Vendée Globe#1 : Stéphane Le Diraison et Fabrice Amedeo, deux skippers franciliens à l'assaut de l'Everest des mers

Dimanche prochain à 13 heures 02, les navigateurs Fabrice Amedeo et Stéphane Le Diraison largueront les amarres pour un tour du monde à la voile en solitaire, sans escale et sans assistance. Le Vendée Globe n'a pas échappé au coronavirus, le départ aura lieu sans public.

On la surnomme "l’Everest des mers". Elle est le "summum du défi" pour Titouan Lamazou, vainqueur du premier Vendée Globe il y a 30 ans. "L'aventure d'une vie", pour le skipper francilien Fabrice Amedeo. La course qui a lieu tous les quatre ans est "une aventure hors du commun" pour François Gabart et Michel Desjoyeaux et pour les 167 marins qui y ont pris part depuis sa création en 1989. 21638 miles marins, 40 075 kilomètres, 3 caps à franchir : le cap de Bonne-Espérance, le cap Leeuwin et le cap Horn avant de revenir au port de départ, les Sables-d'Olonne. 74 jours de navigation pour les plus rapides, 80 jours, 100 jours... Près de trois mois en mer, seul face aux éléments.
 

Un départ à huis clos confinement oblige

Pour cette neuvième édition, 33 navigateurs dont 6 femmes s’affrontent à bord de leur monocoque de 60 pieds, des Imocas de 18 mètres. Stéphane Le Diraison, le skipper de Boulogne-Billancourt et Fabrice Amedeo, qui partage sa vie entre la Bretagne et Levallois-Perret ne sont pas "des bizuts". Ils participent pour la deuxième fois au Vendée Globe et savent ce qui les attend. Mais cette année, le départ a pour eux un goût particulier et inédit. La voile n'a pas échappé à la crise sanitaire et au reconfinement.

Le village du Vendée Globe, qui a accueilli plus de 2 millions de visiteurs lors de la précédente édition, a dû refermer ses portes jeudi 29 octobre, deux semaines après son ouverture. Le départ se fera également sans public. En 2016, 300 000 personnes s'étaient massées pour faire leurs adieux aux 29 skippers engagés, acclamés par les hourras et les sons de cornes de brume.

"Ca a mis un petit coup au moral de voir le village se démonter, la musique s’arrêter et les écrans coupés. Pour les partenaires et le public, c’est triste. Mais si on voit les choses de manière positive, on peut se dire qu' on aura déjà eu 2 semaines de village, avec le public. Ce n’était pas acquis. Et comme je suis un grand optimiste, je ne peux pas croire qu’il n’y aura pas un bruit le jour J quand nous allons remonter le chenal. Je serais étonné que les Sablais ne soient pas à leurs balcons", explique Stéphane Le Diraison, le skipper de Time For Oceans.
 

"On aurait pu ne pas avoir de Vendée Globe du tout, ça ne s'est pas joué à grand chose", estime Fabrice Amedeo. "Dans le contexte actuel, je mesure la chance que l'on a de pouvoir partir en mer vivre notre passionC’est vrai qu’il n’y a pas eu la même ambiance qu’il y a 4 ans. En 2016, nous étions très sollicités. Pour des autographes, des selfies, des interviews. Cette année, les gens avaient plus de retenue et avaient intégré le fait qu’il fallait nous préserver du Covid. Un village pompe de l'énergie mais en donne également. L’admiration, l’engouement des gens, leurs messages de soutien, leur gentillesse... Le chenal, c’était incroyable, la foule, le bruit, les banderoles, les applaudissements. C’est émotionnellement très fort. Pendant les moments difficiles en mer, quand il faut réparer, quand il fait froid ou qu’il y a beaucoup de vent, tu repenses à tous ces gens et tu te dis que tu ne peux pas les décevoir. Cette année, il n’y aura pas cela. Mais le départ à huis clos donne un coté mystique, l’impression de partir à l’aventure dans un monde confiné. Ce Vendée Globe restera dans l’histoire pour cette raison", ajoute le skipper du voilier Newrest-Art&Fenêtres.

A 6 jours du départ, les marins sont donc confinés et se partagent entre repos, entraînement physique, vie de famille et préparation de la course. "Le Vendée Globe nécessite beaucoup de concentration et le confinement est propice à cela. Je suis plus au calme, je prépare ma course, j’ai du temps pour moi et mes enfants. Ce confinement est comme un sas de transition avant la solitude de la mer", livre Stéphane Le Diraison. "Je suis content de partir. Je me laisse doucement glisser vers la course. Avec le confinement on va tous partir plus en forme, plus reposé qu’il y a 4 ans !'", sourit Fabrice Amedeo.

Une année pas comme les autres

Les marins ont coutume de dire que prendre le départ du Vendée Globe est déjà une victoire en soi, récompensant des années de travail, de préparation physique et d'investissements financiers. Les derniers mois ont été chargés pour les deux marins franciliens. Epidémie de Covid oblige, plusieurs courses au large ont été annulées au printemps dernier comme la Transat AG2R ou la transat qui relie Brest à Charleston aux Etats-Unis. "Cette année, tout a été rendu plus difficile avec l’épidémie. Il a fallu réapprendre à s’organiser, se réinventer, c’est une année particulière. Rien ne s’est passé comme prévu. Pendant le confinement, on a tous pris du retard dans notre préparation", confie le skipper de Boulogne-Billancourt, ancien ingénieur et militant pour la préservation des océans. "Les fondamentaux sont là, le bateau est globalement prêt mais il manque encore les petits ajustements, les petits détails sur la vie à bord. Les dernières semaines avant de rejoindre les Sables-d’Olonne vont être intenses pour arriver l’esprit libre. Il me reste encore beaucoup de choses à comprendre sur le bateau depuis l’installation des foils. Ma dernière course le Défi Azimut qui a eu lieu en septembre m’a servi de laboratoire" ! poursuit-il.
 

Même son de cloche pour Fabrice Amedeo : "Nous sommes prêts malgré le retard pris en raison du confinement. Bien sûr on a moins navigué que prévu. L’année a été particulière et la crise sanitaire a perturbé la préparation technique. Mais cette course va être étonnante. Il va se passer des choses. J’ai vu le tennisman Novak Djokovic à l’US Open qui a eu un geste malheureux avec sa balle et qui a fait tomber un arbitre avant d'être disqualifié. Cela n’arrive jamais ! Cette année est folle. Il se passe des choses, tout le monde est fébrile. Le Vendée Globe ne va pas échapper à la règle. Il va falloir être rigoureux, bon marin, ne pas se tromper sur l’eau".

Les deux skippers s'estiment prêts pour affronter leur tour du monde. "Je suis très bien entouré par mon équipe. J’ai un bateau qui va arriver sur la ligne de départ fiable. Il a un joli potentiel", s'exclame Fabrice Amedeo qui dit "avoir envie d'y retourner depuis 4 ans", sa première participation au Vendée Globe. Une longue navigation de 103 jours. 11 ième au classement général.

"Bien sûr, c’est un défi sportif et physique humain incroyable. C’est la finalité de tous mes efforts pendant 4 ans. Oui il y a des doutes. Lors de ma première participation, j’étais un peu naïf. Même si j'avais bien préparé mon bateau. J’étais certain qu’il allait tenir. L’appréhension venait plutôt de ma capacité à gérer le solitaire et les mers du sud. La réalité a été toute autre ! Je me suis très bien acclimaté à la solitude et aux intempéries mais mon bateau n’a pas supporté l’épreuve! (NDLR : en 2016, Stéphane Le Diraison a dématé au large de l'Australie). Aujourd’hui j’ai confiance en moi et suis heureux à l’idée de me retrouver tout seul, à l'idée d’être confronté une nouvelle fois à cette épreuve. J’ai beaucoup travaillé sur le bateau pour gommer les points faibles mais j’ai conscience, beaucoup plus qu’en 2016, que la voile est un sport mécanique. Il faut tout faire pour ne pas casser mais il faut être conscient que cela peut arriver. Alors oui il y a quand même des peurs : Et si je cognais un iceberg et si je recassais le mât. Je ne maitrise pas tout. Personne n’est à l’abri", explique le skipper de Time for Oceans, Stéphane Le Diraison.

"Ma seule appréhension est l’abandon, commettre une erreur qui entraîne une casse. Je n’ai pas d’autres peurs. J’adore partir sur l’eau, je ne pars jamais en me disant mon dieu je pourrais ne jamais revenir. Je suis confiant et heureux. Par rapport à 2016, j’ai plus d’expérience, j’ose plus de choses qu’avant. Quand le vent forcit, je garde plus de toile qu’avant. Avant, par prudence, je les réduisais. Maintenant je rentre « dedans » comme on dit. En 2016, je découvrais tout. Cette année c’est mon deuxième Vendée. J’ai appris, acquis de l’expérience. Cela se ressentira certainement en mer", confirme Fabrice Amadeo.
 

De leur premier Vendée Globe, tous deux gardent des souvenirs, des bons et des moins bons. Un arc-en-ciel fugace après 7 jours de mer sans voir une éclaircie. Des mauvaises manoeuvres qui mènent au démâtage. Une montée en haut du mât le jour de Noël pour décoincer une voile. Le passage du Cap Horn, "le Graal" libérateur qui annonce la remontée.

Objectif sportif

Boucler le tour du monde. Terminer la course. Fabrice Amedeo et Stéphane Le-Diraison s'accordent sur ce point. "Je pars avec cent jours d’alimentation. Si je casse quelque chose, je veux quand même pouvoir terminer en mode aventure" se rassure le skipper de Newrest-Art & Fenêtres, Fabrice Amedeo. "Il y a un an j’aurais répondu, je rêve de faire le tour du monde en 80 jours c’est un cap mythique. J’ai énormément progressé et mon bateau va sensiblement plus vite que l’autre. C’est jouable ! Maintenant le Covid est passé par là et je pense que l’important est de déterminer. Il peut se passer plein de choses. Il y a aura des abandons. J’espère ne pas être dedans, j’y pense tous les jours. J’ai tout fait et je vais tout faire pour que cela n’arrive pas mais c’est possible. Il faut rester réaliste" confie Fabrice Amadeo. Sur les 167 marins qui ont pris le départ depuis la création de la course, seuls 89 ont coupé la ligne d'arrivée.

Même objectif pour le skipper de Time for Oceans : "C’est très difficile de se fixer un objectif sportif car on en maîtrise pas tout, ni les élements, ni la concurrence. J’aimerais me rapprocher de la symbolique des 80 jours du trophée Jules Verne", souffle Stéphane Le Diraison.

Dimanche 8 novembre à 13 heures 02 minutes, les deux navigateurs s'aligneront sur la ligne de départ. "J’ai du mal à imaginer que je pars pour un tour du monde. Je pars en mer, c’est tout !, affirme, confiant, Fabrice Amdeo. Record à battre, celui d'Armel Le Cléac'h, en 2017, une course effectuée en 74 jours, 3 heures, 35 minutes et 46 secondes.

Toutes les infos de la course sont à retrouver sur le site du Vendée Globe.

 LinkedOut, un voilier aux couleurs de l'inclusion. Le skipper Thomas Ruyant s'engage pour des chercheurs d'emploi.

 
 
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