30 ans, que pour son propre avenir, Christophe se dit surtout préoccupé pour la rentrée prochaine.
Si on mène ce combat, c'est parce qu'on aime ce métier. On connaît la problématique, on connaît les élèves. En fait on va déplacer deux personnes qui connaissent l'établissement et en mettre deux nouveaux, qui y arriveront probablement mais à qui il va falloir tout réapprendre. Ça ne peut pas fonctionner comme ça. Il faut de la continuité.
Christophe Mehéni, assistant d'éducation au Lycée Alfred Sauvy Villelongue-dels-Monts
"Pour nous ça a été un véritable ascenseur émotionnel. C'est très compliqué mais personne n'est irremplaçable", poursuit presque gêné de la situation Eddy. Du haut de ses deux mètres, il se montre pourtant bien fébrile, lui que ses collègues surnomment le "Panda" et qui a subi la violence du harcèlement scolaire toutes ses années collèges. Fort de son expérience, il en avait fait son cheval de bataille au sein de l'établissement Sauvy. Un combat en douceur, à coups de bonnes paroles et de bienveillance. Aujourd'hui, il se dit que tout ce qu'il a entrepris auprès des jeunes prend fin avec son contrat. Il ne sait pas quand ni comment ni où ni si il pourra à nouveau poursuivre son engagement.
"Les candidats AED ne se bousculent pas au portillon ici"
Pour les collègues présents lors du mouvement de grève et notamment les deux CPE de l'établissement, pas question de se passer de la présence d'Eddy et Christophe. Sur le papier, les postes devraient être comblés à la rentrée pour atteindre les 9 AED nécessaires au bon fonctionnement du lycée. Pas sûr pour Gaëlle Edmonds, CPE à Sauvy. Selon elle, le fait que le lycée soit un internat et en plus en zone rurale, "les candidats ne se bousculent pas au portillon".
On a un public qui est quand même difficile, qui est sensible. Ils ont besoin d'attention, ils ont besoin de stabilité et c'est ce que, nous, en tant que chef de service on veut. On veut de la stabilité dans notre équipe pour notamment le bien-être de nos élèves.
Gaëlle Edmonds, CPE Lycée Alfred Sauvy Villelongue-dels-Monts
"Management de la peur"
D'un témoignage à un autre, les langues se délient et les propos se centrent sur la proviseur de l'établissement. Selon le personnel présent, c'est elle qui ferait blocage à la signature du contrat. D'un côté, elle a transmis des recommandations élogieuses que nous nous sommes procurées pour que ses AED aillent travailler ailleurs mais dans un même temps elle aurait émis un avis défavorable quant à leur titularisation. Pourtant cette même proviseur avait établi en début d'année des recommandations favorables à l'attention des AED.
À cela, s'ajoutent des remarques plus précises quant à bon nombre de dysfonctionnements de management ces dernières années de la part de la chef d'établissement, mutée dans les prochains jours à Nouméa.
Depuis que le proviseur est arrivé ici, il y a beaucoup d'enseignants qui sont partis, au moins une trentaine, alors qu'ils étaient là depuis des années.
Sophie Le Pallec, professeur de français et histoire-géo au lycée Alfred Sauvy Villelongue-dels-Monts
La chef d'établissement a refusé notre demande d'interview. Quant au rectorat, il nous a fait parvenir une réponse écrite indiquant que les "demandes d'accès à un CDI ne peuvent être automatiquement accordées, elles sont donc examinées au cas par cas".
Depuis deux ans, l'accès à un CDI après six années de CDD en tant qu'AED est possible à condition de répondre aux besoins du service et de donner entière satisfaction dans le poste occupé.
Rectorat de l'académie de Montpellier
Cette affaire, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Faire signer le CDI à leurs deux AED est devenu un objectif symbolique pour le personnel du Lycée ALfred Sauvy. Leur contrat CDD arrive à terme en août prochain. Malgré la fin des cours et les vacances scolaires, le personnel compte bien ne pas en rester là pour la sérénité des élèves et de l'établissement et obtenir gain de cause pour Christophe et Eddy.