Témoignages. "30 enfants de 1 à 3 ans dans une salle, ça peut vite dégénérer" : paroles de salariées d'une crèche au cœur de la polémique

Publié le Mis à jour le Écrit par Stéphanie Bousquet

La crèche "Les Cauquinous" de Lavaur dans le Tarn serait-elle à nouveau dans la tourmente ? Après de graves incidents relevés en 2022, des parents ont adressé une lettre ouverte pour signaler de nouveaux dysfonctionnements. Ils dénoncent une mauvaise gestion de la structure. Des employées confirment que les conditions d'accueil ne sont pas optimales.

À l’origine, elle avait été ouverte pour les salariés du groupe Pierre Fabre, la crèche "Les Cauquinous" de Lavaur, dans le Tarn, accueille aujourd'hui 45 enfants de deux mois à trois ans.

Une lettre ouverte pour alerter

La structure privée a été en proie à de graves dysfonctionnements en 2022 et avait retrouvé une forme d'apaisement. Mais cette semaine, des parents ont adressé une lettre ouverte au groupe Babilou en charge de cette crèche pour dire leur indignation face à une mauvaise gestion de la structure qui perdure.

Un courrier qu'ils ont aussi transmis à la PMI (la Protection maternelle et infantile), à la communauté de communes Tarn-Agout et à la CAF. 

De graves dysfonctionnements en 2022 résolus selon la direction de Babilou

En 2022, un enfant avait échappé à la surveillance des agents. Il s'était retrouvé seul sur un parking non loin d'une route nationale. Un autre avait été oublié, par erreur, pendant deux heures dans une buanderie. Face à ces graves incidents, la direction du groupe Babilou avait pris la situation très au sérieux. Selon elle, "il n'y aurait plus de dysfonctionnements au sein de cette crèche".

Je comprends la colère des parents. Les faits sont graves mais ils remontent pour la plupart à 2022. Ils sont inacceptables et nous avons pris les mesures qui s’imposaient. Nous avons licencié l’ensemble de la direction de la crèche. Depuis nous avons mis en place un process de remontée d’information qui nous évite de revivre ça. Mon objectif est de retrouver la confiance et la sérénité dans cette crèche.

Emeric Grosjean, directeur exécutif de la région sud-ouest de Babilou

Enfants qui tombent ou mordus, des problèmes persistent

Mais ces dernières semaines, salariés et parents tirent de nouveau la sonnette d'alarme. "En début d'année, mon fils d'un an et demi est revenu à plusieurs reprises de la crèche avec des morsures aux jambes, sur les mollets. Ce n'est pas normal, nous explique un papa qui préfère rester anonyme. Il l'avait laissé dans un groupe avec des plus grands, il y a eu un problème de surveillance, ce n'est pas acceptable".

La nouvelle directrice de la structure nommée l'an passé a même remis sa démission pour alerter sur la situation. Par téléphone, l'une des salariées de cette crèche et deux ex-salariées qui ont démissionné ne sont pas surprises de ces incidents. De manière anonyme, elles s'inquiètent des conditions de travail dans lesquelles elles évoluent.

Une profession en crise

Hélas, nous ne sommes pas surpris par cette lettre ouverte des parents. Nous leur avons apporté notre soutien. C'est normal qu'ils dénoncent des manquements. Plusieurs problèmes se posent dans cette crèche.

Une des salariées de la crèche "Les Cauquinous"

Enfants qui se blessent, chutes, de nouveaux incidents se seraient bien produits ces derniers mois dans cette crèche de Lavaur. Selon ces salariées de la petite enfance, ils ne sont pas liés à un manque de vigilance du personnel, mais bien à des difficultés plus structurelles.

Un taux d'encadrement inadapté

"Il y a tout d'abord un problème national de prise en charge dans la petite enfance. Le taux d'encadrement dans les crèches est inadapté. On a un adulte pour cinq enfants qui ne marchent pas et un adulte pour huit enfants qui marchent, c'est énorme quand on parle de tous petits de moins de trois ans qui ont besoin d'une attention toute particulière et d'une vigilance de tous les instants. Ce qui se passe aux Cauquinous arrive hélas dans d'autres crèches", nous explique l'une des salariées des Cauquinous.

L'autre difficulté, ce sont les conditions salariales. Nous avons d'énormes responsabilités, mais nous sommes le plus souvent payés au SMIC. Quand nous sommes malades, nous avons trois jours de carence, cela engendre de grosses pertes de salaire, résultat : on ne s'arrête jamais. On accumule alors de la fatigue et du stress.

Une ex-salariée des Cauquinous qui a donné sa démission en 2023

À la crèche "Les Cauquinous", il y a en effet eu des burn-out. Du coup, il y a du turn-over dans le personnel, il y a aussi eu beaucoup de démissions, au moins une dizaine en deux ans. Le secteur est en crise, le recrutement n'est pas simple.

Dix démissions en deux ans

"Or, nous prenons soin des enfants, nous permettons aux gens de travailler, nous sommes essentiels dans la société, mais nous ne sommes pas assez bien considérés", rajoute cette ex-salariée de la structure.

Au-delà de ces considérations générales, ces professionnelles de la petite enfance dénoncent aussi un problème inhérent à cette crèche privée de Lavaur. À l’origine, elle avait été construite pour accueillir 26 enfants, mais peu à peu, face à la demande, sa capacité d'accueil est devenue de plus en plus importante.

"Il y a une logique de rentabilité dans ces structures privées. On nous pousse à accueillir le maximum d'enfants car les subventions sont débloquées en fonction du nombre de places proposées", précise l'une des salariées.

Une structure d'accueil inadaptée

Nos locaux ne sont plus adaptés. Nous avons quinze bébés de moins d'un an qui sont dans un espace trop petit. Et trente enfants de 1 à 3 ans qui se retrouvent ensemble dans une immense salle. Donc ça peut vite dégénérer, les conditions de travail sont difficiles, ce qui explique aussi les incidents qu'on a pu connaître et qu'on regrette. Nous n'avons eu de cesse que d'alerter notre direction sur ces difficultés.

Une salariée des Cauquinous

Selon ces salariées, certains incidents auraient pu être évités si des mesures avaient été prises. La direction du groupe Babilou qui gère plus de 430 crèches en France, dit avoir pris conscience du problème.

L'équipe va être renforcée

Une réunion a été organisée avec les salariés des Cauquinous, le mardi 23 avril, pour tenter d'améliorer cette situation. La direction de Babilou, qui met le bien-être de l'enfant au cœur de sa communication, prévoit de mettre plus de moyens humains dans cette crèche en difficulté.

On va renforcer l'équipe, une nouvelle directrice et une sous directrice sont en cours de recrutement notamment. Une psychomotricienne devrait aussi venir renforcer les effectifs. C'est vrai que les métiers de la petite enfance sont en tension. Il nous manque du personnel. On va augmenter les salaires et mettre des primes à l'enfance.

Emeric Grosjean, directeur exécutif la région sud- ouest de Babilou

Une direction qui va aussi rencontrer les parents des quarante-cinq enfants, jeudi 25 avril, pour que la confiance et l'apaisement reviennent au plus vite à la crèche "Les Cauquinous".

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