La chambre de l'instruction de Montpellier doit décider de la responsabilité pénale de Ye Qing, un étudiant chinois auteur de l'assassinat de Sylvie Brazès le 13 janvier 2010, cette secrétaire de l'université de Perpignan tuée de plusieurs coups de couteaux. La décision sera rendue le 4 décembre.
Le 13 janvier 2010, la secrétaire du département de sociologie était tuée de plusieurs coups de couteau dans les locaux de l'université de Perpignan. Sylvie Braz7s mère de deux enfants était âgée de 50 ans.
Ce jour-là, vers 9 h 30 un étudiant chinois inscrit en 2 ème année fait irruption dans les locaux armé d'un couteau de cuisine.
Il tue la mère de famille dans un couloir à proximité de son bureau et blesse ensuite grièvement trois autres personnes qui tentaient de lui porter secours.
Les médecins qui l'examineront juste après son arrestation, parle de l'acte d'un schizophrène.
Le forcené sera interné d'office dans le Vaucluse dans une unité pour malades difficiles.
Il était placé dans cette UMD depuis 5 ans.
Ce matin, la chambre de l'instruction de Montpellier doit décider de l'irresponsabilité de Ye Qing 26 ans, irresponsabilité requise par le parquet général.
Les enfants de la victime défendus par Me Gérard Deplanque refusent cette déclaration d'irresponsabilité et demandent le renvoi de l'affaire devant une cour d'assises. Pour eux Ye Qing s'est fait passer pour un fou.
Les enfants de la victime réclament une véritable enquête pour comprendre les circonstances de la mort violente de leur mère.
L'audience
Compte rendu Isabelle Bris9 h 00 L' audience de ce jeudi porte sur une question : l'étudiant chinois a-t-il pu simuler la folie ?
Depuis près de 5 ans, Ye Qing est interné en UMD unité pour malades difficiles. Le diagnostic de schizophrénie paranoïde n'a jamais été remis en question par les médecins et les experts. C'est un trouble qui se déclenche à la fin de l'adolescence et au début de l'âge adulte.
Les médecins estiment que l'étudiant pourrait maintenant sortir de l'UMD pour intégrer un service psychiatrique classique.
10 h 30 Selon l'expert psychiatrique, M Layet, la maladie du suspect n'est toujours pas stabilisée.
Le président de l'université de Perpignan et docteur en sociologie demande à l'expert comment il peut être aussi catégorique. Il lui demande aussi comment peut-il savoir dans quel état était l'étudiant chinois le jour de l'assassinat alors que son expertise psychiatrique a eu lieu des mois plus tard.
L'expert répond qu'une marge d'erreur est toujours possible mais que les autres experts ne se sont pas concertés entre eux, or ils ont tous abouti au même diagnostic.
L'hypothèse d'un acte conscient sous emprise d'alcool est exclu. La place du prévenu est donc dans une unité de soins psychiatriques.
"Quelle garantie a-t-on qu'il ne sera pas relâché et qu'il ne recommencera pas ?" demande une des parties civiles.
L'expert répond que cela fait 5 ans que Ye Qing n'a pas mis le nez dehors. Il était placé en UMD unité pour malades difficiles. Et en dépit d'un avis favorable des spécialistes, rien ne dit qu'il obtiendrait l'autorisation de transfert dans un service classique.
11 h 00 L'avocat des parties civiles Me Deplanque souligne la contradiction entre le diagnostic de l'hôpital psychiatrique de Thuir (où l'étudiant a séjourné quelques semaines avant les faits ) et celui des experts psychiatres consultés après le meurtre.
Autre problème : l'analyse toxicologique effectuée sur Ye Qing après le meurtre a disparu.
Or selon Me Deplanque, le suspect était dépendant à l'alcool à ce moment là.
Les circonstances du meurtre posent également question. La victime a été tuée à 60 mètres de son bureau. Ye Qing a eu le temps de la poursuivre et de la poignarder dans le dos.
Donc la thèse selon laquelle la victime s'est mise sur son chemin ne tient pas.
Toujours selon Me Deplanque : il n' y a pas eu de reconstitution non plus. Il doute donc de l'irresponsabilité de Ye Qing Et pour éclaircir tout cela, l' avocat des parties civiles demande un procès d'assises.
11h 45 La parole à l'avocate de l'université de Perpignan qui s'est constituée partie civile.
Elle met en avant un long laps de temps entre le meurtre et la première vraie expertise psychiatrique qui a eu lieu un an et demi plus tard, par l'expert Layet.
L'avouée estime qu'il y aurait eu préméditation puisque le prévenu est arrivé de deux couteaux à l'université, caché dans son sac à dos.
L'avocate de l'université de Perpignan estime donc qu'il y a un réel doute sur sa folie au moment du meurtre. Elle demande également le renvoi de l'affaire devant les Assises.
La représentante du ministère public prend la parole : Elle comprend et partage douleur des familles mais pose la question : faut-il juger les fous ? "Notre loi dit non, il faut les soigner ".
Faut il remettre en cause le diagnostic ? La procureure considère que ce n'est pas parceque un commandant de police enquêteur a estimé que Yé Qing simulait la folie au moment de son arrestation que cela vrai.
Le jour même du meurtre, un expert psychiatrique déclare que Ye Qing est schizophrène. Une seconde expertise ensuite dit la même chose puis idem un an de demi plus tard. Selon la procureur, il n'existe pas de divergence entre les experts, il n'y a donc pas de doute à avoir.
Elle demande l' hospitalisation complète de l'étudiant car elle le juge irresponsable.
Elle requiert une mesure de sûreté de 20 ans avec interdiction d' approcher la famille de la victime, interdiction de paraître dans le département des Pyrénées-Orientales et interdiction de porter une arme.
L' avocate de la défense Me Barrère estime que son client n'a pas pu manipuler tout le monde y compris 10 experts différents, que son client est fou. Il a été décrit par l'expert Layet comme un solitaire mal dans sa peau, souffrant d'une double personnalité mi homme/mi femme, atteint d'hallucinations auditives et de délire de la persécution. Il se pensait menacé de mort et a donc agit dans un pic de paranoïa.
La décision de la chambre de l'instruction sera rendue le 4 décembre prochain.
L'irresponsabilité pénale c'est quoi ?
Depuis la promulgation d'un nouveau Code pénal le 1er mars 1994, l'irresponsabilité pénale psychiatrique relève de l'article 122-1, qui ne se réfère plus à l'état de démence mais à un trouble psychiatrique ou neuropsychique ayant aboli (ou altéré) le discernement, ou ayant aboli (ou entravé) le contrôle des actes.Cet article a maintenu le non-lieu mais il a pris en considération les " anormaux mentaux ", non aliénés, en recommandant une individualisation de leurs peines. Cette réforme de la forme plus que du fond n'apporte pas de solution au problème de l'absence de procès en cas d'irresponsabilité psychiatrique.