Le gouvernement lance le 1er février une expérimentation de la circulation entre les files de voitures pour tenter d'encadrer cette pratique très répandue chez les motards, qui la jugent plus sécurisante pour eux, mais peu comprise par les automobilistes.
Réclamée par les associations de conducteurs de deux-roues motorisés et massivement pratiquée dans les centre-villes, sur les périphériques, les routes et autoroutes, la circulation inter-files a nourri des débats aussi vifs que stériles depuis vingt ans.
"C'est un fait social: 98% des conducteurs de deux-roues motorisés le font! Nous voulons sortir d'une hypocrisie qui consiste à ne pas en parler, à ne pas l'enseigner, à ne pas souligner son accidentologie en ville, là où il y a des intersections et des piétons", a souligné vendredi le Délégué interministériel à la sécurité routière, Emmanuel Barbe, lors d'un point-presse.
Sur quelles voies rouler en inter-files ?
- Celles dont la vitesse est comprise entre 70 et 130 km/h
- Celles dont les deux chaussées séparées par un terre-plein
- Voies doubles uniquement
Dans quelle situation ?
- Entre 2 files de véhicules situées sur les deux voies de circulation les plus à gauche
- Si la circulation arrêtée sur toutes les voies
- Attention, en inter-files, la vitesse maximale autorisée est de 50 km/h
Sont toujours interdits :
- les slaloms
- remontées de files en centre-ville
- circulation entre les files à 70 km/h
Enseignée dans les auto-écoles
"C'est une pratique raisonnée, qui bénéficie à tout le monde", assure le porte-parole de la Fédération française des motards en colère, Nathanaël Gagnaire. "Contrairement à ce que certains peuvent penser, la circulation inter-files est bien plus "sécure" pour les motards que quand ils sont intégrés dans les files de circulation où les distances de sécurité sont rarement respectées. Il y a le risque d'être pris en sandwich sur un freinage brusque. Et derrière un fourgon, par exemple, on n'a pas de visibilité", souligne-t-il.Selon la Sécurité routière, la circulation inter-files n'a été à l'origine que de douze décès (sur 790) de conducteurs de deux-roues motorisés en 2014, mais elle cause de plus en plus d'accidents (+80,7% d'accidents en inter-files en dix ans). Elle sera désormais évoquée dans les auto-écoles, afin de sensibiliser les automobilistes. "Sur le périph', il y a des règles tacites mais il faut y être habitué", admet Gilbert, un automobiliste parisien. "L'enseigner? Pourquoi pas, ça peut pas faire de mal."
Une pratique qui stresse les automobilistes
Selon une étude menée en 2012-2013 par l'Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement des réseaux (Ifsttar), "68 % des automobilistes disaient ressentir des difficultés face à cette pratique, qui génère un sentiment d'insécurité, de stress lié à l'imprévisibilité, l'effet de surprise", explique Isabelle Ragot-Court, chargée de recherche à l'Ifsttar."Il y a un intérêt à rendre saillante la possibilité de rencontrer un deux-roues motorisé pour réduire cet effet de surprise et optimiser leur attention", estime-t-elle. "En 2012, 80 % des automobilistes étaient favorables à un encadrement", en espérant que cela réduise les accidents mais aussi pour "donner un cadre légal aux responsabilités en cas d'accident".
Un suivi sera réalisé durant quatre ans avant, en fonction des résultats, une possible généralisation à tous les départements en 2020. Mais, prévient le ministère, l'expérimentation "pourra aussi être suspendue à tout moment si les résultats ne s'avéraient pas satisfaisants".