C’est pourquoi il faut réfléchir différemment.
Marie NDiaye compose une fable politique, un conte poétique : Notre Élue, irréprochable, modèle absolu de probité, se trouve mise à mal par l’Opposant. Isabelle Carré et Patrick Chesnais plongent avec un humour féroce dans les rouages du pouvoir.
► ENTRETIEN
De quel bord est cette élue ? S’agit-il d’une question de bords ?
C’est une élue de bord de mer. Son identité politique se résume à son discernement et son intégrité.
Elle peut être de tout bord, comme d’aucun. La pièce nous raconte une campagne électorale lors d’une joute municipale dans une ville moyenne, dans son humeur, elle me fait penser tout autant au cinéma de Robert Altman – à Nashville ou au Mariage par exemple – qu’à une nouvelle de Poe.
C’est troublant jusqu’au rire, vertigineux jusqu’au burlesque, captivant. Cette cité portuaire est à la lisière entre le réalisme et le fantastique, les êtres qui la peuplent frayent entre le réalisme de leur fonction et la fantaisie de leur comportement.
S’agit-il d’un conte philosophique ?
Je pense que ça tiendrait plus d’un conte cruel et drolatique. Ce n’est pas un conte, mais une tragi-comédie chorale, contemporaine, fantastique, sur le monde tel qu’il va. Ici, le mal est là parce que le bien est insupportable, et notre besoin de culpabilité empêche toute tranquillisation du monde, de l’affaire publique comme de nos destins personnels.
Qui condamnez-vous ? L'opposant ? Le peuple ?
Le théâtre qui condamne m’ennuie. Ici, les personnages paraissent comme des îlots de solitudes enchâssés dans un horizon collectif de campagne municipale. C’est comme un flux de destins qui rappelle notre ordre, nos désordres, notre capharnaüm ordinaire. Les personnages sont pris dans ce qu’ils tissent, entre trahisons, délations, calomnies… Ce théâtre-là m’intéresse parce qu’il est en sollicitude pour nos craintes, angoisses. Une question, « que faire dans ce monde ? », court, toute la pièce, mais elle est suspendue, ne se pose jamais.
Isabelle Carré est-elle votre Elue ?
Isabelle Carré incarne, porte en elle la plus grande force qui est aussi une vulnérabilité extrême. Elle a en elle l’adulte et l’enfant. C’est tout ce qui m’a fasciné à chaque fois que j’ai travaillé avec elle. Isabelle transforme le texte en expérience. Toute réplique devient une aventure où le personnage peut triompher ou s’effondrer à sa sortie. En cela elle est totalement, tendrement, tragiquement l’Elue.
► La bande annonce