Dans le Tarn-et-Garonne, un professeur de gymnastique est mis en examen depuis 2018 pour agressions sexuelles sur mineurs. Selon le site d'investigation Disclose, les agissements de l'éducateur étaient connus depuis 2013 sans que l'alerte n'ait jamais été donnée.
Tout a éclaté un soir de février 2018. Sylvie et Laurent ont trois enfants (deux filles et un garçon). La cadette a 8 ans et pour la première fois, elle exprime son souhait de ne pas se rendre au cours de gymnastique périscolaire de l'école Montesquieu (Tarn-et-Garonne) auquel elle doit participer le lendemain.
C'est alors qu'elle décide de parler à ses parents du professeur de gym, Gilles, et des gestes qu'il lui aurait imposés : les caresses sur tout le corps, sur les fesses et jusque dans le pantalon. Les parents doutent mais décident d'en parler à deux autres familles du village qui découvrent que leurs enfants sont aussi concernés par ces agissements.
"Il avait une attitude de prédateur sexuel avec un véritable mode opératoire, assure l’avocate de ces familles, Maître Alexandra Tempels-Ruiz.
Il arrivait à se retrouver seul avec les enfants et avec un grand naturel à faire passer ses gestes comme des récompenses.
Agressions sexuelles, images pédopornographiques
Au total, 8 petites filles de la commune de Montesquieu, âgées de 5 à 9 ans, auraient subi des attouchements durant ces cours de sport.La mairie alertée dépose aussitôt plainte à la gendarmerie de la ville voisine de Moissac. L'éducateur est placé en garde à vue le 21 février 2018 puis mis en examen pour agressions sexuelles sur mineurs et détention d’image pédopornographiques.
Une information judiciaire a été ouverte. Gilles a interdiction d'être présent dans le département, excepté le week-end pour voir sa femme et son fils.
L'affaire vient d'être révélée par le site d'investigation Disclose qui a travaillé durant plusieurs mois sur la pédophilie et les violences sexuelles dans le milieu du sport
Une affaire révélée en décembre 2019 mais selon les journalistes en charge de cette enquête, l'histoire ne s'est pas arrêtée là :
D’autres victimes présumées avaient pourtant donné l’alerte quelques années auparavant
Un individu très calme et sympathique
Arrivé dans le Tarn-et-Garonne en juillet 2013, en provenant de Dieppe, Gilles a travaillé dans plusieurs clubs sportifs, associations, situés dans des comunes aux alentours de Moissac : Laville-Dieu-du-Temple, Castelsarrasin, Montesquieu. Dès 2013, l'éducateur s'occupe d'activités sportives en milieu scolaire à Valence d’Agen. Porteur de lunettes, de petite taille, à la voix douce, il est décrit comme un individu très calme, sympathique. Mais des remarques remontent pourtant très rapidement sur son attitude et ses gestes "déplacés" vis-à-vis de jeunes élèves participant à ses cours. Selon la mairie, il a été mis fin à ses interventions à Valence d'Agen.
Deux ans plus tard, Gilles reparait à 30 kilomètres de là sur la commune de Cazes-Mondenard pour des cours de gym à des personnes âgées mais également à un petit groupe d’enfants « Il travaillait pour une association locale et il y a eu des rumeurs de gestes "inappropriés". Il a été écarté à la demande des familles."
A ma connaissance, il n’y a pas eu de victimes sur la commune
certifie le maire de ce village de 1000 habitants, Jean-Michel Guilloteau.
Des alertes anciennes
Pourtant, selon le témoignage de Chrystelle C., ancienne présidente d'une association sportive de Moissac, qui employait Gilles, une mère de famille de Cazes-Mondenard est venue lui avouer, en 2018 au moment de la révélation de l’affaire, que sa fille aurait été touchée par l’éducateur à cette époque.« Plusieurs personnes savaient mais pourquoi ne pas avoir déposé plainte ? se désole-t-elle.
S‘il y avait eu une alerte, il n’aurait pas eu ses diplômes d’Etat comme son Certificat de Qualification Professionnelle Animateur de Loisir Sportif (CQP ALS) mais surtout son Brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport, qui nécessite un casier judiciaire vierge.
Un BPJ-EPS obtenu en 2016, selon Chrystelle C., soit quatre ans après les premiers faits dénoncés de l’éducateur, un an avant ceux de Montesquieu.
« Beaucoup de gens savaient notamment au niveau des mairies mais ils se sont souvent contenté de mettre fin au contrat et se sont tus, dénonce Alexandra Tempels-Ruiz.
Deux plaintes avaient déjà été déposées avant celle de février 2018 mais le parquet de Montauban avait décidé de les classer sans suite "en raison d’éléments insuffisants, notamment de témoignages".Un certain nombre de dirigeants de clubs, d’associations, se sont voilés la face. C’était plus simple mais s’ils avaient prévenu dès le départ, il ne se serait rien passé.
Lourdeur et la complexité du système judiciaire
Une situation d’autant plus difficile à accepter pour les familles des victimes qu'une expertise psychiatrique a établi que le risque de récidive de la part du professeur de gymnastique était "faible", malgré la connaissance de faits datant d'au moins 2013 et la possession de 1500 images à caractère pédopornographique sur son ordinateur.Ces parents se battent au quotidien pour se faire entendre et avancer ce dossier. Pour Maître Tempels-Ruiz ses "clients ont découvert la lourdeur et la complexité du système judiciaire et ont été aussi désinformés. Ils n'ont pas reçu d'avis à victime de l'ancienne magistrate en charge de l'instruction afin de leur indiquer qu'ils pouvaient se porter partie civile."
Contacté, l'avocat de Gilles, Maître Jean-Louis Pujol, assure que son client "conteste les faits et leur qualification" et rappelle la présomption d'innocence dont bénéficie à ce jour l'éducateur sportif.