Lundi 13 janvier, Anne Hidalgo a présenté son comité de soutien. Un grand mouvement autour d'elle. Contrairement, à Nathalie Kosciusko-Morizet, elle ne doit pas affronter de listes dissidentes issues de son camp.
Qui sera le Charles Beigbeder du PS parisien tentant d'unir d'éventuels mécontents ? Peut-il y avoir dans un arrondissement un Dominique Tiberi de gauche ?
A priori personne. Pourtant, il y a des mécontents parmi les militants socialistes à Paris qui n'ont pas de place éligible ou qui ont été évincés par des candidats dit d'ouverture. "On fait la voiture-balai des partis de tous bords en donnant des rentes de situation à des gens qui ne pèsent rien électoralement" confiait une élue socialiste parisienne sous le couvert de l'anonymat fin novembre
Pierre Mansat, adjoint depuis 12 ans à l'Hôtel de Ville, qui n'est pas membre du PS, expliquait publiquement "son dégoût" de ne pas être en place éligible sur les listes parisiennes d'Anne Hidalgo. Mais, passé ce mouvement d'humeur, il n'a enclenché aucune menace de dissidence. Pourquoi les mécontentements ne dépassent pas le cadre interne ?
Quand on interroge les responsables du PS parisien, leur réponse est tout d'abord politique.
Parce que Anne Hidalgo est partie très tôt
Anne Hidalgo a officialisé sa candidature le 4 septembre 2012. Elle l'avait évoquée quelques jours plus tôt aux universités d'été de la Rochelle. "Certains lui disaient que c'était trop tôt", raconte Pierre Aidenbaum. "Elle répondait qu'il fallait être en ordre de marche le plus tôt possible", poursuit le maire du 3 ème arrondissement. Notamment dans la perspective d'une primaire interne avec Jean-Marie Le Guen. "Ca vient de loin. Elle a installé son espace peu à peu. Et Jean-Marie a constaté qu'elle occupait presque tout l'espace", explique une élue parisienne.
Jean-Marie Le Guen a jeté l'éponge en mars 2013. Dès lors sans concurrence, Anne Hidalgo pouvait préparer tranquillement sa campagne. "Elle a prévenu tout le monde avant d'être investie. Elle souhaitait le non-cumul, le renouvellement et l'ouverture", rappelle Rémi Féraud, premier secrétaire de la fédération Ps de Paris.
A charge pour lui de déminer le terrain pendant le printemps et l'été 2013 sur la question des têtes de liste et de leurs compositions. "J'ai passé beaucoup de temps à préparer les choses en amont. Des dizaines d'heures à réunir les gens autour de la table", poursuit le maire du X ème. "Ca a été une élaboration dans le temps avec un timing très lent", confirme Pierre Aidenbaum.
Ce qui a aplani les différents mais il restait des mécontents. Intervient alors le deuxième filtre.
Parce qu'il y a un vote des militants
Le jeudi, c'est vote au parti. Les militants socialistes ont l'habitude des glisser des bulletins dans les urnes. Pour ces élections municipales, ils ont voté deux fois: pour les têtes de liste et pour la composition des listes dans presque tous les arrondissements. "Il y a une question de culture d'appareil. L'élection municipale n'est pas différente des autres élections. On a l'habitude de cela. On se présente, on se confronte et puis c'est comme cela", explique un élu parisien qui ne soutenait pas forcément Anne Hidalgo mais qui fait sa campagne sans état d'âme.
"Le vote donne plus de légitimité" poursuit Rémi Féraud. Même si évidemment, Anne Hidalgo a fait connaître ses choix et que des négociations ont eu lieu pour limiter les incertitudes du scrutin. "Il reste que nos statuts sont assez souples. N'importe qui peut se présenter. Mais, à partir du moment où il y a une légitimation par le vote, il n'y a plus de marge de manoeuvres après. Si vous êtes minoritaire dans votre section, c'est difficile de prétendre mener une liste ensuite", explique le directeur de campagne d'Anne Hidalgo.
"Que les désignations des candidats créent des déceptions individuelles, c'est une évidence. Mais ça ne se traduit pas chez nous par des dissidences. Une déception individuelle ne suffit pas pour faire des listes", conclut-il.
Parce qu'il n' y a pas d'espace politique
La profusion des dissidences à droite s'explique aussi par le fait qu'il y a une alliance entre l'UMP et le centre avant le premier tour. Cela laisse un petit espace politique même s'il est rogné cette année par la perspective d'un Front national plus fort à Paris. A gauche, à côté du PS, il y a également une liste Mélenchon et une liste Europe-Ecologie. C'est plus compliqué à faire son trou.
"La candidature solitaire ne marche jamais. Il y a eu des dissidences par le passé", rappelle une élue parisienne qui évoque les législatives de 2007 et les candidatures de Georges Sarre (MRC et maire du 11 ème à l'époque) et de Michel Charzat (alors PS et maire du XX ème) contre les candidats investis par le parti socialiste. "Ces deux élus ont silloné leurs arrondissements pendant des années. Le jour où ils n'ont plus eu l'investiture, ils ont été écrabouillés. Cela n'encourage pas l'aventure individuelle", commente-t-elle.
L'épisode de Michel Charzat en 2008 apporte un bémol à cette théorie. Il présente une liste dissidente dans le XX ème arrondissement et réussit à obtenir 16% des voix au premier tour qui lui permet de garder son siège de conseiller de Paris. Mais, il a bénéficié de circonstances favorables puisque la droite divisée en deux listes n'avait pu se qualifier pour le second tour dans cet arrondissement très ancré à gauche.
Pour 2014, il retente l'aventure. Même s'il n'est plus membre du PS depuis 2007, son historique à l'Hôtel de Ville depuis 1977 fait qu'il peut-être considéré comme la seule dissidence socialiste dans un sens très large. En exagérant un peu.
"On a un effet marque qui est plus puissant à Paris qu'en Province. Les gens votent socialistes avant tout plus que pour une personne. Ca décourage les dissidences individuelles", estime un élu parisien.
Parce qu'il y a plus de postes à partager
"Au PS, tout le monde s'inscrit dans une logique de victoire alors qu'à droite on se répartit d'abord les places éligibles dans l'optique de la défaite", juge Rémi Féraud. C'est plus facile lorsqu'on est favori de l'élection. C'est mathématique. Il y a plus d'élus au conseil de Paris, dans les mairies d'arrondissements et plus de place dans les cabinets de la ville.
Ainsi, Anne Hidalgo, quand elle a prévenu Pierre Mansat de son absence des listes, l'a rassuré sur son avenir en lui promettant qu'il travaillerait à ses côtés sur la question de la Métropole du Grand Paris. Dans les mêmes circonstances, selon Roxane Decorte, Nathalie Kosciusko-Morizet lui aurait proposé d'intégrer les permanents du groupe UMP au conseil de Paris. Pas forcément la même source de motivation.
Interrogés sur cette motivation, les responsables socialistes contactés préfèrent rester évasifs ou botter en touche. Une palette qui va "du non je ne crois pas" au "oui, c'est possible". "Au contraire, il y a plus de frustration à ne pas faire partie d'une équipe gagnante", juge une ancienne adjointe à l'Hôtel de Ville. Certes, mais cette frustration ne s'exerce qu'au soir du second tour.
"On est de bons élèves. Y a un fonds de responsabilité" préfère résumer Pierre Aidenbaum.
Parce que la dissidence n'est pas dans la culture politique
De 1977 à 2001, le PS a été dans l'opposition à Paris. Presque 25 ans, sans pouvoir contester le pouvoir de Jacques Chirac et sans même pouvoir s'exprimer pleinement en séance tellement ils étaient peu nombreux. Cela crée une solidarité, un esprit de corps dont Bertrand Delanoë est le symbole. Ils sont peu de cette génération à être présent sur les listes d'Anne Hidalgo où les vainqueurs de 2001 sont en force. "Il y a une cohésion et une amitié très grandes entre les deux générations", estime néanmoins Pierre Aidenbaum, élu depuis 1983 au Conseil de Paris.
Une culture de solidarité qui se perpétue. L'esprit collectif revendiqué par toutes les personnes interrogées. "Chez nous il y a une forme d'acceptation des règles communes qui n'existe pas dans la droite parisienne. A droite c'est l'acceptation du chef et depuis que Chirac est parti, il n'y a plus de chef", commente Rémi Féraud.
Mais, justement, le départ de Delanoë ne signifiait-il pas le départ du chef ? En cette rentrée de janvier, il accompagne plus fortement Anne Hidalgo qu'en 2013. Son autorité explique-t-elle l'absence de dissidences ? "Anne est capable de taper du poing sur la table quand il le faut", entonnent en choeur les élus socialistes sous-entendant qu'il ne faut pas se fier à son image publique de "gentille".
Pierre Aidenbaum livre peut-être la clé ultime de cette absence de dissidence. "Depuis le début avec Anne Hidalgo, on sait que la bataille va être difficile. On sait que la condition de notre victoire, c'est l'unité. Si on avait montré un visage de dissidence, cela aurait donné des armes à nos adversaires", conclut le sage du PS parisien.