En marge de l'inauguration de la THT entre la France et l'Espagne, le Premier ministre Manuel Valls s'est rendu, vendredi, à Argelès-sur-Mer, sur le site du camp qui a accueilli les réfugiés de la guerre civile espagnole en 1939. Il y a présidé une cérémonie commémorative en mémoire de la Retirada.
Manuel Valls a rendu un vibrant hommage aux Républicains espagnols qui "refusèrent la dictature" de Franco, vendredi à Argelès-sur-Mer, fustigeant l'attitude de la France qui les parqua dans les "camps du mépris", en plein hiver 1939, sur le sable de plages.
En face d'un camping quatre étoiles de la station balnéaire, des fils et filles de Républicains se sont massés pour une courte cérémonie annuelle dans le minuscule "cimetière des Espagnols", situé à une centaine de mètres de l'ancien "camp des sables" d'Argelès (Pyrénées-Orientales).
Parmi eux, la romancière Lydie Salvayre, lauréate du Goncourt 2014 pour son roman "Pas pleurer", consacré à la guerre civile espagnole, dont les parents "étaient passés dans ce camp", a-t-elle confié.
Je suis fils d'Espagnols, d'une famille républicaine catalane", a d'abord rappelé Manuel Valls, face à la stèle portant des noms de morts bien espagnols : Martinez, Aguilar, Pardo, Diaz... "Mais je suis devant vous comme Premier ministre de la France", pour marquer "le 76e anniversaire de la Retirada ("retraite"), exil de plus de 450.000 vaincus de la guerre civile espagnole (1936-1939).
Ils "ont traversé la frontière car ils avaient refusé la dictature, défendu la République, ils fuyaient pour beaucoup les troupes franquistes après la chute de Barcelone", a-t-il dit, mais "tout ce qu'ils avaient trouvé en arrivant, ce sont les camps du mépris".
Auparavant, la présidente de l'association Fils et Filles de républicains et enfants de l'exil, Rosy Godet, avait lancé: "Ce qui est aujourd'hui une des plus belles plages d'Europe (à Argelès) fut le premier camp de concentration où passèrent plus de 220.000 personnes". "Mais qu'avaient-ils donc fait sinon défendre leurs idéaux?"
Des combattants, mais aussi des familles entières de civils, avaient été "internés" dans ces camps d'urgence par le gouvernement français (d'Edouard Daladier, Parti radical).
Pourtant, en 1939, "ce n'était pas encore la France de Pétain", a dit M. Valls (PS).
"Notre première responsabilité, c'est de reconnaître que la France n'a pas été à la hauteur des espérances de ces hommes et femmes qui venaient s'y réfugier et qui attendaient de la France qu'elle vienne à leur côté en 1936", a-t-il insisté.
Il a au contraire vanté l'engagement des Républicains espagnols, qui furent nombreux à rejoindre la Résistance et "parmi les premiers à entrer dans Paris libéré" en 1944. Et, comme s'il évoquait les attentats parisiens des 7 et 9 janvier derniers, il a conclu : "La vraie réponse aux douleurs et aux fractures que notre société connaît, c'est la République, forte, ferme pour la défense de ses valeurs mais plus que jamais généreuse et bienveillante."
Morts ramassés sur la plage
A l'hiver 1939, entre les barbelés du camp de la plage d'Argelès, on mourait d'épuisement, de froid, de dysenterie, du typhus, de noyades ou encore par suicides.
On a des témoins qui nous disent que des camions passaient tous les matins ramasser des morts mais on trouve très peu de décès mentionnés dans les archives, qui étaient en tout cas complètement désorganisées", a souligné Béatrice Verhille, directrice du nouveau Mémorial du camp, inauguré il y a un an.
Dans la soirée, une exposition consacrée pour la première fois aux trois "Camps sur le sable" (d'Argelès, de Saint-Cyprien et du Barcarès) devait être inaugurée à Argelès. "La petite fille du commandant du camp nous a donné des photos inédites", a souligné Mme Verhille.
A la cérémonie d'Argelès, M. Valls était notamment accompagné de deux candidates du PS aux départementales dans les Pyrénées-Orientales : la secrétaire d'Etat Ségolène Neuville et la présidente sortante du Conseil général, Hermeline Malherbe.