Le parquet de Nanterre a ouvert des enquêtes préliminaires suite à des plaintes pour "homicide involontaire", "non assistance à personne en danger" et "mise en danger de la vie d'autrui". Quatre personnes sont décédées dans les Ehpad à Chaville, Clamart et Clichy-la-Garenne dans les Hauts-de-Seine.
Suite aux décès, entre le 25 mars et le 12 avril d’un homme âgé de 80 ans et de 3 femmes âgées de 89 à 96 ans dans des Ehpad des groupes Korian, Domusvi et Villa Beausoleil, le parquet de Nanterre avait reçu quatre plaintes déposées contre X. Plaintes déposées par des proches des résidents décédés, visant des faits d’homicide involontaire, mise en danger de la vie d’autrui, non-assistance à personne en danger.
Hier, le procureur de la République a ouvert quatres enquêtes préliminaires. Elles ont été confiées à la brigade de la répression de la délinquance contre la personne de la préfecture de police (BRDP) de Paris.
Olivia Mokiejewski a perdu sa grand-mère le 4 avril dernier. Hermine, âgée de 96 ans résidait à l’Ehpad Korian Bel Air de Clamart dans les Hauts-de-Seine. Aujourd’hui, à la tête du Collectif 9471, (en référence au nombre de morts recensés dans les Ehpad le 5 mai 2020, jour de la création de l'association), Olivia Mokiejewski salue la décision du Parquet. "Pour nous, c’est une première satisfaction. Notre souffrance et notre colère est entendue", confie-t-elle.On a l’impression d’être enfin entendu
"Après l’heure du deuil, vient l’heure des explications et des comptes. On nous dit que nous sommes des familles endeuillées. On nous dit que l’on cherche des coupables parmi le personnel soignant et que c'est ingrat. C’est la double peine, de nous faire passer pour des bourreaux. On ne se lance pas dans une telle procédure si éprouvante émotionnellement, psychologiquement et qui va durer longtemps, pour rien. On a tous la même histoire quels que soient les Ehpad. On sait que quelque chose s’est passé dans ces établissements, qu’on nous a déliberement menti, qu’on nous a caché l’état de santé de nos parents et grands-parents", dénonce-t-elle.
"L’ouverture des enquêtes préliminaires, c’est bien que nos propos ne sont pas farfelus et que l’on est crédible dans ce que l’on dénonce. On ne se fait pas des films. Les enquêtes vont lever le voile sur les faits. Nous demandons la lumière et la vérité pour la mémoire de nos proches et toutes ces personnes âgées isolées sans famille qui ne sont que des chiffres qui s’accumulent tous les jours", poursuit-elle.Pour nous, c'est le plus grand scandale de cette crise sanitaire
Pour l'avocat des familles, Maître Fabien Arakelian, "c’est la démonstration que les plaintes qui ont été déposées par mon cabinet sont tout sauf fantaisistes. C’est la démonstration également que le parquet de Nanterre a pris la mesure de la gravité de ces dossiers puisque l’ensemble des plaintes est regroupé et confié à un service spécialisé".
Du côté de l'entreprise Korian, le conseil du groupe, Maître Emmanuel Daoud, a salué l'ouverture de ces enquêtes. "L'ouverture de ces enquêtes, inévitable compte tenu de la sensibilité des faits pour lesquels il y a des plaintes, est une bonne chose. La justice va pouvoir faire son travail sereinement. Il faut également se garder de déclarations à l'emporte-pièce qui consiste à comparer cette affaire à celle du sang contaminé. On doit donc rester très prudent et ne pas faire des comparaisons qui n'ont pas raison d'être. Aujourd'hui, des familles et des personnels de l'Ehpad Korian Bel Air sont meurtris par ces attaques. C'est oublier à quel point, ils se sont battus nuit et jour pour protéger les résidents, avec dévouement, dignité et courage car ils ont le sens de leur mission", affirme t-il.Je pense que cette enquête préliminaire démontrera qu'il n'y pas eu ni négligences ni imprudences
Et de poursuivre : "Je pense que cette enquête préliminaire démontrera qu'il n' y pas eu ni négligences ni imprudences. Par ailleurs, l'entreprise Korian a toujours agi par anticipation par rapport aux décisions prescrites par le gouvernement et les autorités sanitaires en ce qui concerne le confinement et l'approvisionnement en masques".
Deux enquêtes ouvertes par le parquet de Paris
Par ailleurs, le parquet de Paris a ouvert ce mercredi, deux enquêtes du chef de mise en danger de la vie d'autrui. Les enquêtes "font suite aux plaintes mettant en cause la gestion de la crise sanitaire dans une résidence pour personnes âgées du XIIe arrondissement et dans un Ehpad du IXe arrondissement de la capitale", affirme le ministère public. Elles ont été respectivement confiées au service de l'accueil et de l'investigation de proximité (SAIP) du XIIe arrondissement et à la BRDP (Brigade de répression de la délinquance contre la personne).Depuis le début de l'épidémie de coronavirus en France, de plus en plus de familles endeuillées saisissent la justice pour dénoncer des manquements dans la prise en charge de leurs proches.