Douze ans après, le mystère demeure sur la disparition d'un bijoutier parisien

Le quinquagénaire a disparu en 2002 au Maroc. Son épouse est rentrée seule mais affirme avoir revu son mari quelques semaines plus tard à Marseille. Après 12 ans d'enquête, le parquet a requis le renvoi aux Assises de l'épouse, mise en examen depuis 2007 pour assassinat. 

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Près de douze ans après, la disparition d'un bijoutier parisien lors d'un voyage au Maroc garde ses mystères. Seule suspecte aux yeux de la justice, sa compagne clame son innocence dans cette affaire d'assassinat sans cadavre. Au bout d'une enquête fleuve, qui a conduit la Brigade criminelle sur de nombreuses pistes, en France et à l'étranger, le parquet de Paris a requis en janvier le renvoi aux assises de Fatima Anechad, 63 ans, mise en examen depuis mars 2007 pour assassinat et placée en détention plusieurs mois avant une remise en liberté. Désormais, c'est au juge d'instruction d'ordonner éventuellement un procès. L'avocat de la suspecte, Me Pascal Garbarini, réclame un non lieu et dénonce une "construction policière".

Parti au Maroc le 30 avril 2002 avec sa compagne, Roger Bendeçon, alors âgé de 52 ans, n'a plus donné signe de vie. A des proches, ce joaillier avait confié qu'il était sur une affaire de lingots d'or. D'après son récit, Fatima Anechad était rentrée seule en France après avoir laissé son compagnon le 2 mai à la frontière avec l'enclave espagnole de Ceuta. Puis, selon ses dires, elle l'aurait revu brièvement à Paris et à Marseille en mai 2002, sans qu'il ne reprenne contact avec ses deux enfants, nés d'une précédente union. D'après elle, il se sentait traqué, avait changé d'apparence physique et voyageait avec un faux passeport.

Les enquêteurs ont bien mis la main sur une fiche de sortie du territoire marocain de Roger Bendeçon, datée du 2 mai. Mais c'est Fatima Anechad elle-même qui l'a remplie. De quoi alimenter la thèse d'une fabrication de preuves. "Il n'y a rien d'extraordinaire. Elle avait pour habitude de remplir ces documents pour lui", répond Me Garbarini.

Rapidement, des proches du disparu s'inquiètent. Fatima Anechad procède à des ventes de bijoux, de meubles ou d'effets personnels de son compagnon. Au total, selon l'enquête, elle a perçu plus de 300.000 euros dans l'année qui a suivi la disparition."Le mobile est indéniable. Elle voulait s'approprier tout ce qu'il possédait", explique à l'AFP l'avocat des parties civiles, Me Jean-Alexandre Buchinger. La suspecte a assuré avoir dû rembourser des dettes de son compagnon et que le couple était victime de racket. Elle a désigné la bande du parrain marseillais Francis Le Belge, assassiné en 2000. "Elle trouve réponse à tout, mais quand elle est coincée, elle perd la mémoire, et quand ça l'arrange, elle invente des choses pour brouiller les pistes", fustige Me Buchinger.

L'enquête va soulever une coïncidence troublante, la disparition au début des années 80 en Guadeloupe d'un précédent conjoint de Fatima Anechad, avec lequel elle était mariée et avait deux enfants. "Il n'y a eu aucune enquête pour disparition inquiétante. Il avait laissé une lettre. On exhume cette affaire pour créer un climat", dénonce Me Garbarini.

Nouveau rebondissement en 2007. Un témoin confie aux enquêteurs que cinq ans plus tôt, Fatima Anechad était venu le trouver à Marseille pour qu'il fabrique un faux message de son compagnon sur son répondeur téléphonique. Ce faux message lui avait permis de rassurer la fille du disparu. Pour Me Garbarini, cet élément ne pallie pas "le manque de preuves" de l'accusation. Il souligne que la maison où avait séjourné sa cliente au Maroc a été "fouillée de fond en comble". En vain.

Au final, deux thèses s'affrontent. D'un côté, celle de proches du joaillier, pour qui sa compagne, manipulatrice et sans scrupules, l'aurait supprimé pour mettre la main sur ses biens. Le camp adverse soulève les mauvaises fréquentations de Roger Bendeçon, habitué des cercles de jeu, et ses "petites magouilles". N'aurait-il pas voulu fuir pour se mettre à l'abri? "Qu'il ait eu de mauvaises relations, parce qu'il côtoyait des gens qui fréquentaient les salles de jeux, ça n'en fait pas un voyou. C'est quelqu'un qui travaillait dur", rétorque l'avocat des proches du disparu.

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