Le metteur en scène ariégeois Jean-Louis Manceau, directeur artistique de la Compagnie Fées et Gestes, avait repéré Jean-Pierre Bacri, alors jeune étudiant au cours Simon. Il l'avait débauché pour lui offrir son premier rôle dans les Catcheuses de Jean-Bernard Moraly, avec Gérard Darmon.
Jean-Pierre Bacri avait 25 ans, encore des cheveux, et une gueule qui "ne faisait pas encore la gueule".
"Un personnage très rigolard, très tonique et très physique"
Loin de l'image de l'éternel râleur, hypocondriaque et dépressif que l'acteur, décédé lundi d'un cancer à l'âge de 69 ans, a laissé dans ses films, le metteur en scène Jean-Louis Manceau, qui avait, avec Gérard Darmon, repéré en 1977 l'étudiant acteur lors d'une audition au Cours Simon se souvient au contraire d'un "personnage très rigolo, très tonique et très physique, à l'opposé du Bacri bougon qui parle très peu".
A l'époque, Jean-Louis Manceau montait à Paris, au Théâtre des 400 Coups, rue Mouffetard, une comédie musicale déjantée dans l'air du temps des années 70, "Les Catcheuses" de Jean-Bernard Moraly. Pour cette pièce à deux personnages, deux catcheurs, sur la thématique de l'éducation, Gérard Darmon jouerait le rôle de "Maman", une ancienne chanteuse d'Opéra. Restait à trouver "Fifille", sa fille qui voulait devenir petit rat de l'Opéra.
"Il était plus grande gueule que râleur"
Gérard Darmon connaissait un peu Jean-Pierre Bacri. Avec le metteur en scène, aujourd'hui installé à Tarascon-sur-Ariège, ils sont allés auditionner Jean-Pierre Bacri au cours Simon. "C'était pile le personnage qu'il nous fallait, raconte Jean-Louis Manceau. Il était jeune, très grand, une baraque d'au moins 1 mètre 80, déjà bourré de talent. Je lui demandais de faire des pirouettes, de prendre des postures de catch ou de faire un pas de danse classique sans problème. Il faisait beaucoup de sport, notamment du jogging. Mais il était plus grande gueule que râleur. C'était son côté pied-noir, dont il avait encore un peu l'accent que je lui corrigeais lors des répétitions. Je me souviens des crises de rire avec Jean-Pierre et Gérard, c'était infernal. Il y a des moments où je n'arrivais pas à les maîtriser tellement ils déconnaient".
Entre deux répétitions, il y avait les apéros au bistrot de la Contrescarpe, en face du théâtre. "Pour les tirer de là et repartir répéter, c'était difficile", se remémore Jean-Louis Manceau. "C'étaient des joyeux drilles, Parfois, le matin, je voyais Jean-Pierre arriver. Il venait de finir une nuit à jouer au poker".
Les Catcheuses ont été données plusieurs mois durant. Parti vers d'autres horizons, Gérard Darmon a été remplacé par l'acteur Sam Karmann. Le début au théâtre d'un long compagnonnage cinématographique. Sam Karmann jouera plus tard notamment dans le film de Jean-Pierre Bacri "Cuisines et Dépendances", ou réalisera "Kennedy et moi", avec dans le rôle-titre...Jean-Pierre Bacri.
Jean-Louis Manceau et Jean-Pierre Bacri se sont perdus de vue. "On se donnait des petites nouvelles de temps en temps, puis il est parti sur sa carrière cinématographique. Parfois, on se faisait un petit coucou par personnes interposées". La dernière fois qu'ils se sont revus, c'était à Gavarnie, en 2O11, "dix ans déjà". Jean-Louis Manceau était allé saluer Jean-Pierre Bacri, qui tournait dans le thriller de Raphael Jacoubot "Avant l'Aube".
Deux pièces inédites de Jean-Pierre Bacri
Aujourd'hui, le metteur en scène ariégeois, 20 ans durant animateur d'émissions très populaires sur France 3, fouille avec nostalgie ses archives. Il a retrouvé au fond d'une malle deux pièces inédites, jamais montées, de Jean-Pierre Bacri, des premiers textes que l'acteur débutant, déjà féru d'écriture, lui avait envoyés. Il a écrit un hommage à l'acteur disparu sur son compte Facebook :
Vous avez été nombreux à me demander d'autres photos de Jean Pierre Bacri jeune, dans son tout premier spectacle que j'...
Publiée par Manceau Jean Louis sur Mardi 19 janvier 2021
"Je savais qu'il était malade, ajoute Jean-Louis Manceau, mais ça m'a fait un putain de coup. Quand tu as connu un jeune comédien qui démarrait, que tu vois tout ce qu'il a fait, et avec autant de talent, tu te dis que ça passe vite une vie".