« “22h01” n’est pas un film sur le Bataclan mais sur ce huis clos qui a eu lieu à côté de la salle de concert durant la nuit des attentats du 13 novembre 2015. C’est la petite histoire qui rejoint la grande. »
Mustapha Kessous.
De sa fenêtre, il a vu l’horreur.
De sa fenêtre, il a filmé la terreur. Daniel Psenny, journaliste au Monde depuis un quart de siècle, a été témoin de l’attaque terroriste la plus sanglante de notre histoire contemporaine, celle du 13 novembre 2015 au Bataclan.Avec son téléphone portable, Daniel qui habite à quelques mètres de la célèbre salle de concert parisienne, a enregistré un document, l’unique film qui existe sur cet attentat.
Il est un peu plus de 21h40, ce soir-là. Daniel Psenny, regarde une fiction sur France 2 avec Jean-Hugues Anglade qui joue le rôle d’un commissaire de police. Il n’y prête pas véritablement attention, pas plus qu'aux bruits de "pétards" qui proviennent de la rue. Il croit que cela vient de la télévision.
Mais ces bruits sont insistants et de plus en plus forts. Daniel comprend que "quelque chose cloche". Peut-être "un règlement de comptes" en plein concert, pense à ce moment-là Daniel. Il ouvre sa fenêtre et voit des gens en sang s’enfuir de la salle. C’est alors qu’il se met à filmer avec son téléphone…
Et puis, plus rien. Vers 22 heures, tout est calme. Il décide de descendre dans la rue, croyant que l’incident est terminé. Une fois en bas, il secourt un homme, un américain, qui gît sur le bitume à quelques mètres de lui. Il le traîne jusqu’au hall de son immeuble avec l’aide d’un inconnu qu’il ne reverra plus jamais…
Avant de fermer la porte d’entrée, il jette un dernier coup d’œil et sent une douleur au bras : une balle de kalachnikov vient de lui traverser le biceps.
Il est 22h01.
Un voisin de l’immeuble vient les secourir. Puis, ils vont vivre quelques heures d’angoisse avant d’être à leur tour secourus par la police.
Trois heures d’un huis clos intense, sans savoir s’ils vont réussir à s’en sortir ou s’ils vont périr.
Daniel Psenny a été témoin, acteur en portant secours, victime... Aujourd'hui, il nous livre son récit.
Pourquoi, cinq ans après, était-il important pour vous de livrer votre témoignage ?Très rapidement après l'attentat du Bataclan, j'ai raconté dans les médias du monde entier ce que j'avais vécu cette nuit du 13 novembre. Il y avait ma vidéo des gens fuyant la salle sous les coups de feu, les morts, la terreur, le désespoir. Et, il y avait aussi cet immeuble où je vivais à l'époque qui, parallèlement au massacre qui se perpétrait dans la salle, a vécu sa propre histoire avec ses angoisses, ses peurs et la mort qui rôdait.
J'avais longuement relaté ce récit l'année suivante dans M, le magazine du Monde. Mustapha Kessous l'a suivi, accompagné, cette fois-ci, par ma voix. "Une petite histoire dans la grande histoire". Il ne s'agit pas d'un film sur l'attentat du Bataclan, mais d'un huis clos avec quatre personnes ordinaires confrontées à l'extraordinaire : mes voisins Estelle, Bruno, Véronique et moi-même.
C'est une très bonne idée du journaliste-documentariste qu'il est devenu. Son parti pris de montrer en dessin animé, la rotoscopie, les scènes que nous avons rejouées, permet d'identifier immédiatement les faits tels qu'ils se sont déroulés lors de cette nuit tragique et de les séparer de nos commentaires, nos souvenirs personnels. L'animation permet de saisir l'horreur et l'angoisse de cette nuit. Cinq ans après, la mémoire est toujours vive mais la perception n'est parfois pas la même...
Je n'ai pas eu d'appréhension car je suis resté vivre à ce même endroit après l'attentat. Partir aurait signifié que les terroristes avaient gagné. Mustapha et Mathias Denizo, le caméraman, ont tourné dans une grande sérénité et une grande précision. La page de ce massacre ne sera jamais tournée, mais j'ai fait assez rapidement un travail de résilience. J'ai changé de vie et je parle désormais très peu de cette nuit d'horreur. La seule chose importante est d'honorer la mémoire des 130 morts du Stade de France, des terrasses et du Bataclan, et leurs familles. Vivre, mais ne jamais oublier !
La page de ce massacre ne sera jamais tournée, mais j'ai fait assez rapidement un travail de résilience.
Édito
Il l’a vécue ensuite comme acteur en secourant un blessé dans la rue, au pied de son immeuble.
Il l’a vécue également comme victime directe en recevant une balle dans le bras au moment où il se pensait à l’abri.
Et, enfin, comme la plupart d’entre nous, il a vécu cette nuit en simple individu impuissant, forcé d’attendre que la crise se termine, essayant avec ses voisins de sauvegarder l’essentiel, de glaner quelques informations en écoutant les médias ou en tentant de joindre des proches au téléphone.
C’est ce qui rend son récit, et le film que Mustapha Kessous en a tiré, aussi poignant. Il réveille en chacun de nous tous les sentiments éprouvés lors de cette nuit : l’angoisse, la colère, la révolte...
Et la tristesse infinie que chacun ressent, cinq ans après les faits, pour les 130 victimes.
En s’engageant dans la production de ce film aux côtés de la société Premières Lignes, France 3 Paris Île-de-France souhaitait aussi leur rendre hommage, et c’est tout naturellement que l’antenne nationale de France 3 a tenu à donner à ce film une exposition nationale.
Marc Degli Esposti
Délégué à l'antenne et aux contenus
France 3 Paris Île-de-France
22h01
Mercredi 04 novembre 2020 sur France 3
Un film écrit et réalisé par Mustapha KessousSur un récit de Daniel Psenny
Images : Mathias Denizo
Animation : Théo Schulthess
Musique originale : Amandine Maissiat et Maud Lübeck
Une coproduction Premières Lignes et France Télévisions / France 3 Paris Île-de-France