Le pochoiriste Nemo est décédé la semaine dernière. Les murs de l'est parisien témoignent encore du travail de cet artiste considéré comme l'un des pionniers du Street Art en France. Amis et artistes lui rendent hommage.
Un homme en noir en équilibre, avec un ballon rouge, une valise ou encore un cerf-volant… Des images simples, poétiques et oniriques. Parfois loufoques. Les pochoirs de l’artiste Nemo, aperçus au hasard des flâneries parisiennes nous accompagnent longtemps. Comme si ces peintures avaient toujours été là, sur les murs de l'est parisien, quartier de Ménilmontant notamment.
Un pionnier du Street Art
Les fresques murales sont aujourd'hui orphelines. Nemo, de son vrai nom Serge Faurie est mort mardi dernier à l'âge de 74 ans. Ses obsèques ont eu lieu aujourd’hui au cimetière du Père Lachaise.
Nemo, dont le nom renvoi à la bande dessinée Little Nemo in Slumberland de Winsor McCay a été l'un des instigateurs du Street Art en France. "Il fait partie de quelques historiques qui ont marqué le début du mouvement, dans les années 80 avec Miss.Tic, Jérôme Mesnager, Speedy Graphito, Blek le Rat, Mosko", explique Nicolas Laugero Lasserre, directeur de l’Icart, une école du management de la culture et du marché de l’art, et de Fluctuart, un centré dédié à l'art urbain à Paris.
Pochoiriste, il peignait sans autorisation et aimait collaborer avec d'autres artistes. Ses figures principales, un homme en noir en imperméable avec un chapeau, en mouvement, suspendu à un fil, un ballon rouge, en référence au film le Ballon rouge d'Albert Lamorisse, tournée dans le quartier de Belleville. Dans une interview donnée au QG des artistes, il évoquait son travail.
"Le bonhomme noir seul n’est pas si sympathique, mais lorsqu’il tient une fleur à la main, l’impact est complètement différent. Qu’est-ce que représente un ballon rouge pour un enfant? Je n’en sais rien. C’était une envie de ma part de pouvoir me servir de formes très simples, mais très puissantes, comme un balai ou une valise, qui parlent d’une façon unique à chacun. Mon but est d’offrir plusieurs interprétations au spectateur. Ma victoire, c’est que les gens puissent avoir une émotion qui leur est propre, indépendamment de ce que j’ai pu ressentir en peignant",
Nombreux hommages à Nemo
Je suis très triste. Triste à l’infini
Compagnon de "murs", Jerôme Mesnager ne cache pas son émotion. L’artiste a perdu un ami avec qui il avait beaucoup collaboré, son personnage blanc répondant à l’homme noir de Nemo. "Pendant des années, nous avons peint ensemble tous les jours. Nous avons conçu des peintures à deux en jouant sur le noir et le blanc avec toute une poétique et des compositions très élaborées", explique-t-il, très ému.
"Nemo, c’était la poésie, la sincérité, la gentillesse, le partage, la douceur. Il portait un très joli regard sur le monde. C’était une âme pure, vraiment", ajoute-t-il.
Mosko que l'on connait pour ses peintures de tigre, jaguar ou léopard, a travaillé avec Nemo.
C’est un ami qui s’en va et un pilier du Street Art, de l’art urbain
"J’ai rencontré Nemo en 1996. Il fait partie de ceux qui m’ont poussé à me mettre à peindre dans la rue", confie-t-il. "C’est un ami qui s’en va et un pilier du Street Art, de l’art urbain. On a fait le zoo du Retrait avec Jérôme Mesnager. Une toute première collaboration. Ensuite, c’est une amitié de 25 ans", sourit-il.
Et de poursuivre : "Le maître mot de son travail c’est la poésie. Il laisse l’interprétation de son œuvre libre à tout un chacun. C'était un libertaire. Un militant de la poésie. Il était très attaché à la rue. L’engagement des années 80 était tourné vers le public, le partage avec les gens. Il y a une dimension sociale dans son travail."
Les murs du quartier de Ménilmontant témoignent encore de son travail. Montreuil, Bobigny en Seine-Saint-Denis, Bogota en Colombie ou Lisbonne furent aussi le théâtre de jeu de cet artiste prolifique également professeur de mathématiques et informaticien. Nemo a inspiré la jeune génération comme le street artiste C215.
Son style a inspiré Banksy
"C’est un artiste qui a fait le lien entre la vague des pochoirs des années 80 et le renouveau auquel on peut m’assimiler dans les années 2000. Lui, Miss.Tic, les Mosko, Jérôime Mesnager étaient les seuls qui peignaient des fresques sur les murs de Paris. Pour tous les artistes de ma génération, ils étaient incontournables", estime C215.
Selon lui, "La fille au ballon" du célèbre artiste Banksy est inspirée de "L'homme en noir" de Nemo. "La fille au ballon de Banksy qui est certainement une des trois œuvres les plus connues de Banksy est directement inspiré du travail de Nemo. Si Banksy ne l’a jamais reconnu, je crois que c’est le moment de lui rendre justice", affirme-t-il.
Le pochoiriste parisien NEMO nous a quittés. NEMO peignait ses pochoirs monochromes et ses silhouettes à Paris au tournant du millénaire, avant internet, et sont style a fortement inspiré Banksy dans plusieurs de ses oeuvres, bien que celui ci ne lui ait jamais rendu hommage. pic.twitter.com/ftomkqglQ1
— . . . (@christianguemy) September 15, 2021
L’écrivain Daniel Pennac lui avait consacré un livre, Nemo par Pennac paru aux éditions Hoëbeke en novembre 2006.
"Il est le peintre mural de nos manques: nous sommes lourds et il nous donne à planer, nous sommes sérieux et il nous donne à jouer, nous sommes pragmatiques et il nous donne à rêver, nous crevons de peur stérile et de rage impuissante, il apaise nos murs, nous sommes saturés de nous mêmes et il ouvre nos fenêtres, nous sommes bornés et il ouvre nos portes, nous sommes immobiles et il nous propose de larguer les amarres; libres à nous de bouger ou pas."