EDITO - L'actualité dramatique de ces derniers jours se joue aussi sur la toile. Une dose de démocratie directe qui participe à l'information autant qu'à l'événement lui-même. Mais une part également de l'affrontement entre des communautés qui se radicalisent.

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Vendredi 9 janvier, l’équipe de France3 Basse Normandie pousse sur sa page Facebook un papier sur le piratage du site officiel du Mémorial de Caen par un groupe islamiste. Quelques heures après, ce post est retiré. Il a atteint des milliers de partages mais s’est transformé en forum sur l’Islam avec des propos extrêmes tous azimuts. Sans plus de modération possible.
Cela pose évidemment question. Comme tout ce qui touche aux événements de ces derniers jours depuis l’attentat perpétré dans la rédaction de Charlie Hebdo. Pour tout le monde ; pour l’entreprise audiovisuelle de service public que nous sommes sans doute plus encore. Au delà de la responsabilité individuelle, il y a la responsabilité collective et l’exigence qui doit être la nôtre. Plus encore en ces temps troublés.

Tout ne se montre pas

Mercredi, quelques minutes seulement après l’attaque terroriste contre l'hebdomadaire satirique dans le XIe arrondissement de Paris, une vidéo / smartphone arrive sur les réseaux sociaux : on y voit les terroristes achever à bout portant un policier à terre. Ce policier, c'est Ahmed Merabet. Nous n’avons pas relayé ces images. Par respect vis-à-vis de la victime et de sa famille. Nous avons pensé qu’il était préférable de ne pas montrer l'horreur, et ainsi se distinguer des méthodes barbares utilisées par les terroristes. Certains de nos « fans » et « amis » se sont interrogés. Et ont décidé de la poster, comme un réflexe « qui se voulait être un acte citoyen ». En se posant la même question de savoir si c’est en taisant les choses et en dissimulant l’horreur que l’on combat le mieux la barbarie. Et en ayant une réponse différente de la nôtre. Simplement différente.

Des prises d'otage vécues avec vous

Depuis plusieurs années, l’explosion des réseaux et des plate-formes de partage ont modifié le monde de l'info. Vous, nos lecteurs-internautes, vous le savez mieux que quiconque. Vous n’avez plus besoin des journalistes pour obtenir de l’information. Vous pouvez y accéder seuls. Vous êtes le plus souvent à l’initiative d’ailleurs de médias photos ou vidéos que nous diffusons.
Lors des deux prises d’otages de vendredi, avec de nombreuses contributions, nombre d’entre vous ont d'ailleurs participé à l’information de la communauté relayée par notre Live sur le web ou notre Spéciale à la TV. Séquences filmées, témoignages partagés. En plus ou avec les offres des professionnels. En témoignent ces images, tournées par des riverains de la Porte de Vincennes, montrant comment les opérations du Raid se sont déroulées lors de l'assaut contre Coulibaly dans l'Hyper Casher :

Un contexte émotionnellement chargé

Mais c'est aussi la première fois que nous éprouvons cette nouvelle donne à l'épreuve de faits aussi délicats pour le "vivre ensemble".
Tout système comporte ses limites et ses dérapages. On le constate tous les jours. Mais dans le contexte émotionnellement très chargé qui est le nôtre, les dérives sont à la hauteur de l’émoi. Proportionnelles à l’effroi qu’elles suscitent. La production sur Twitter et les commentaires sur Facebook ont dragué leur flot d’avis. Contradictoires dans le meilleur et la majorité des cas. Mais franchissant largement la ligne jaune pour une minorité agissante, bruyante. 140 caractères comme autant de cris de haine, comme autant de signes de joie après les 19 morts.

L'intolérance en "gazouillis" 

Au côté de ces # qui arborent leur aversion pour l’occident, sont apparus des retours d’expériences de quelques uns de nos professeurs de collèges ou de lycées. Des blogs, des papiers relayés dans des site d'hebdo comme LePoint.fr ont livré combien il leur a été difficile de faire respecter la minute de silence de jeudi, combien les discussions avant ou après cette marque de respect et de deuil ont été entachées par de l’incompréhension au mieux, du mépris et du rejet de l’autre au pire. A mesure que les heures passent, les opinions et les prises de positions de quelques uns, de part et d'autre se radicalisent. La violence peut être extrême dans les mots. L’analyse est remplacée par les invectives, par l’expression brutale de la non-acceptation d’autrui et de ses différences. Les oiseaux ne "gazouillent" plus. Ils font place à une guerre des religions et toutes ses intolérances. Et les appels au calme, les préventions contre tout amalgame semblent alors parfois devenus des concepts.


Participer à préserver l'Union Nationale

L'ambiance qui se tend, la toile le traduit. Les 700 000 femmes et hommes recensés dans les rues de France samedi, des petits bourgs aux grandes villes, et le défilé de dimanche après-midi montrent aussi la prise de conscience des dangers potentiels. 
En tant que journalistes, qui plus est du Service public, au cœur de nos conférences de rédaction, nous avons conscience de nos responsabilités. Nous connaissons notre rôle pédagogique, de mise en perspective de l’information brute. Notre rôle de tri, d’élimination des « fakes ». Nous veillons à une modération citoyenne et à la liberté d’expression. Tout autant qu'à maîtriser une parole dès lors qu'elle sort du cadre du cadre de la loi. Pour préserver l'Union Nationale. 

Twitter se régule

L'usage montre que Twitter s'auto régule. En partie. Des blogueurs se plaignent de son imperfection. D'autres soulignent que le système se nourrit de l'émoi : en postant un tweet, on peut faire remonter les # honteux dans le top10 des topics les plus utilisés.
Pour autant il est vrai que se sont propagés ces derniers jours des posts haineux comme #JeSuisChouaki, en réponse au slogan #JeSuisCharlie qui a été l'un des mots-dièses les plus utilisés en France depuis la création de la firme à l'oiseau. Les réponses ne se sont pas fait attendre. Elles sont constantes et multi-formes.
Certains appellent Twitter à réagir pour exclure ce #.


Les micro-blogueurs ne sont pas les derniers à rappeler les termes de la loi, souligner que le Droit français punit l’incitation à la violence, à la discrimination ou à la haine. Que l'apologie du Terrorisme est passible de prison.


Si les excès existent, si les propos sont parfois abjects, la grande majorité des échanges traitent souvent du fond sans être inappropriée sur la forme.
Des twittos rappellent également l’importance de signaler les profils haineux.




Des musulmans déclinent sous toutes ses formes l’amalgame possible.
D’autres, non musulmans affirment vouloir les protéger contre tous les extrémismes. Et il y a toutes les formes de solidarité.


Twitter : quelle tolérance ?

Mais cette mobilisation est elle suffisante ? L'accélération du temps de l'information et l'inter-activité qui a dépassé le cadre stricte de la toile pour s'imposer dans les émissions tv, impose plus encore le questionnement. De nombreux sites des journaux français ou étrangers alertent sur les limites de l'exercice. D'autres s'interrogent sur la politique de Twitter, tant vis-à-vis des caricatures de Mahomet qu’à l’endroit des extrémistes pro-djihadistes qui aujourd’hui se répandent sur le fil (cf le site canadien LAPRESSE).

Aujourd’hui, dans ce climat tendu que devons nous faire de plus ? de différent ? Donner à voir ce qui se passe sur les réseaux et sur la toile est devenu autant notre métier que celui qui consiste à présenter ce qui se déroule notamment dans les lycées. Pour attirer l’attention. Pour que l’école redevienne le creuset de la République et apaiser ainsi les tensions par la connaissance. Nous devons avec les mots continuer à expliquer. Encore et toujours. Nous forcer dans ces circonstances à faire un pas de côté et au delà du factuel, essayer d’aider à donner du sens. Et combattre tous les obscurantismes.
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