Emmanuel Macron prépare un déconfinement en quatre étapes avec des mesures nationales, mais annonce aussi la possible activation de "freins d’urgence" pour certains territoires. Certains infectiologues appellent à la prudence, face à une situation sanitaire fragile.
A quoi vont ressembler les prochaines semaines en Île-de-France ? Alors qu’Emmanuel Macron a accordé un entretient ce vendredi dans la presse quotidienne régionale, la stratégie de déconfinement doit s’étaler en plusieurs étapes. Trois phases sont prévues :
- 3 mai : la fin des attestations et des restrictions de déplacement
- 19 mai : la réouverture des commerces des terrasses, des musées, des salles de cinémas et des théâtres avec des jauges limitées, avec un couvre-feu repoussé à 21h
- 9 juin : l’ouverture des cafés, des restaurants et des salles de sport
- 30 juin : la fin du couvre-feu
Dans son entretien, le chef de l’Etat annonce ainsi des mesures nationales, mais prévient que le gouvernement pourrait actionner des "freins d’urgence" sanitaires dans les territoires. Le tout en évoquant huit départements où le taux d’incidence dépasse actuellement 400 cas pour 100 000 habitants. La Seine-Saint-Denis (547,1), le Val-d'Oise (517,7), le Val-de-Marne (513,9), l’Essonne (453,5), la Seine-et-Marne (448,5) et Paris (441,0) en font partie.
Selon Emmanuel Macron, ces "freins d’urgence" pourraient être appliqués le 19 mai pour les zones en question si le taux d’incidence dépasse à nouveau 400 infections pour 100 000 habitants, si l’augmentation de ce taux est "très brutale" et s’il y a "une menace de saturation" des services de réanimation. Le président de la République met en avant la vaccination comme "perspective de sortie durable de la crise" et "l'efficacité du couvre-feu" pour justifier sa stratégie, alors qu’on compte au niveau national plus de 30 000 cas par jour, loin du seuil de déconfinement fixé à 5 000 cas par jour en octobre dernier.
"Emmanuel Macron ne veut plus être prisonnier des chiffres"
"Emmanuel Macron ne veut plus être prisonnier des chiffres, de données particulières, explique Robert Sebbag, infectiologue à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, à France 3 Paris IDF. Il a décidé d’ouvrir, et compte sur une baisse du nombre d’hospitalisations, qui reste malgré tout élevé aujourd’hui. On sait aussi que la pression au niveau du taux d’occupation des lits à l’hôpital va prendre beaucoup de temps à baisser."
"Il prend d’autres paramètres en compte, notamment l’acceptabilité des mesures, poursuit l’infectiologue. Les gens n’en peuvent plus. En même temps, la montée en termes de vaccination n’est pas terrible à ce stade. On va voir s’il y a une explosion des cas ou non, il reste plein de points d’interrogation même si je ne suis pas un oiseau de mauvais augure. C’est une décision politique, aux autorités d’assumer."
Si les mêmes mesures ne sont pas appliquées partout, par exemple pour l’ouverture des restaurants, il y a le risque de voir des gens aller d’une zone à l’autre si ce n’est pas ouvert chez eux
Quant à la question de la possible "territorialisation" à l’avenir, Robert Sebbag pointe des "paradoxes" potentiels : "Si les mêmes mesures ne sont pas appliquées partout, par exemple pour l’ouverture des restaurants, il y a le risque de voir des gens aller d’une zone à l’autre si ce n’est pas ouvert chez eux." Un avis partagé par Benjamin Davido, infectiologue à l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine) : "Si les mesures sont régionalisées, sans limitations de distance, il y a le risque de se retrouver avec des appels d’air et des déplacements de population. D’autant plus quand il y a des weekends avec des ponts, et qu'on est en saison printano-estivale. C’est délicat à mettre en place, il y a également un souci d’équité et de compréhension, comme lors de la mise en place des mesures de freinage à Nice et Dunkerque."
L'importance de la pédagogie
Pour rappel, la première semaine de juin 2020, qui correspond à la réouverture des terrasses à Paris et en Île-de-France, le taux d’incidence était de 6,6 cas pour 100 000 habitants. D’après les chiffres communiqués mercredi par l’ARS, ce taux approche actuellement les 459,1 cas pour 100 000 habitants.
Il faut les bons messages et les bons outils.
Benjamin Davido insiste sur l’importance d’une "grande pédagogie" : "Pour le taux d’incidence, les seuils d’alerte ont beaucoup évolué au fil du temps. Emmanuel Macron annonce désormais moins de chiffres mais je pense qu’il cherche plus à favoriser des dynamiques aujourd’hui, en poursuivant la décrue des hospitalisations. Mais pour ça il faut les bons messages et les bons outils. Il faut que les choses semblent suffisamment réglées, qu’on puisse y voir de la cohérence et de la clarté, en expliquant - au-delà du calendrier - les décisions et les règles du jeu, en évitant les bribes d’annonce d’un côté et de l’autre."
"Sinon ça sème la confusion et l’inquiétude, ajoute l’infectiologue. Et il ne faut pas donner l’impression que les prochaines mesures sont synonymes d’une situation maitrisée. Les rassemblements présentent toujours un danger important, même si la saison favorise des situations en extérieur, moins à risque en termes de contaminations. Reculer le couvre-feu progressivement, voire le supprimer, c’est logique maintenant qu’il est possible de rester dehors. Mais il faut rester prudent, et espérer que la vaccination emboîte le pas."