Pour deux mots oubliés sur un verdict, un homme condamné pour viols sur mineure aux assises est libéré et sera rejugé

L'erreur remonte à mai 2022. Un septuagénaire est condamné en appel par les assises de l'Hérault à 12 ans de réclusion criminelle pour agressions sexuelles et viols sur ses deux belles-filles mineures. Mais dans la rédaction du verdict, il manque ces deux mots : "au moins". Le secret du délibéré est rompu, l'homme est libéré et sera rejugé.

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Le septuagénaire reconnu coupable de viols sur mineure et d'agressions sexuelles à deux reprises, d'abord par les assises des Pyrénées-Orientales en 2019, puis en 2022 en appel par celles de l'Hérault, est finalement libre. La cour de cassation a reconnu une erreur de la justice.

Deux mots manquants

Deux mots manquants au bas du verdict ont suffi à ne pas respecter le secret du vote du délibéré. La condamnation a donc été cassée.

Le président de la cour d'assises aurait dû écrire "à la majorité de huit voix au moins", or il a été rédigé : "à la majorité de huit voix".

L'homme remis en liberté sera donc rejugé dans plusieurs mois aux Assises de l'Aude à Carcassonne. Sa dernière condamnation était de 12 ans de réclusion criminelle pour des faits dénoncés en 2010 par sa famille.

"C'est une formule sacramentelle, on ne peut transiger avec cela"

Pour beaucoup de lecteurs, la décision de la cour de cassation sera considérée comme choquante voire absurde car au fond cela ne change rien. L'accusé a été reconnu coupable. Mais la justice repose aussi sur la forme et le droit est très formaliste. C'est aussi ce qui garantit l'unicité de la justice et la démocratie sur notre territoire.

L'analyse des juristes et des avocats va dans ce sens.

"Dans un procès, la loi de forme et la loi de fond ont la même valeur. Il ne peut y avoir de concession et d'affect. Le juge, au premier chef, doit respecter la loi et la forme surtout quand il s'agit de préserver la liberté et la vie d'un homme. Juridiquement, heureusement, ce principe est intangible en France, c'est cela la justice et la démocratie. Moralement, l'avocat et le juge ne doivent pas avoir d'avis" explique Jean-Robert Phung, avocat pénaliste du barreau de Montpellier.

La cour de cassation n'a fait qu'appliquer la loi sur la forme. Elle a cassé l'arrêt de la cour d'assises de l'Hérault car il était tout simplement entaché de nullité.

Ces deux mots manquants sont une formule sacramentelle*. Elle est immuable et très formaliste mais sans elle, il y a nullité de procédure car le secret du délibéré du jury d'assises est rompu. Ce formalisme souvent lourd et incompris du grand public est protecteur du droit et du justiciable. Les juges sont les premiers à être formalistes et pointilleux, ils doivent aussi être les premiers à respecter les règles de droit, sinon il n'y a plus de justice.

Jean-Robert Phung, avocat au barreau de Montpellier.

*Une formule sacramentelle qualifie en droit des termes, des mots, des paroles, des formules qui doivent être employés littéralement, qui ne peuvent comporter des variantes dans leur prononcé ou dans leur libellé sous peine de nullité ou d'invalidité.

Évidemment, pour les victimes et les parties civiles, après des années d'attente et de procédure, ces deux mots oubliés sur un verdict sont dérisoires et un nouveau procès plus de 13 ans après avoir dénoncé les faits sera une épreuve.

Du côté de la défense, Me David Chaigneau n'a fait que son travail, défendre au mieux les intérêts de son client. "Je comprends l’émotion des parties civiles, mais cette disposition existe pour préserver le secret du délibéré", a justifié l’avocat à nos confrères de Midi Libre.

En attendant son futur procès à Carcassonne, probablement en 2024, le septuagénaire est libre.

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