Témoignages. Montpellier : le président de l'Ordre des médecins d'Occitanie accusé de harcèlement et violences morales

Publié le Mis à jour le Écrit par Christine Ravier et Fabrice Dubault

4 salariées ou ex-salariées de l'Ordre des médecins d'Occitanie accusent son président de violences psychologiques et de harcèlement moral. 2 d'entre elles travaillant à Montpellier viennent de déposer plainte contre lui au pénal & en citation directe devant le tribunal correctionnel. L'accusé nie.

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Le Toulousain Jean Thévenot, président du conseil régional d'Occitanie de l’Ordre des médecins fait l’objet de deux plaintes. Deux de ses assistantes du bureau de Montpellier ont en effet, saisi la justice pour des violences psychologiques. Elles auraient subi de sa part des pressions et une forme de harcèlement via des centaines de mails, après avoir été mises en concurrence.

Valérie* a été licenciée le 9 mai 2020 pour faute grave. Elle raconte avec une émotion palpable le déroulement des faits qui ont abouti à sa mise à pied et son éviction du Conseil régional de l’Ordre.

Des pressions, des demandes illégales ?

« Le Dr Thévenot m’avait demandé d’enregistrer clandestinement des appels téléphoniques pour prendre en défaut ma supérieure hiérarchique, la responsable administrative qui était plus ancienne que moi. Il la soupçonnait d’avoir gardé des relations avec l’ancien président. Je n’ai rien fait dans un premier temps, j’étais choquée par la méthode. Mais l’un de ses collègues a fait pression sur moi lors d’un colloque. Il m’a dit : « Valérie bouge-toi car le président croit que tu es complice d'Isabelle et il ne va plus avoir confiance en toi ».

Moi, je voyais qu'Isabelle était de plus en plus mal et qu’elle allait finir par craquer. Il la dénigrait devant moi alors qu’elle travaillait depuis des années à l’Ordre et qu’elle n’avait jamais eu de problèmes. Il me disait : «elle n’a rien compris au travail, elle ne sait pas ce que c’est de travailler». Je l’ai enregistrée une fois et il m’a remerciée. Mais j’ai aussitôt cessé et c’est là que le harcèlement a commencé.

Valérie*.

« De la même manière, il a remonté contre moi, une salariée arrivée récemment », poursuit Valérie. « Il m’a accusée de la tenir à l’écart, de ne pas réussir à travailler avec elle. Or, c’était lui qui systématiquement nous mettait en concurrence. A tel point qu’elle m’a affirmé : « je vais prendre ton poste ». Quand cette nouvelle employée s’est mise en maladie, Valérie dit avoir été accusée de l’avoir harcelée.

"C’était une pression continue infernale !"

Dès le début du confinement, les choses auraient encore plus dégénéré. Notre plaignante décrit un véritable déchainement contre elle, avec des centaines de mails, mentionnant ordres et contrordres, reçus en pleine nuit. « C’était littéralement : vous ne devez pas faire ça et dans le mail suivant, pourquoi vous ne l’avez pas fait ? Il savait, par ailleurs, que je devais m’occuper le matin de mon enfant qui est handicapé et me reprochait de ne pas m’être acquittée de mes tâches durant ce temps. J’avais des messages à 2 ou 3 heures du matin, dans lesquels il me demandait pourquoi je ne m’étais pas acquittée de telle ou telle mission. C’était une pression infernale ».

Un schéma récurrent de harcèlement ?

Isabelle*, une autre assistante de Jean Thévenot, dit, pour sa part, avoir subi la même pression, la même forme de harcèlement que Valérie. « Je recevais des mails à 1h ou 2h du matin m’accusant de choses que je n’avais pas commises. Il s’est imaginé que j’entretenais des contacts avec l’ancien président. Il a fait fouiller mon ordinateur pour voir s’il était dans mes contacts. Sans succès. Mais l’acharnement a continué ».

Isabelle a été embauchée au Conseil régional de l’Ordre des médecins en février 2008. Jusqu’à la présidence du Dr Thévenot, elle atteste que tout s’était bien passé. Mais dès son arrivée, le climat s’est tendu selon elle. Il aurait refusé de régler les heures supplémentaires et installé une pointeuse biométrique avec prise d’empreinte digitale.

Il me mettait la pression en permanence avec des ordres et des contrordres qui me faisaient perdre toute crédibilité par rapport à mes collègues. Il me disait une chose à moi et disait autre chose à des personnes que j’encadrais. Il me harcelait avec des mails, je devais dire heure par heure tout ce que je faisais. Auparavant, je n’avais jamais eu de remarque négative sur mon travail.

Isabelle*

"Je refuse de travailler avec lui car il me fait peur"

Isabelle qui a perdu toutes ses primes, ne reçoit plus ses bulletins de salaires, n’obtient pas de réponse à ses demandes. Elle finit par porter plainte au Conseil de Prud’hommes. L’acharnement se poursuit, dit-elle. Enceinte, elle vit stressée et attribue à ce contexte ses deux hospitalisations pour menace d’accouchement prématuré.

Les Prud’hommes ont proposé une conciliation mais pour Isabelle, c’est allé beaucoup trop loin. « Je ne veux pas d’un règlement à l’amiable auquel je ne crois pas. Je ne veux pas d’argent. Je veux retrouver mon poste et exercer mon métier dans de bonnes conditions. Je refuse de travailler avec lui car il me fait peur ».

2 plaintes contre le Dr Thévenot et un signalement à l'Ordre national

Les deux salariées montpelliéraines ont fait le choix de saisir la même avocate nîmoise, Me Khadija Aoudia, et de porter plainte. Cette dernière fait état d’un scénario identique dans les deux affaires. « Il consiste à instaurer un climat de confiance avec la nouvelle venue au détriment de l’ancienne salariée, permettant au Dr Thévenot d’obtenir des éléments à charge contre la salariée à évincer ».

Les mêmes faits se seraient reproduits au détriment d'une autre salariée. Cette troisième femme qui a consulté un avocat envisage de se tourner vers les Prud’hommes pour faire reconnaître son préjudice.

C’est donc un système que dénonce l’avocate qui mentionne : « les propos et agissements violents et répétés de Mr Thévenot ont eu pour effet une dégradation manifeste des conditions de vie » (de ses clientes) avec pour objectif, leur démission. « Ce climat délétère et anxiogène a eu incontestablement une conséquence directe et importante sur l’état de santé des 2 salariées », précise-t-elle encore.

Les deux salariées disent être sous antidépresseurs et anxiolytiques. Elles ont porté plainte pour violences psychologiques volontaires. 2 plaintes similaires ont été déposées par les 2 femmes devant le Conseil national de l'Ordre des médecins à Paris, le 9 octobre 2020. L'instance ordinale a décidé le 8 avril dernier de traduire Jean Thévenot devant la chambre disciplinaire d'Occitanie de l'Ordre des médecins pour manquement aux règles de déontologie.

* Les prénoms des salariées sont fictifs à leur demande.

"Je suis surpris, je n'ai rien à me reprocher"

France 3 Occitanie a sollicité le docteur Jean Thévenot ce mercredi. Il se dit "surpris par cette démarche mais je reste droit dans mes bottes".

J'ai toujours respecté les gens avec qui je travaille. Je n'ai rien à me reprocher.

Dr Jean Thévenot à France 3 Occitanie.

 

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