A Paris, le règlement des terrasses estivales visé par les écologistes : "On veut éviter que ça vire au cauchemar"

Au Conseil de Paris, les élus écologistes ont demandé (en vain) à réviser les règles qui encadrent les terrasses estivales dans la capitale. Soutenue par les associations de riverains, cette position inquiète les restaurateurs et les cafetiers.

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"C'est une bonne idée, mais on veut éviter que ça vire au cauchemar", explique ce jeudi Fatoumata Koné, la cheffe des écologistes au conseil municipal. Mercredi au Conseil de Paris, les élus EELV ont demandé la révision du règlement des terrasses estivales, notamment en raison des nuisances sonores qui touchent certains riverains.

Le dispositif est né pendant la crise sanitaire. Suite au premier confinement de 2020, Anne Hidalgo, la maire PS de Paris, avait autorisé les bars et les restaurants à mettre en place des terrasses dites "éphémères" sur les trottoirs et les places de stationnement, sur simple déclaration. La Ville a depuis pérennisé le système avec un nouveau règlement, qui encadre le déploiement de ces terrasses "estivales" de début avril à la fin du mois d’octobre. Les restaurateurs doivent désormais obtenir une autorisation.

Une réglementation que les élus écologistes souhaitent renforcer. "Nous ne sommes pas contre le dispositif des terrasses estivales, créé pour soutenir les établissements dans le contexte du Covid, mais il faut l’améliorer, explique aujourd’hui Fatoumata Koné. Alors que le projet municipal est de réduire de moitié les places de stationnement, on s’inquiète de voir une grande partie de ces places être transformées en terrasses."

Réduction d'un mois de la saison des terrasses, "adéquation" entre les places à l’intérieur et à l’extérieur…

"On a le sentiment que les choses ont été faites dans la précipitation, poursuit la présidente du groupe "Écologiste de Paris". On a été interpellés par des riverains et des mairies d’arrondissement, pour nous alerter sur des dysfonctionnements. La démultiplication des terrasses crée des nuisances et du bruit. Une instance de régulation est nécessaire. Et on demande des outils de régulation pour la police municipale. Pour suivre la question des nuisances sonores, on ne parvient pas à obtenir des informations assez claires."

"Il y a aussi une problématique de temporalité : des terrasses ouvertes 7 mois sur 12, c’est déjà beaucoup. On a demandé une réduction d’un mois", ajoute Fatoumata Koné. Les élus EELV ont également demandé une "règle d'adéquation" entre le nombre de places disponibles en intérieur et en extérieur.

Mais le vœu des écologistes a été rejeté à l'aide des voix des élus PS, pourtant alliés d’EELV au sein de la majorité municipale. "La droite, je n’ai pas compris, réagit Fatoumata Koné. J’avais eu des échos du mécontentement des élus de droite sur le sujet, mais au dernier moment ils ont changé d’avis et se sont abstenus." De son côté, le groupe "Changer Paris" présidé par Rachida Dati (LR) a annoncé s’être abstenu, en annonçant vouloir présenter "un vœu plus pertinent".

Des sonomètres pour contrôler les nuisances ?

La position des élus écologistes est soutenue par les collectifs de riverains. Bertrand Lucas, président de l’association des riverains du canal Saint-Martin, dénonce les conséquences de la pollution sonore : "Dormir est une absolue nécessité, c’est un temps extraordinairement important notamment chez les jeunes… A Paris, la pollution sonore dite festive est liée directement ou non aux établissements. Ce n’est pas uniquement lié aux bars : sur le canal Saint-Martin par exemple, les jeunes se mettent dans des états invraisemblables, toute la nuit."

"Mais les terrasses participent aussi incroyablement à cette pollution sonore, liée à la désinhibition des comportements quand on boit trop d'alcool, poursuit-il. Les gens restent autour des terrasses même après la fermeture. Le problème central, ce n’est pas tant les terrasses mais l’absence d’une régulation efficace et intelligente. Je suis pour les terrasses estivales mais pas n'importe comment, et pas n'importe où. Un certain nombre d’établissements respectent les règles de fermeture à 22h, mais un bon nombre d’entre eux s’en fichent un peu."

Bertrand Lucas souligne "un problème de densité", avec des établissements ouverts "épaule contre épaule". "La mairie de Paris avait promis des 'quartiers villages', mais la réalité, c’est qu’aujourd’hui les artisans fuient la capitale alors que le secteur des cafés et restaurants prolifère, affirme-t-il. Il faut lutter contre le développement de quartiers de monoactivité et de beuverie. Ça dépasse la question des terrasses." Le président de l’association des riverains du canal Saint-Martin demande notamment la mise en place d’"outils de contrôle efficients" avec l’installation de sonomètres, "à commencer par les quartiers festifs".

3 500 verbalisations depuis le 1er avril

Du côté des professionnels, David Zenouda, représentant de la branche Nuit de l’Union des métiers de l’industrie et de l’hôtellerie (Umih) Paris Île-de-France, dénonce un "acharnement". "Les Verts sont devenus les porte-paroles des collectifs de riverains, déplore-t-il. On est les victimes collatérales d’un combat politique contre Anne Hidalgo, on est en train de prendre en otage 12 000 établissements et des dizaines de milliers de clients quotidiens. Je constate que les associations de riverains, qui font du lobbying politique, sont en train de détruire l’image qu’on se fait de Paris."

"La capitale, c’est la douceur de vivre en terrasse l’été, c’est un art de vivre, poursuit-il. Ils veulent réduire Paris à une ville où il ne se passe plus grand-chose. Aujourd’hui, la situation est catastrophique. Le quotidien des services de la Ville, c’est de vérifier si un panneau dépasse ou non d’une terrasse. On est désemparés, il y a un véritable harcèlement de la part des assos de riverains. A terme, c’est une remise en cause complète des terrasses, synonyme d’un arrêt de mort assuré pour les établissements. L’été, les gens ne veulent plus aller à l'intérieur."

Je suis pour la labellisation des commerces responsables

David Zenouda

"La majorité des établissements qui respectent les règles et la tranquillité des quartiers paient pour la minorité de professionnels qui ne respectent pas. Il y a aussi des problèmes de comportement chez certains clients, il faut le reconnaître. Mais on ne peut pas être partout. Et il faut aussi prendre en compte le fait que les Parisiens ont subi pendant deux ans des restrictions au quotidien. Il y a une envie parfois de reprendre goût à la vie, de se lâcher. On est des commerces essentiels à la sociabilité des villes. Il faut se remettre autour de la table et réfléchir à des moyens de médiation avec les riverains. Je suis pour la labellisation des commerces responsables", propose David Zenouda, qui gère six établissements à Paris, qui ne comportent pas de terrasses estivales.

Contactée, la mairie de Paris indique que 2 600 autorisations de terrasses estivales ont été délivrées à ce jour, alors qu’à l’époque du "régime déclaratif" pendant la crise sanitaire, on comptait jusqu’à 12 000 terrasses éphémères. La Ville communique par ailleurs un bilan de 3 500 verbalisations depuis le 1er avril, et 400 procédures de démontage.

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