Ce mardi, le soleil inonde Clichy-sous-Bois. Ça donne un faux air de printemps à la ville. Les émeutes, ou plutôt les révoltes urbaines, semblent bien loin...10 ans ont passé. Maud de Bohan journaliste à France 3 Ile-de-France nous raconte cette journée particulière du 27 octobre 2015.
Il est 15 heures et des jeunes arrivent par petits groupe à l'espace 93, sur la place de l'Orangerie, juste en face de la mairie Clichy-sous-Bois, où a lieu un concert hommage en partenariat avec la radio le Mouv'. Étonnante juxtaposition des lieux : de la vie au souvenir. L'espace 93 se trouve à côté de l'allée qui conduit au collège Robert Doisneau, l'établissement ou Zyed et Bouna étaient scolarisés, allée qui s'apprête à être rebaptisée du prénom des deux jeunes. Juste à côté aussi, la stèle érigée en souvenir des deux adolescents, tragiquement disparus.
Autant de lieux de vie et de mémoire. Autant de lieux qui cohabitent avec le brouhaha des rires et des bavardages de tous ceux et celles qui viennent assister au concert. La plupart ont l'âge qu'avaient Zyed et Bouna au moment de leur mort. La plupart ne les ont pas connus vivants, ils ont grandi avec le souvenir de cette tragédie qu'on leur a racontée et avec laquelle ils ont grandi, forcément.
Certains disent que l'esprit de révolte est encore là
Certains disent que l'esprit de révolte est encore là, intact, d'autres disent qu'ils se sentent encore abandonnés, que rien n'a changé, les plus enthousiastes pointent les changements les plus spectaculaires, surtout dans l'habitat, grâce à la rénovation urbaine. Mais il y a encore tant à faire... Lutter contre le chômage, notamment des jeunes, pour la réussite scolaire, contre les discriminations en tout genre, pour des transports plus efficaces...
Des retraités arrivent en voiture. Ils cherchent un peu leur chemin. Ils sont de Sevran, disent-ils, ils sont venus tout exprès pour voir la mairie. Cette journée de commémoration, ils en ont entendu parler dans le journal. Ils ne s'expliquent toujours pas la flambée de violence d'il y a dix ans... Comment Zyed et Bouna ont-ils pu se retrouver dans ce transformateur électrique.
On croise aussi le maire, le socialiste Olivier Klein, qui vient assister entre deux interviews à une partie du concert. C'est lui qui tout à l'heure présidera la cérémonie de commémoration. "Pour nous, habitants, il n'y a pas d'épilogue, même 10 ans après, ça fait partie de nous, de notre histoire. La mort de Zyed et Bouna, on vit avec, on se construit avec".
Tout à l'heure, lors du rassemblement, c'est lui qui dévoilera le nouveau nom de l'allée qui conduit au collège Robert Doisneau. Elle deviendra l'allée Zyed et Bouna. Tout à l'heure, il y aura les familles des deux disparus, des copains de l'époque (ils ont autour de 25 ans aujourd'hui), et des habitants.
Tous douloureusement marqués par le non lieu, en mai dernier, pour les policiers impliqués dans la course poursuite qui a conduit au drame. Le frère aîné de Zyed a même décidé de quitter la France, trop meurtri par la relaxe prononcée par les juges.
Les médias sont au rendez-vous
Les journalistes prennent place eux aussi dans ce quadrilatère du souvenir. Les camions de direct déplient leurs antennes, les caméras baladent leurs lentilles avides d'images. Les JT ont ressorti leurs archives, celles des voitures qui brûlent et des affrontements avec les forces de l'ordre. Aujourd'hui d'ailleurs, les véhicules de police font des rondes discrètes mais régulières.
Chacun dans son rôle, chacun dans son histoire. Dix ans tout juste après la mort de Zyed et Bouna, Clichy sous Bois se souvient de tout, sans ostentation ni grandiloquence, elle se souvient surtout de deux adolescents qui n'auraient pas dû mourir ce jour-là et certainement pas comme ça. C'est dans ce souvenir justement que la ville trouve aussi l'énergie de se tourner vers l'avenir.