L’appli AMY, censée éviter des accidents en lançant des signaux d’alerte aux piétons distraits, est déployée à titre expérimental sur la ligne de bus 39. Une technologie basée sur les ultrasons.
Le dispositif est censé aider à protéger les "smombies" : les piétons qui, rivés sur l’écran de leur smartphone, se déplacent sans trop prêter attention aux alentours, comme des zombies. La RATP teste depuis jeudi 10 mars l’application AMY sur la ligne 39, qui relie Gare du Nord à Paris (Xe arrondissement) et Issy-Frères Voisin à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Tous les bus de la ligne, qui transportent au total environ 5300 voyageurs par jour, en sont équipés.
Le système permet d’envoyer sur le téléphone des piétons qui ont téléchargé AMY une alerte lorsque le conducteur du bus klaxonne. Vibration, alerte visuelle sur le téléphone, baisse du volume sonore de la musique, retentissement amplifié du gong… L’appli transmet automatiquement une notification à l’utilisateur.
L’application, disponible gratuitement sur Android et iOS, s’active sans demander le partage de sa localisation, ni la création d’un compte. Il faut activer les notifications et "autoriser l’appli à enregistrer de l’audio". La détection des alertes s’exécute ensuite en arrière-plan. L’utilisateur peut désactiver et réactiver le service d’alerte quand il le souhaite.
"Aujourd’hui 6 usagers sur 10 ne décollent pas leurs yeux de leur smartphone lorsqu’ils traversent"
Dans un communiqué,la RATP explique vouloir faire face à "la montée des accidents de piétons dues à l’usage du smartphone", et cite une étude de l’entreprise allemande Dekra datant de 2015 : "Aujourd’hui 6 usagers sur 10 ne décollent pas leurs yeux de leur smartphone lorsqu’ils traversent".
Le dispositif est développé depuis 2018 avec Copsonic. Un dispositif basé sur la technologie des ultrasons est installé à l’avant du bus, explique Emmanuel Ruiz, directeur de la R&D chez cette startup française : "Ça permet d’émettre un signal, et d’aider les personnes en situation d'inattention qui marchent dans la rue, face à un danger potentiel dont ils n'ont pas conscience".
"Les ultrasons sont des ondes que l’oreille humaine ne peut pas percevoir, sauf à très haute intensité, poursuit-t-il. Comme n’importe quel son, si le volume est trop élevé ça peut entraîner une gêne. Donc on suit les recommandations pour s’assurer de l'innocuité du dispositif. Il n’y a aucun problème."
Le système a déjà été embarqué sur des trams de la ligne T8, des bus de la ligne TVM (Trans-Val-de-Marne), mais aussi sur des passages piétons dans les Yvelines à Vélizy, Mantes-la-Jolie, Saint-Quentin, Saint-Rémy-lès-Chevreuse, ainsi que dans le Val-de-Marne à Vincennes, explique la RATP.
Une expérimentation à l’étude pour les navettes autonomes de la RATP
Mais tenter d’éviter des accidents via une simple appli ne revient-il à du solutionnisme technologique ? "On est confronté à un problème de santé publique, répond Emmanuel Ruiz. Plusieurs dispositifs ont été essayés dans le monde. Signalisation lumineuse au sol, contraventions pour les piétons sur leur smartphone au feu rouge, détection via des caméras au niveau des passages piétons… Les solutions qui ont été expérimentées dans certains pays sont parfois extrêmement chères et ne peuvent pas être déployées massivement."
"Le dispositif AMY peut, lui, être déployé partout, affirme-t-il. Au feu rouge, il y a déjà du matériel existant pour les personnes malvoyantes, donc le coût du déploiement est raisonnable. Économiquement, c’est le plus réaliste et le plus efficace. Ça marche sur tous les smartphones."
Emmanuel Ruiz ajoute qu’"une autre solution basée sur les ultrasons" va être lancée "dans les prochains jours", avec la RATP. Le dispositif en question est censé permettre aux usagers à l’intérieur des bus de demander l’arrêt à la prochaine station sans se lever de son siège pour appuyer sur le bouton. "Ça permet d’assurer un meilleur confort pour les personnes âgées, les femmes enceintes, les familles avec des enfants en bas âge ou les usagers avec des bagages", explique-t-il, en évoquant également le contexte sanitaire.
Contactée, la RATP explique de son côté qu’un test du système AMY sur des navettes autonomes est en cours de réflexion, sans parcours arrêté à ce stade. L’expérimentation sur la ligne 39, qui doit durer jusqu’à cet été, sera prolongée selon les résultats.