ENQUETE - En Occitanie, les professionnels de la filière d’économie d’énergie accusent l'entreprise tarnaise de profiter de la complexité des dispositifs d’aides pour percevoir un maximum d'argent.
Démarchage "incessant et aggressif" ; explications "floues et confuses" ; "une grosse arnaque". Depuis plusieurs mois, à côté des commentaires très positifs sur l'entreprise d'isolation Eco Groupage fleurissent les critiques acerbes de clients de la société tarnaise.
Dans le petit milieu des économies d'énergie le nom d'Eco Groupage provoque d'ailleurs toujours la même réaction : "Ah oui. Je vois de quoi vous allez me parler..." Bon nombre de professionnels et d'institutionnels dénoncent, sous couvert d'anonymat, les tarifs excessifs de l'entreprise.
"Ils profitent de la complexité des dispositifs d’aides de la rénovation énergétique pour embrouiller les particuliers, explique l'un d'eux. Ils cherchent à percevoir un maximum d'argent. Le plus choquant moralement c'est que tout cela se fait au détriment des plus petits revenus." "Ils profitent d'un effet d'aubaine pour vider les caisses du financement public", déplore un autre.
VIDEO / L'enquête de Syvain Duchampt et Delphine Gérard :
Créée il y a 5 ans à Puylaurens dans le Tarn, l'entreprise affiche un chiffre d'affaire en constante hausse : jusqu'à 7 millions d'euros pour l'année 2016. Sa spécialité : les travaux d'économie d'énergie, et notamment, l'isolation des combles.
Ce géant régional du secteur est aussi critiqué par certains clients. Une proche de l'un d'eux témoigne, documents à l'appui. Le montage financier qui lui a été présenté est loin d'être clair : alors que le client aurait pu bénéficier d'un dispositif d'isolation des combles à 1 euro avec d'autres entreprises, celui-ci se retrouve à devoir payer plusieurs centaines d'euros. Et même, à rembourser un crédit à la consommation.
Devis incompréhensibles, crédits camouflés
Depuis un an, la société tarnaise profite de la dynamique créée par les opérations d'isolation des combles à 1 euros, à destination des ménages les plus modestes et financés à l'aide des certificats d'économies d'énergie. Un dispositif au succès croissant qui s’accompagne également de certaines dérives. Ainsi au début de l’année dans l’un de ses rapports, la Répression des fraudes pointait justement ces professionnels qui démarchent de façon agressive avec des « devis incompréhensibles, des crédits camouflés, des labels de qualité mensongers, des pressions pour conclure la vente sans délai, des travaux bâclés. »Les alertes concernant Eco Groupage sur l’ensemble de la région ne cessent de prendre de l’ampleur. Dans le Tarn-et-Garonne, l’UFC Que Choisir Midi-Pyrénées traite actuellement une dizaine de dossiers de ses adhérents ayant signé un contrat avec l’entreprise d’isolation. L’association de défense des consommateurs ne communique pas sur ces affaires, de peur de compromettre ses négociations et d’être poursuivie judiciairement. Mais selon nos informations, elle n’écarte pas l’idée d’engager un recours collectif, d’ici la fin de l’année.
Des plaintes déposées auprès de la justice
Outre la dénonciation de ses montages commerciaux, le spécialiste de l’isolation fait face à un autre problème. Il est engagé, depuis plusieurs mois, dans un bras de fer juridique avec Primes Energie, l’entreprise chargée du versement de l’une des aides de financement pour ses chantiers. Cette dernière aurait découvert des pratiques supposées frauduleuses de la part d’Eco Groupage. Conséquence : l’ensemble du paiement des primes destinées aux clients de la société tarnaise, soit près de 300 dossiers selon Primes Energie, ont été annulées et une plainte aurait été déposée au parquet de Paris pour faux et usage de faux. La réplique d’Eco Groupage ne s’est pas fait attendre. Des actions judiciaires pour diffamation et abus de confiance ont été engagées à l’encontre de Primes Energie Contacté le Ministère de la transition écologique n’a pas souhaité communiquer sur cette affaire. De son côté, la Région Occitanie se fait très discrète sur le sujet qualifiant le dossier de « sensible » : « Les informations portées à la connaissance des services de la Région semblent révéler l’existence d’un litige opposant la société Eco Groupage à une autre entreprise ainsi qu’à des particuliers dans le cadre de la délivrance de certificats d’économie d’énergie. La Région n’a pas vocation à commenter les actions susceptibles d’être engagées dans ce contexte.
La société Eco Groupage est partenaire du dispositif régional éco-chèque qui permet aux particuliers de bénéficier d’une aide de 1 000 € à 1 500 € pour la réalisation de travaux destinés à l’amélioration énergétique de leur logement. Plusieurs signalements ont été communiqués à la Région, dont on ne peut affirmer à ce jour s’ils constituent des fraudes en tant que telles. Ils font l’objet d’un examen de la part des services de la Région qui procèdent à des contrôles, sur la base desquels la collectivité usera de toutes les voies de droit dont elle dispose, en premier lieu en faisant application des dispositions prévues dans le règlement régional relatif au dispositif éco-chèque. »
"Pas d'argent sur le dos des plus démunis"
Une prudence qui s’explique en partie par le poids aujourd’hui d’Eco Groupage sur le marché de l’emploi, une centaine de salariés et 350 chantiers par mois sur 5 départements de la Région. Les professionnels tarnais sont également engagés aux côtés des collectivités sur divers évènements locaux, comme le Pala Corta Pro Tour 2017, prévu le 29 septembre prochain à Portet-sur-Garonne. Rencontrés au cours de cette enquête, les deux gérants d’Eco Groupage, Sébastien Rebelo et Yohan Gonzales, se défendent : « Nos montages sont très clairs. Si l’un de nos clients a des difficultés, il peut appeler nos services à tout moment. Nos tarifs sont peut-être plus élevés mais aujourd’hui avec une centaine de salariés, nous ne pouvons pas avoir les mêmes prix qu’un artisan travaillant seul. Nos charges ont augmenté ces derniers mois en raison d’une pénurie de matériel. Nous ne nous faisons pas de l’argent sur le dos des plus démunis. C’est même l’inverse. »