Il y a près de dix ans, Yann Castanier, jeune étudiant en photographie, décidait de suivre un groupe de SDF à Sète. Aujourd'hui, il relate cette rencontre dans un photoreportage publié sur Internet, qui a fait le tour des réseaux sociaux.
Il parle d'un "effet boule de neige" après la mise en ligne de son photoreportage. Entre interviews, propositions de piges et félicitations, Yann Castanier peut se targuer d'être parvenu à se faire remarquer dans le flot des publications sur Internet.
Mis en ligne le 4 mai sur le site d'informations Streetpress, son reportage en immersion avec les SDF de Sète, dans l'Hérault, a dépassé les 18 000 "likes" sur Facebook. Intitulé "Subutex, baston et love story", il raconte avec brutalité et sensibilité le quotidien des marginaux de sa ville natale. Marqué par "l'extrême violence de leur monde", il dit s'être lancé dans ce projet "pour comprendre les limites de la société, ce moment où l'on peut basculer".
"Si tu touches au petit, je t'explose"
Lorsqu'il décide de suivre ces SDF, en 2006, Yann a 19 ans. Il étudie la photographie à l'École supérieure des métiers artistiques (ESMA) de Montpellier, et n'a encore jamais fait de reportage. "La démarche répondait à des interrogations", explique le journaliste, à l'envie de savoir si "ce que l'on croit sur eux est la réalité"."Puis ça m'a suivi pendant presque trois ans", poursuit-il. Cinq mois pour se faire accepter par les SDF, et deux années à échanger avec eux, les suivre jusque dans leurs squats, et bien sûr les photographier. Passées les premières réticences des marginaux à lui dévoiler leurs lieux de vie, de peur que la police n'en prenne connaissance, les SDF de Sète l'adoptent.
Yann Castanier se souvient d'une nuit dans un parc, où l'un d'eux, galvanisé par l'alcool, le menace physiquement. "Un autre est venu et lui a lancé : 'si tu touches au petit, je t'explose'", raconte le photographe.
"Un problème d'amour"
Yann fait donc la connaissance de Francis, 69 ans, "la gueule bien cabossée", ancien directeur d’agence régionale d’Europcar et d'une banque, dont la femme est "partie avec Georges Frêche". Il rencontre Slawek, un Polonais de 120 kg qui "frappe sa copine", ainsi que Clive et David, deux frères à "l’œsophage brûlé par l’alcool"."Dans la grande majorité, ils étaient très contents qu'un regard se pose sur eux, et que ce soit celui d'un jeune. Ils en ont été touchés, comme moi j'ai pu l'être grâce à eux", confie Yann Castanier. Il aimerait que son reportage permette de prendre conscience des raisons pour lesquelles on peut se retrouver dans la rue. "On ne se retrouve pas là par manque d'argent ou par flemme, explique-t-il. C'est un problème d'amour, ils n'ont pas été aimés correctement par leurs parents, et ne s'aiment pas eux-mêmes."
Yann Castanier, qui a "plaqué" son travail de chargé de communication pour le ministère des Affaires étrangères, souhaite aujourd'hui se consacrer pleinement au photoreportage (car "textes et images sont complémentaires"). "Je ne pense pas pouvoir faire autre chose aujourd'hui", dit-il, un sourire dans la voix.