Les scientifiques du Centre Européen de Recherches Préhistoriques de Tautavel ont identifié lundi 15 mars un fragment de péroné humain vieux de 450 000 ans. Une découverte majeure qui permet de compléter le puzzle de l'Homme de Tautavel.
" Lorsque j'ai pris ce fragment d'os. J'ai eu tout à coup un flash. C'était pratiquement la copie conforme d'un reste de péroné que j'avais déjà eu entre les mains lors d'un tri après une campagne de fouille. Quelle émotion. C'est vraiment extrordinaire de manipuler des restes humains vieux de presque un demi-million d'années." martèle Agnès Testu paléontologue au Centre Européen de Recherches Préhistoriques de Tautavel. Car ce morceau de péroné - ou fibula pour les scientifiques - provient du niveau G des fouilles de la Caune de l'Arago. La même couche où a été découvert le crâne de l'Homme de Tautavel par l'équipe du professeur Henri de Lumley le 22 juillet 1971.
Découvert en 2003
Découvert lors de la campagne de fouille de 2003, ce bout d'os géolocalisé puis référencé n'a pourtant pas été identifié lors du tri des objets découverts. Cependant grâce à sa dimension de cinq centimètres et demi, il a été classé parmi les esquilles non déterminables. Un lot mis spécialement de coté pour être analysé plus tard par l'un des douze chercheurs que compte le Centre Européen de Recherches Préhistoriques de Tautavel.
Et ce lundi 15 mars, 17 ans après sa découverte, l'oeil affuté d'Agnès Testu a levé le voile sur l'objet référencé "Arago 152" car c'est le 152e reste humain exhumé en presque cinquante ans de fouille parmi les 200 000 fragments d'os référencés.
C'est fantastique. Ce type de fragment est très rare.
"C'est fantastique. Ce type de fragment est très rare. À ce jour on en dénombre seulement trois sur le continent africain. Et ici à Tautavel, c'est le treizième morceau de fibula que nous trouvons. Car ce sont les seuls aussi vieux découverts en Europe-Asie avec celui d'Atapuerca près de Burgos en Espagne. Cela va permettre de mieux comprendre la vie à cette époque." s'enthousiaste Christian Perrenoud géoarchéologue au Museum national d'Histoire Naturelle et responsable scientifique du matériel trouvé dans la Caune de l'Arago depuis 2007. " À présent, on va pouvoir faire parler ce bout d'os humain."
On va pouvoir faire parler ce bout d'os humain
C'est le rôle du spécialiste, Tony Chevalier, paléoanthropologue. " C'est une chance car ce type d'os tout en long se fracture en morceaux plus ou moins réguliers autour de cinq centimètres. Celui-ci se situe très certainement au milieu, entre le genou et la cheville. En analysant son contour irrégulier, une forme presque triangulaire, on peut y voir les endroits où les muscles ont le plus travaillé. Et ainsi déterminer sur quel type de sol l'homme de Tautavel marchait. C'était un nomade. La caune de l'Arago était un refuge pour lui. Il n'y passait pas plus qu'une saison très certainement"
Un scanner en juin
Et pour affiner les recherches, l'équipe va faire réaliser un scanner de cette pièce en juin prochain à Lille grâce à un micro-tomographe à rayons X. " Nous aurons ainsi une image virtuelle d'une tranche de 20 microns que nous étudierons tranquillement. Nous pourrons les comparer à d'autres fibulas d'époques différentes pour observer l'évolution morphologique. Mais dès à présent je peux confirmer que nous avons là un deuxième fragment du même péroné " précise Tony Chevalier. On pourra pousser plus loin. Envisager peut-être sa masse musculaire et sa taille autour de 1 m 65. Le puzzle commence à prendre forme".
Depuis le début des fouilles à la Caune de l'Arago en 1971, les archéologues ont répertorié plus de 200 000 ossements et 200 000 pierres taillées. Des fouilles réalisées jusqu'à seulement 11 mètres de profondeur. D'après un récent carottage il en resterait encore 7. De quoi nourrir de futures découvertes.