De Péguy à Apollinaire, une génération d'artistes victimes de la Grande Guerre

Le 5 septembre 1914, le lieutenant de réserve Charles Péguy, l'un des plus grands écrivains et poètes français de l'époque, est tué d'une balle dans le front alors qu'il dirige une attaque contre les troupes allemandes près de Meaux, à l'est de Paris.

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Il est le premier d'une longue série d'écrivains et d'artistes de toutes nationalités, parfois célèbres, qui seront victimes de la Première Guerre mondiale, tués ou blessés, meurtris et marqués à jamais dans leur créativité par les horreurs dont ils furent les témoins. Certains étaient déjà pleinement reconnus, comme Guillaume Apollinaire, considéré comme l'un des poètes français les plus importants de sa génération, annonciateur des surréalistes, ou comme Charles Péguy, tandis que d'autres étaient pleins de promesses. 

C'est le cas du Français Alain-Fournier, tué dans les premières semaines du conflit, le 22 septembre 1914, dans une embuscade en Lorraine. Il ne connaîtra jamais le succès que son roman, "Le grand Meaulnes", paru en 1913, aura auprès de générations entières d'adolescents. Il avait 27 ans. C'est aussi le cas de Louis Pergaud, dont la postérité a retenu surtout "La guerre des boutons" avant de redécouvrir récemment ses saisissants "carnets de guerre", tenus jusqu'à sa mort en avril 1915 à Verdun, il avait 33 ans.

450 écrivains morts

Charles Péguy, foudroyé dans les premières semaines du conflit, était lui déjà célèbre. A 41 ans, sa renommée de poète mystique et d'intellectuel, notamment en tant que fondateur de la revue littéraire des "Cahiers de la Quinzaine", qui fit découvrir de nombreux jeunes écrivains, était solidement établie. "Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles (...) Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés", avait-il écrit quelques mois plus tôt dans un poème prémonitoire qui frappera les esprits et fera du poète un symbole des intellectuels ayant donné leur vie pour la patrie.

Engagé volontaire, Guillaume Apollinaire est mort lui aussi au faîte de sa gloire, mais à la toute fin du conflit mondial, le 9 novembre 1918, à l'âge de 38 ans, victime de la grippe espagnole qui faisait des ravages auprès des populations épuisées par quatre années de guerre. Le poète était très affaibli par une blessure à la tempe en 1916, provoquée par un éclat d'obus et dont il ne s'était jamais complètement remis.

Et puis, il y a les oubliés, qui avaient parfois connu un simple succès d'estime ou taquinaient la muse, comme beaucoup le faisaient en ce temps-là, et dont les écrits ont été redécouverts beaucoup plus tard. Ce fut le cas récemment pour le poète et aviateur Albert-Paul Granier, abattu avec son avion en août 1917 au-dessus de Verdun. Selon l'association française des écrivains combattants fondée au sortir de la guerre, 450 écrivains sont morts pendant le premier conflit mondial.

Les écrivains de toutes nationalités blessés au combat ne se comptent plus: l'Allemand Erich Maria Remarque, qui tirera de son expérience l'un des plus beaux récits de la guerre, "A l'ouest rien de nouveau", son compatriote Ernst Jünger, les Français Louis-Ferdinand Céline ou Henri de Montherlant, le Britannique C. S. Lewis, l'Américain Ernest Hemingway, blessé par des éclats de mortier, Pierre Benoit, Jean Giono, légèrement gazé et qui deviendra par la suite un pacifiste convaincu. Sans oublier Blaise Cendrars, Français d'origine suisse, amputé de son bras droit en 1915. Il décrira cette expérience en apprenant à utiliser sa main gauche, celle qu'il appelait "sa main amie", dans "La main coupée".

Les peintres témoignent

Les peintres ont payé également un lourd tribut à la guerre, comme l'expressionniste allemand August Macke, tué en Champagne en septembre 1914, ou l'autrichien Oskar Kokoschka grièvement blessé en 1915. Mais surtout, beaucoup de ces artistes vont témoigner de ce qu'ils ont vu au front, comme Kokoschka mais aussi le Français Félix Valloton, avec ses gravures sur bois de scènes de guerre représentant des corps désarticulés gisant sur des barbelés, ou Otto Dix, le peintre expressionniste allemand dont l'oeuvre a été profondément marquée par la violence de la guerre. 

Même lorsqu'elle n'est pas explicitement au centre de leur oeuvre, l'expérience de la guerre imprégnera plus ou moins directement les oeuvres de la plupart des grands peintres y ayant participé: les Français Georges Braque ou Fernand Léger, l'Allemand Paul Klee, l'Autrichien Egon Schiele...

Le peintre français Amédée Ozenfant relevait dès 1915 "à quel point la guerre a attaché (les artistes) à leur art; tout ce qu'ils souhaitent, c'est d'avoir quelques pages afin de l'exprimer". Comme les peintres, beaucoup d'écrivains survivants n'auront qu'une idée après la guerre, "témoigner", avant toutes autres considérations d'ordre littéraire ou romanesque, souligne France Marie Frémeaux, auteure d'un récent "Ecrivains dans la grande guerre". "Ils le faisaient au nom de leurs camarades".

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