De nombreux mois ont été nécessaires pour enlever la poussière de plomb qui s'est répandue suite à l'incendie de Notre-Dame le 15 avril 2019. Une nouvelle exposition consacrée à Victor Hugo et Eugène Viollet-le-Duc vient rappeler les anciens ambitieux chantiers de restauration.
Ce sont parmi les plus anciennes traces de Lutèce, la ville antique de Paris, qui sont de nouveaux ouvertes au public. La Crypte archéologique de l'Île de la Cité, située sous le parvis de Notre-Dame, rouvre ses portes ce mercredi 9 septembre, après plus d'un an de travaux.
L'incendie de la cathédrale, le 15 avril 2019, a fortement endommagé le bâti visible, mais aussi celui souterrain, même s'il n'a jamais mis sérieusement en danger les fondations historiques de la capitale.
"Il y a eu une dispersion de poussière de plomb à la suite de l'incendie. Cette poussière s'est déposée sur le parvis. Il y a eu de nombreuses allées et venues pour voir comment était la crypte et des dépôts de poussière de plomb ont été relevés sur le parcours. Pour être sûr qu'il n'y ait aucun danger, nous avons procédé à trois reprises à des tests de plombémie sur les vestiges et sur le parcours", explique Sylvie Robin, conservatrice en chef de la Crypte archéologique de l'île de la Cité.
Mais ces travaux ont nécessité l'arrêt de la ventilation, ce qui a engendré le développement de micro-organismes qu'il fallait traiter. Les conservateurs du site ont voulu tirer parti de cette situation pour tout refaire. "Toute la scénographie a été supprimée, on est reparti à zéro. On a voulu profiter de ce redémarrage pour refaire la scénographie, les éclairages et faire un hommage à Notre-Dame", poursuit-elle.
La cathédrale a failli être démolie
Sous terre sont encore visibles une partie du rempart antique, un quai de l'ancien port et les thermes datant du IVe siècle de notre ère. Des monuments du Moyen Âge, comme des puits, sont aussi visibles pour l'œil averti, signe que l'endroit n'a jamais cessé d'être habité.Mais la cathédrale, bâtie sur les ruines d'une église carolingienne, n'a pas toujours été l'un des symboles de Paris. Elle était, jusqu'au XIXe siècle, un symbole de la monarchie, de l'Ancien Régime. La restaurer était loin d'être évident, déjà au XIXe siècle. "C'était un projet très ambitieux. Il faut un soulèvement populaire pour que l'État accepte de payer la restauration de ce monument que l'on pensait à l'époque détruire pour en faire une carrière de pierres tellement il était en mauvais état. Aussi à cause du mépris que l'on avait à l'époque de la période du Moyen Âge", raconte Charles Villeneuve de Janti, commissaire de l'exposition et directeur des collections de Paris Musées.
Victor Hugo, farouche défenseur du patrimoine, va réussir à conquérir l'opinion avec son roman "Notre-Dame de Paris", publié en 1831. L'architecte Viollet-le-Duc mène le gigantesque chantier, abondamment documenté grâce à l'invention de la photographie.
La flèche, mais aussi les gargouilles vont marquer le nouvel édifice rentré depuis dans l'imaginaire populaire grâce aux nombreux films comme Le Bossu de Notre-Dame de Disney.
"Dès le soir de l'incendie, on a entendu de hautes personnalités évoquer la possibilité de ne pas reconstruire la flèche ou plutôt de manière contemporaine. Ce sont des débats qui avaient déjà fait jour il y a 150 ans du temps de Viollet-le-Duc, notamment concernant la flèche. Pour la construire, il s'est beaucoup documenté. Il a par exemple fait le tour des cathédrales médiévales françaises pour s'en inspirer", indique le conservateur.
Pour une restauration à l'identique
L'exposition, qui vient consacrer ces deux promoteurs d'une certaine idée de la restauration du patrimoine français, est aussi une façon pour les commissaires de venir s'insérer dans le débat actuel."On avait un certain parti-pris. Nous sommes tous conservateur du patrimoine (les trois commissaires de l'exposition, ndlr) et attachés à cette notion du patrimoine et de la conservation des traces du passé. On avait une connaissance parfaite de cette charpente. Quand on a un monument qui a traversé 900 ans sans aucun problème, on sait que la technologie de la charpente en bois telle qu'elle avait été conçue était extrêmement efficace. On a toujours peur qu'une nouvelle technologie amène du désordre dans un bâtiment aussi ancien. On préfère les solutions pérennes", reconnaît Charles Villeneuve de Janti.
Cette vision semble d'ailleurs 'imposer. En juillet dernier, le chef de l'État a confirmé que la flèche serait construite à l'identique. S'agissant de la charpente, l’architecte en chef des monuments historiques, Philippe Villeneuve, a lui aussi penché pour une charpente en bois sans préciser si la toiture serait faite de plomb.
Après la fin du chantier de restauration mené par Viollet-le-Duc (et Jean-Baptiste-Antoine Lassus avant sa mort) de 1843 à 1864, Victor Hugo, rentré d'exil, avait exprimé sa joie de voir le bâtiment respecté. Les Parisiens en diront-ils autant après cette nouvelle renaissance ?