Perpignan : Polémique autour d'un lieu de mémoire aux victimes oubliées de la guerre d'Algérie

Le maire de Perpignan, Louis Aliot a inauguré ce matin un lieu de mémoire et de recueillement aux victimes oubliées de la guerre d'Algérie. Cet espace ouvert seulement deux jours, à la date-anniversaire du cessez-le-feu le 19 mars 1962 provoque une polémique.

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Certains invités l'attendent déjà sur le trottoir malgré un ciel gris et une tramontane plutôt froide pour ce 19 mars. Louis Aliot et ses proches arrivent à pied à la salle des Libertés à deux pas du Castillet. Au rez-de-chaussée, les salutations façon covid se succèdent. Accueil chaleureux, retrouvailles sous l'oeil d'un mannequin en uniforme de police de l'époque. Louis Aliot rejoint la salle du premier étage où se trouve, parmi les nombreux visiteurs, son prédécesseur Jean-Marc Pujol, l'ancien maire de la Ville, lui aussi originaire d'Algérie près de Mostaganem. Il a déjà parcouru l'exposition. Des articles de Presse de l'époque de l'Algérie Française et des photos... terribles d'acte de barbarie. Des têtes coupées, des enfants et des femmes dévêtus égorgés.

Des photos des atrocités commises durant la guerre d'Algérie © Alain Sabatier/FTV

 

Il faut faire émerger la vérité historique. Il faut que les archives s'ouvrent. Il y a eu une volonté de ne pas ouvrir ces archives, que ce soit du côté de la France ou de celui d'Algérie. On oublie trop les victimes civiles. Il ne faut pas rester sur la Mémoire. C'est du ressenti et c'est trompeur, souvent très éloigné de la vérité historique.

Jean-Marc Pujol

 
L'ancien maire de Perpignan fait référence au récent rapport de Benjamin Stora qui analyse les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d'Algérie. Un rapport commandé par le président de la République Emmanuel Macron que fustige Louis Aliot : 
"Il faut ré-équilibrer le rapport Stora" affirme l'actuel maire. "C'est un ancien militant communiste. Il fait un travail d'historien de gauche. C'est sa propre vision et on occulte le fait que 90 % des morts après le 19 mars étaient des Français musulmans qui ont été massacrés par les Indépendantistes du FLN. Et mes amis harkis n'ont jamais été reconnus pour leurs sacrifices. On les a accueillis dans des camps de concentration comme celui de Rivesaltes.

À chacun sa mémoire! On ne peut pas avoir de réconciliation tant qu'on aura une Histoire officielle qui méprise les Harkis, les Français et l'Armée française

Louis Aliot

Et le maire de Perpignan enfonce le clou "On ne peut pas se réconcilier si on adopte une Mémoire qui accuse la France. La repentance, il y en a marre. Et puis Monsieur Macron utilise ce rapport à des fins électoralistes. Il veut mettre dans sa poche l'électorat issu de l'immigration algérienne."
Pour ouvrir pendant deux jours, ce lieu éphémère de "recueillement", Louis Aliot n'a pas choisi au hasard la date anniversaire du 19 mars 1962. Pour lui et ses amis du Cercle Algérianiste, c'est un jour de deuil. Une journée de trahison à l'encontre des Français d'Algérie de l'époque.

Nous avons mis à disposition de la Municipalité de Perpignan une partie de notre fonds photographique et des journaux de l'époque. Des documents très durs à regarder. Mais regarder la barbarie ne peut qu'éveiller les consciences. Il faut reconnaître toutes les souffrances. Il n'y en a pas de bonnes ou de mauvaises. Il faut regarder toutes les vérités en face.

Suzy Simon-Nicaise, la vice-présidente nationale des Cercles Algérianistes en charge du Centre de Documentation des Français d'Algérie à Perpignan

 

Louis Aliot discute avec le caporal chef Abdelkader Rabhi © Alain Sabatier/FTV


Parmi le public présent, se trouve Abdelkader avec sa fille Nadia à ses côtés. Lui porte son ancien uniforme de l'armée française avec son béret rouge. Du haut de ses 80 ans, le caporal Rabhi engagé en 1957 est ému. "C'est bien qu'il puisse se recueillir" lance Nadia. "Je suis née en France, mais son histoire nous la portons encore. Il nous la raconte. Nous ne pouvons pas oublier."


Des associations réagissent

À deux pas de l'exposition, du côté du quartier Saint Martin, à la maison des syndicats, se tenait une conférence de Presse. Ici les réactions sont vives.

Aliot met de l'huile sur le feu en affichant des barbaries et des massacres

Jacky Maléa membre de l'Association des Pieds Noirs Progressistes et de leurs Amis

"J'ai peur que les actions de ces extrémistes Pieds Noirs avec ces deux jours d'expositions freinent au contraire l'émergence de la vérité historique. On est en pleine évolution. Le rapport Stora a malgré tout beaucoup de mérite. Il ne faut pas oublier que l'OAS, l'Organisation de l'Armée Secrète a continué les assassinats des Arabes même après le cessez-le-feu. Comme celui de ces 6 moniteurs de l'Education Nationale tués après avoir chacun livré leur nom. Tout comme les crimes des terroriste à Charlie Hebdo. Et cela a duré même jusqu'à la tragique journée du massacre par le FLN des Pieds Noirs d'Oran le 5 juillet 1962 où il y a eu plus de 700 morts ou disparus. On reproche que l'armée française a tiré sur les manifestants de la rue d'Isly à Alger, mais c'est l'OAS qui a envoyé tous ces gens dans la rue. C'était la terreur de toutes parts." regrette Jachy Maléa.
 

Maryse Martinez pdte du MRAP 66, Josie Boucher pdte ASTI 66, Françoise Attiba co-pdte LDH 66 © Alain Sabatier/ FTV



Josie Boucher est née à Alger et a dû quitter son pays à l'âge de 14 ans. Aujourd'hui elle est la présidente de l'ASTI 66, l'Association de Solidarité avec Tous les Immigrés. Elle reste réservée concernant le rapport Stora " On est en colère. Ce n'était pas une guerre entre les Français et les Algériens. C'était une guerre coloniale menée par le gouvernement français de l'époque contre la volonté d'Indépendance du peuple algérien" martelle-t-elle.

Il ne faut pas tout mélanger. Qui doit-on réconcilier et avec qui ? La France doit réellement reconnaître ses crimes coloniaux. Et ce n'est pas aux Français de présenter des excuses aux Algériens. C'est le gouvernement français et l'Armée qui sont responsables

Josy Boucher présidente de l'ASTI 66



La promesse d'ouverture des archives algériennes et françaises pourra peut-être permettre d'établir une seule vérité.  Une nécessité pour panser les blessures de ce douloureux passé.

L'exposition est à découvrir encore ce samedi 20 mars à la salle des Libertés rue Bartissol à Perpignan.

 

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