Divisés sur l’accord emploi, les syndicats fêteront cette année le 1er mai dans la désunion : la CGT opposée au texte appelle avec ses alliés à manifester, la CFDT organise avec deux autres centrales réformistes un rassemblement inédit à Reims, et FO fera cavalier seul au Mur des fédérés.
Le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi, qui sera définitivement adopté au Parlement le 14 mai, a eu raison de l’unité de la CGT et de la CFDT, qui durant cinq ans, sous l’ère Sarkozy, ont défilé ensemble à la Fête du Travail.Sur fond d’explosion du chômage, les syndicats sont toutefois unanimes pour rejeter la politique d’austérité en France comme en Europe, sujet de vives polémiques politiques. «A faire de l’austérité, on va tous mourir avec des déficits zéro», lançait lundi Jean-Claude Mailly, leader de FO.
Mercredi, la CGT, la FSU et Solidaires appellent à 279 défilés et rassemblements à travers le pays, pour une mobilisation placée sous le signe du refus de l’austérité et de l’accord emploi. La décision du Sénat de reporter le vote du projet donne l’occasion aux militants de conspuer une nouvelle fois ce texte «scélérat». Le cortège parisien partira à 15 heures de la Bastille vers la place de la Nation.
«Ma crainte c’est que le Front national mobilise plus que les syndicats de salariés ce 1er mai»
Ce 1er mai contrastera avec celui de 2012 où, à cinq jours du deuxième tour de la présidentielle, des centaines de milliers de salariés (entre 300.000 et 750.000) étaient descendus dans la rue pour dire non à Nicolas Sarkozy. «Ma crainte c’est que le Front national mobilise plus que les syndicats de salariés ce 1er mai,» s’est inquiété, selon le Monde, le numéro un de la CGT, Thierry Lepaon, en allusion au rassemblement des partisans de Marine Le Pen. M. Lepaon avait lancé un appel à la CFDT pour des cortèges unitaires, «malgré les désaccords», mais il n’a «pas été entendu». Et «c’est un vrai drame pour les salariés» car «l’unité syndicale est déterminante, nous sommes en échec et je le regrette», a-t-il dit.
Le ministre du Travail, Michel Sapin a également «regretté» l’absence de cortèges unitaires. Mais, le leader de la CFDT, Laurent Berger, estimant que son syndicat avait été insulté par des militants CGT lors de leur Congrès à Toulouse, a rejeté l’offre de son homologue. «Quand on se fait traiter de "traître", de "collabo", de "renégat", je considère que ce sont des insultes», a-t-il expliqué. «On imagine bien ce que seront les slogans de la CGT contre l’accord» et on ne peut «pas faire semblant de dire des choses ensemble sur l’emploi, alors qu’on est profondément divisés», affirme de son côté Véronique Descacq, numéro deux de la CFDT.
Dès lors, la CFDT, la CFTC et l’UNSA, toutes trois signataires de l’accord, vont, dans une démarche inédite, organiser un rassemblement à Cormontreuil (Marne), près de Reims. Les leaders, Laurent Berger, Luc Bérille (Unsa), Philippe Louis (CFTC), prendront la parole en fin de matinée pour affirmer «le besoin de politiques européennes» qui mettent «un terme aux politiques d’austérité aveugles». Des animations musicales sont prévues dans l’après-midi. «Il ne s’agit pas d’un sacre du syndicalisme réformiste!», relève Luc Bérille. «Dire qu’un pôle réformiste est constitué, c’est un peu trop tôt», mais ce rassemblement «marque une évolution dans ce sens», selon lui. En théorie, la CFE-CGC avait sa place dans ce camp, mais le syndicat des cadres ne fête pas, habituellement, le 1er mai.
Pour la CFDT, il n’y a pas de rupture avec la CGT. «On peut se retrouver sur d’autres sujets», estime Mme Descacq. Dans la perspective du sommet social des 20 et 21 juin, les deux camps seront contraints de reprendre langue. Force ouvrière, elle, ne dérogera pas à sa tradition d’un rassemblement près du Mur des fédérés, en hommage à la Commune. Jean-Claude Mailly sera, lui, en Mayenne.
De son côté, un collectif d’associations organise avec des syndicalistes un débat de 11h à 13H à Paris, devant la mairie du IIIe arrondissement. Baptisé «Fête du travail, faites des emplois!», l’échange a un objectif: «renverser la culture de résignation au chômage».