Que se passe-t-il au Syndicat départemental d'énergies du Tarn ? Depuis l'arrivée d'une nouvelle équipe d'élus à sa tête en 2014, l'établissement public semble plongé dans le noir et laisse prospérer des situations pas toujours conforme avec la loi, comme pour son nouveau directeur technique.
"Loupiac. Le maire mettra la main à la pâte" Janvier 2012, Patrick Caussé est élu maire de la petite commune tarnaise de 400 habitants et a droit aux honneurs de la presse locale. La rénovation du préau de la salle communale, la réfection du clocher, l'entretien de la voirie. La liste des chantiers du village est longue mais Monsieur le maire le promet "La plupart des travaux de rénovation seront effectués par l'employé municipal ou par moi-même, il faut savoir mettre la main à la pâte."
La question des lignes électriques, leurs enfouissements et le raccordement au réseau des nouveaux lotissements, ne sont pas évoqués mais font aussi partie des futures opérations à mener durant cette mandature. Ces dossiers Patrick Caussé les connait très bien. Il va s'y impliquer à la fois comme élu et comme professionnel.
Comme l'indique la Dépêche du Midi, le maire de Loupiac "exerce la profession de responsable d'affaire au Syndicat départemental d'énergies du Tarn." Le Sdet, regroupe les 323 communes du Tarn et organise pour elles la distribution publique d'électricité et de gaz ou l'éclairage public. L'établissement public emploie une vingtaine de salariés et réalise un chiffre d’affaire annuel de 50 millions d’euros.
Maire, délégué et directeur technique
C'est donc tout naturellement qu'à Loupiac Monsieur le maire a été désigné à l’unanimité délégué de sa commune au sein du syndicat intercommunal. Parallèlement, à la faveur de l’arrivée fin 2014 d’une nouvelle équipe d’élus et d’une nouvelle directrice générale, Patrick Caussé est désigné directeur technique du syndicat mixte l'année suivante.Le cumul d’un poste de direction au syndicat conjugué à un mandat de maire et à une fonction de délégué au sein du Sdet provoque d’étranges situations.
Par exemple, au début de l’année 2015, le président du Sdet, Alain Astié, envoie au maire de Loupiac, comme à l’ensemble des communes adhérentes au syndicat, un courrier détaillant le financement de l’éclairage public. La lettre précise que le maire peut contacter le responsable technique pour tout renseignement. Ainsi Patrick Caussé peut s'informer auprès de Caussé Patrick.
Il y aussi cette délibération de février 2016 du Conseil départemental du Tarn. La commission permanente de la collectivité approuve « la proposition technique et financière à intervenir avec le Sdet pour l’enfouissement de fourreaux, propriété du Département, destinés au très haut débit, à l’occasion des travaux sur la traverse du bourg de la Commune de Loupiac » pour un coût de 17 239.36 euros.
Des fonctions incompatibles
Cette triple casquette, l’édile va la porter durant plus d’un an, sans que personne au sein de l’organisme intercommunal ne s’en émeuve. Pourtant, en la matière les textes sont clairs. Il suffit de se plonger dans le code général des collectivités territoriales et de consulter l’article L5211-7 pour s’en convaincre : «Les agents employés par un syndicat ou une de ses communes membres ne peuvent être désignés par une des communes membres pour la représenter au sein de l'organe délibérant de cet établissement. » Etre à la fois maire, délégué et directeur technique : les trois fonctions sont incompatibles.Selon nos informations, il faut attendre avril 2016, une fois que la préfecture du Tarn ait été alertée, pour que Patrick Caussé abandonne son rôle de délégué communal faisant disparaitre par la même occasion l’incompatibilité. Mais pas le conflit d’intérêt.
Un parent recruté chez un sous-traitant
Avant d’être recruté par le syndicat, Patrick Caussé travaillait pour l'un des principaux sous-traitant du Sdet, la scop Citel. Durant plusieurs années, le maire de Loupiac a œuvré au sein de cette société coopérative de production, créé il y a 30 ans et dont « la particularité est d’offrir à chaque salarié la possibilité de devenir associé. »L’ancien président du Sdet durant 20 ans, Pierre Bernard, soulève un problème :« Ce qu’il y aussi, c’est que son fils travaille pour la Citel. Il y a des liens qui continuent à exister. C’est un mélange des genres qui ne me plait pas. » Le 17 juin 2016, le jeune homme a même été élu coopérateur de la Scop Citel à l’unanimité en assemblée générale.
Selon la définition donnée dans l’article 2 de la loi relative à la déontologie, aux droits et obligations des fonctionnaires votés le 20 avril 2016, cette situation peut s’apparenter à un conflit d’intérêt: « Au sens de la présente loi, constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions. »
275 000 euros de travaux à Loupiac
Le Syndicat départemental d’énergies du Tarn programme en 2015 pour plus de 275 000 euros de travaux d’enfouissement du réseau électrique sur Loupiac. Un investissement important pour ce petit village de 400 habitants. C’est d’ailleurs l’un des programmes les plus conséquent de cette année pour le Sdet.A l'été 2015, ces travaux font la une du bulletin municipal de la commune « Extension du réseau d’assainissement, enfouissement du réseau électrique, pose de la gaine destinée à la fibre optique, renforcement des canalisations d’eau potable et collecte des eaux de pluie. La coordination des différents intervenants est complexe, toutefois les travaux avancent dans le respect du calendrier établi. L’entreprise Rossoni, la Citel et les techniciens du syndicat de l’eau oeuvrent en parfaite symbiose mais ne peuvent éviter tous les désagréments qu’ils procurent aux riverains et aux usagers de la D13 (bruits, poussières, déviations….) » Outre le financement, le Sdet assure la gestion technique de ce chantier. Les travaux sont, eux, réalisés par la Citel.
Le Sdet ne répond plus
Patrick Caussé est il intervenu sur ce dossier en tant que directeur technique du Sdet ? Quelle a été son influence sur la décision de choisir la société Citel pour ces travaux ? Y a-t-il interférence entre l’intérêt de Patrick Caussé, comme directeur technique du Sdet et maire de la commune de Loupiac, et l’intérêt de son fils, salarié et sociétaire de Citel ? Des questions sans réponses. Sollicités à plusieurs reprises au cours du dernier mois, Patrick Caussé, Alain Astié, président du Sdet et maire de la commune de Rosière, Catherine Moncet, directrice du Syndicat, n’ont répondu à aucune de nos demandes.Le reportage de Sylvain Duchampt et Nathalie Fournis
Une gestion du Sdet en toute opacité
Le Sdet, Syndicat départemental d’énergies du Tarn, est devenu en 20 ans un acteur incontournable du département en matière d’enfouissement des lignes électriques et en matière d’éclairage public. Courant 2014, une nouvelle équipe d’élus a pris les rênes de l’organisme, succédant à l’ancien député socialiste du Tarn, Pierre Bernard. Une succession qui s’est faite dans la douleur. Avant son départ du syndicat, Pierre Bernard souhaitait nommer comme directeur général, Christophe Ramond, actuel attaché parlementaire du député socialiste Jacques Valax. Sylvain Fernandez, président de l’association des maires du Tarn, Jacques Thouroude, conseiller départemental Les Républicains et Jean-Luc Dargein-Vidal, conseiller municipal délégué aux relations extérieures et aux partenariats à la ville d’Albi, s’y sont opposé et ont réussi à imposer à ce poste leur candidate, Catherine Moncet, fonctionnaire de Saône-et-Loire. « Ils ont fait cela pour des raisons politicardes s’emporte Pierre Bernard. C’est de la basse politique. Cela ne tient pas debout. J’ai toujours refusé de faire de la politique au sein du Sdet. Moi, il y avait des gens de droite, des gens de gauche. On prenait ceux qui étaient véritablement intéressés.»
Depuis, la gestion de l’organisme public est devenue totalement opaque. A l’image de son site internet désormais totalement à l’abandon où plus aucune information, plus aucun compte rendu d’assemblées et aucun nouveau document budgétaire n’est publié. Contacté à plusieurs reprises, direction et élus du syndicat intercommunal ont refusé de répondre à nos questions.
Audits des services informatiques et financiers, réorganisation des services, la reprise en main a été particulièrement brutale. Un profond malaise s’est installé parmi les 23 salariés dont le nombre de départs ne cesse d’augmenter. L’ancien directeur adjoint en charge de l’informatique a ainsi été licencié pour fautes graves en 2015.
Pour Pierre Bernard, tous ces changements et cette pression s’expliqueraient par le rapprochement programmé par la nouvelle équipe, présidée par Alain Astié avec le Conseil départemental du Tarn : « Depuis que cela a changé, on s’aperçoit qu’il y a beaucoup de contacts entre le Sdet et le Conseil départemental. Je sais que la directrice du développement économique du Conseil départemental, Madame Cécile Jouffron, va régulièrement au Sdet. Elle veut sûrement faire le lien pour que le syndicat devienne, au bout de quelques temps, une structure du département.. A mon époque, nous étions indépendants. J’ai fait des propositions à Thierry Carcenac pour que nous travaillions ensemble mais le directeur de la Sem E-Téra, Marc Gauché, n’a jamais voulu perdre ses prérogatives. E-Téra cela appartient au département, cela coûte beaucoup d’argent au département. Je pense que le budget du Sdet s’ils pouvaient l’ajouter à celui de E-Téra ça ne les dérangerait pas. Bien au contraire. Aujourd’hui, le Sdet est une structure départementale mais indépendante. J’espère qu’elle le restera.»