Bertrand Delanoë a présenté ses voeux à la presse. Pour la dernière fois comme maire de Paris. Il a apporté son soutien à François Hollande. Questionné sur son bilan, il s'est félicité "d'être un maire aphrodisiaque". Une plaisanterie bien plus profonde qu'il n'y parait
"Je suis un maire aphrodisiaque".
Alerte rouge dans la rédaction. Bertrand Delanoë, aux propos d'ordinaire maîtrisés, se lâche. Envisagerait-il une reconversion comme mannequin senior pour une marque de fringues ? Après tout, il en a la sveltesse.
Pour ses derniers voeux à la presse, Bertrand Delanoë n'oublie pas le message politique. Il soutient clairement le "tournant social démocrate" de François Hollande. Mais, il distille ça et là quelques plaisanteries. "J'en profite pour vous souhaiter une bonne année 2015, 2016 etc, puisqu'après je ne serai plus là", glisse-t-il en propos liminaires. Humour de circonstance, mais d'autres saillies à visée drolatique sont plus profondes qu'il n'y parait.
Un journaliste allemand lui demande donc "quel est son principal échec et sa principale réussite à la mairie de Paris?". "Je suis un maire aphrodisiaque", répond-il en plaisantant sur le volet réussite, évoquant le rebond de la natalité à Paris durant ses deux mandats . Une adresse directe à ceux et celles qui pendant les campagnes de 2001 et 2008 soulignaient explicitement qu' "un célibataire sans enfants ne connaissait rien aux questions familiales" et plus implicitement "surtout en tant qu'homosexuel".
Or, Bertrand Delanoë aurait souhaité être père. Il avait même lancé une procédure d'adoption qu'il a abandonné en cours jugeant la constitution d'une famille incompatible avec l'intensité de travail du mandat de maire. Dans sa biographie de Bertrand Delanoë, Philippe Martinat raconte la grande attention qu'a eu le maire de Paris pour les enfants de ses amis. Ils appréciaient leur compagnie et certains devenus adultes sont restés ses amis. "C'est parce que sa famille lui a échappé qu'il court après celle des autres", écrit Philippe Martinat.
Derrière le bon mot et la petite pique provocatrice, il faut entendre sans doute les regrets et les blessures intimes. Et la réponse de Bertrand Delanoë était tout sauf anodine ce midi.
A l'autre partie de la question, le maire de Paris explique "que son échec relatif est de ne pas avoir éradiqué l'insalubrité à Paris plus rapidement". Et il cite les incendies des hôtels meublés de 2005. Là aussi, la réponse n'est pas anecdotique. Bertrand Delanoë a été profondément marqué par ces dramatiques faits-divers. 24 morts en l'espace d'une semaine. C'était en 2005, l'année noire de ses deux mandats. Celle ou il a été déstabilisé politiquement par l'échec de la candidature de Paris aux J-O. Mais c'est bien ces deux incendies qui l'ont humainement bouleversé.
Il n'est donc pas innocent qu'il cite spontanément ces deux exemples, plutôt que la création du tramway ou d'autres choses. Le maire de Paris ne souhaite pas forcément faire déjà le bilan de son action tout de suite.
"Je ne parle jamais de ma vie privée pour ne pas la pourrir", a-t-il répondu à une question sur les limites entre vie privée et vie publique. Mais, pour qui sait lire entre les lignes et les rires, il a livré un peu de lui-même ce midi.