REPORTAGE. Canicule : la Méditerranée se réchauffe inéxorablement et c'est tout l'équilibre de l'écosystème qui est menacé

L'eau de la mer Méditerranée est-elle plus chaude que les précédentes années ? Enquête sur la plage de Collioure et auprès de Pascal Conan, directeur adjoint de l'Observatoire des sciences de l'Univers STAMAR à Banyuls-sur-Mer.

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Quand le mercure s'enflamme... Autant se jeter à l'eau. À condition qu'elle soit fraîche ! Chaque année, l'eau semle plus chaude. C'est ce que ressent en tout cas Romain, un habitué des vacances à Collioure. 

Chaque année, on sent que la température de l'eau est de plus en plus élevée. C'est normal, il fait de plus en plus chaud.

Romain, en vacances à Collioure

Patrick ne partage pas du tout cet avis. Ce moniteur, qui donne des cours de natation depuis plusieurs années le long du quai de Collioure, en est certain : l’eau est plus fraîche cette année par rapport à l'été 2022, surtout après plusieurs jours de vent.

L'an dernier on avait une eau en moyenne juillet-août à 25°C alors que cette année, c'est 23-23,5°C. La Tramontane est un vent froid et le vent marin va faire remonter des courants froids des profondeurs et c'est pour ça qu'en surface, l'eau est plus fraîche. Et cette année, on a eu beaucoup de vent. 

Patrick, moniteur de natation à Collioure

Ce lundi 21 août, le thermomètre affichait 25°C au bord de l'eau. Mais pour obtenir des relevés plus précis, il faut recueillir et étudier les mesures prises par les bouées de l'Observatoire océanologique de Banyuls-sur-Mer. L'OSU STAMAR enregistre la température de l'eau depuis 1997. Pascal Conan en est le directeur adjoint et pour lui, "il est clair qu'aujourd'hui, on a un réchauffement global des eaux de surface à l'échelle annuelle."   

En Méditerranée, on a trois grandes masses d'eau : une en surface, une intermédiaire et une profonde. On note des réchauffements dans les trois types de masse d'eau. Normalement on ne devrait pas observer de réchauffement net dans les eaux profondes puisque celles-ci mettent 1.000 ans à se renouveler.

Pascal Conan, directeur adjoint de l'Observatoire des sciences de l'Univers STAMAR

Réchauffement net des eaux de surface

Selon le directeur adjoint de l'Observatoire des Sciences de l'Univers de Banyuls-sur-Mer, les relevés indiquent une augmentation de 0,003 voire 0,004 de la Méditerranée Orientale et Occidentale. Une hausse qui paraît infime mais pour Pascal Conan, "c'est très significatif parce que normalement ce sont des eaux qui sont très stables". Le scientifique rappelle le rôle de "climatiseur" que jouent les mers et les océans pour la planète avec un phénomène d'accumulation de chaleur."Tous les ans, la Méditéranée va accumuler de la chaleur, que normalement, elle peut restituer en hiver, mais comme les hivers sont de plus en plus doux, la mer va restituer moins de chaleur et au final, on a des températures qui augmentent graduellement."

Alerte rouge

Hivers doux et étés caniculaires, un cocktail explosif. Le réchauffement des eaux de surface entraîne donc à terme le réchauffement des eaux profondes. Un phénomène de diminution des convections profondes observé en Méditerranée depuis 2013 qui provoque déjà des perturbations dans le cycle du vivant.

Pour bien comprendre : normalement, en s'écoulant dans les profondeurs, les eaux de surfaces transportent la matière organique et l'oxygène nécessaires aux écosystèmes profonds. En contrepartie l'eau profonde remonte, chargée en sels nutritifs et sera à l’origine du "bloom", la "floraison phytoplanctonique" qui permet ensuite aux chaînes alimentaires de fonctionner correctement jusqu'aux échelles de poissons et des mammifères. Oui mais voilà, avec le réchauffement de l'eau c'est tout l'équilibre de l'écosystème méditerranéen qui serait en danger. Un phénomène global d'autant plus inquiétant qu'il arrive beaucoup plus vite que prévu.  

Vous m'auriez interviewé il y a dix ans, je vous aurais dit qu'on notait des changements mais je n'avais pas à l'époque la sensation que ces changements étaient aussi drastiques, aussi intenses et aussi rapides.

Pascal Conan, Directeur adjoint de l'Observatoire des sciences de l'Univers STAMAR 

Le chercheur termine en rappelant que la réalité dépasse toutes les prédictions. "Les modèles mathématiques prévoyaient la diminution des convections profondes pour 2050-2080, or en 2023, on a déjà une très forte diminution de ces convections".  Et ce n'est pas la canicule actuelle qui va arranger la situation. 

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