Le procès de huit personnes s'ouvre ce lundi 4 novembre, devant la cour d'assises spéciale de Paris. Elles sont jugées pour leur implication dans l'assassinat de Samuel Paty. Le professeur d'histoire-géographie avait été tué en 2020. Qui sont ces accusés ?
Après le procès des enfants qui ont aidé le terroriste, place à celui des adultes impliqués dans l'assassinat de Samuel Paty. Huit accusés vont comparaître devant la cour d'assises spéciale de Paris, ce 4 novembre.
Un procès qui s'ouvre un peu plus de 4 ans après la mort de ce professeur d'histoire-géographie, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). En octobre 2020, Abdoullakh Anzorov avait poignardé l'enseignant de 47 ans avant de le décapiter. Le terroriste se réclamant de l'organisation État Islamique avait ensuite été neutralisé par les forces de l'ordre.
Huit personnes sont poursuivies pour différentes raisons, d'après Francis Szpiner, l'avocat du fils de Samuel Paty : "Il y a ceux présents à l'achat du couteau, ceux qui ont véhiculé, donc de ce point de vue qui sont en complicité directe avec l'assassin. Sans compter ceux qui participent au climat permettant l'assassinat, en encourageant les gens à le commettre."
On vous explique qui sont ces accusés.
Les initiateurs du cyberharcèlement
- Brahim Chnina
Brahim Chnina est un ressortissant marocain de 52 ans. Il s'agit du père de la collégienne à l'origine de la polémique sur des cours dispensés par Samuel Paty et sa présentation de caricatures de Mahomet. L'homme est accusé d'avoir lancé le cyberharcèlement contre le professeur, tout comme Abdelhakim Sefrioui.
Il publie deux vidéos qui stigmatisent Samuel Paty, les 7 et 8 octobre 2020. À l'intérieur, des renseignements précis sur son identité, mais aussi l'endroit où il exerce. Entre le 9 et le 13 octobre, Brahim Chnina a eu neuf contacts téléphoniques avec Abdoullakh Anzorov.
Cet homme est en détention provisoire, depuis le 21 octobre 2020. Il cherche à se positionner comme victime ne reconnaissant aucune responsabilité dans les faits qui lui sont reprochés, selon l'administration pénitentiaire.
- Abdelhakim Sefrioui
Ce ressortissant franco-marocain de 65 ans, est considéré comme un militant islamiste, fondateur du collectif pro-Hamas Cheikh Yassine, dissous le 21 octobre 2020. Il est accusé d'avoir participé avec Brahim Chnina "à l'élaboration et la diffusion de vidéos présentant des informations fausses ou déformées destinées à susciter un sentiment de haine" à l'égard de Samuel Paty.
Il comparaîtra détenu, lors du procès. Ses avocats dénoncent une "aberration intellectuelle et judiciaire". D'après eux, aucun contact n'a été établi entre Abdelhakim Sefrioui et Abdoullakh Anzorov. Ses conseils invoquent aussi l'absence de preuve que l'assaillant ait vu la vidéo postée par leur client, cinq jours avant l'assassinat du professeur. Dans cette vidéo, le militant islamiste dénonçait notamment une France islamophobe et qualifiait Samuel Paty de "voyou enseignant".
Lors d'un interrogatoire, Abdelhakim Sefrioui a expliqué qu'il n'aurait jamais posté sa vidéo s'il avait pu imaginer "un milliardième de chance que cela arrive". "On voulait juste des sanctions administratives" contre Samuel Paty, a soutenu cet accusé. Son avocat indique à notre équipe de France 3 Paris-Île-de-France une possible "discrimination", et invoque un combat mené "après des dizaines et dizaines d'années d'un combat d'une même nature, avec les mêmes engagements et idéaux pour lesquels il n'a fait l'objet de strictement aucune condamnation pénale".
Ils sont poursuivis pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle" et encourent 30 ans de réclusion criminelle.
Les complices potentiels de l'assassinat
Deux personnes sont poursuivies pour "complicité d'assassinat", passible de la prison à perpétuité : Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov.
Le premier est un Français de 22 ans et le second est Russe d'origine tchétchène de 23 ans. Naïm Boudaoud est décrit par l'accusation comme "particulièrement vulnérable" et "influençable", et "sans aucun signe visible de radicalisation violente"". Il a fréquenté Azim Epsirkhanov et Abdoullakh Anzorov "multipliant les services" à l'un ou à l'autre.
La veille de l'attentat, ces deux personnes amènent en voiture Abdoullakh Anzorov dans une coutellerie de Rouen pour l'achat d'un couteau correspondant à celui retrouvé à proximité de son cadavre. Le jour de l'assassinat, Naïm Boudaoud a accompagné Anzorov dans un magasin de Cergy (Val d'Oise) pour l'achat de pistolets Airsoft et de billes d'acier.
Azim Epsirkhanov est quant à lui arrivé en France, en décembre 2010. Il se serait rendu complice du crime "en aidant et accompagnant activement" son ami "de longue date" Abdoullakh Anzorov "dans la recherche et l'achat d'armes", d'après l'accusation. L'assaillant fait la connaissance d'Epsirkhanov au collège, dès 2013. En audition, il a reconnu avoir reçu 800 euros donnés par Anzorov pour lui procurer une arme à feu en urgence, sans y parvenir.
Les soutiens sur internet
Restent encore quatre personnes impliquées : trois hommes et une femme.
- Ismaïl Gamaev
Ce Russe d'origine tchétchène est aujourd'hui âgé de 22 ans. Entré clandestinement en France, il bénéficiait du statut de réfugié et avait une carte de résident valable jusqu'en août 2020. Il est actuellement sous contrôle judiciaire, après deux ans de détention provisoire. Gamaev a "participé activement" avec Abdoullakh Anzorov et Louqmane Ingar à un groupe Snapchat échangeant, de manière anonyme et cryptée, des messages à contenus jihadistes.
Selon l'accusation, il aurait notamment "conforté Abdoullakh Anzorov" dans son projet d'assassinat dans les semaines précédant le passage à l'acte. Il a publié des smileys souriants après la diffusion sur son groupe Snapchat, baptisé "Étudiants en médecine", de la tête décapitée de l'enseignant.
- Louqmane Ingar
Louqmane Ingar est accusé d'avoir administré et "participé activement" au même groupe Snapchat qu'Ismaïl Gamaev. L'homme de 22 ans envisageait, selon l'accusation, de quitter la France pour rejoindre l'Afghanistan ou la Syrie "dans les rangs d'une organisation terroriste". Il a passé un an en détention provisoire avant d'être placé sous contrôle judiciaire le 10 novembre 2021.
- Yusuf Cinar
Cet accusé de nationalité turque est âgé de 22 ans. Il a partagé un groupe Snapchat baptisé "Zbrr" avec Abdoullakh Anzorov qu'il considérait comme "un ami proche", voire "comme un frère". Ce groupe qui diffusait de la propagande jihadiste a publié après l'attentat le message de revendication d'Anzorov et des photographies du corps de Samuel Paty. Il a plus tard servi à poster des vidéos, en hommage à l'assaillant.
Déscolarisé dès 14 ans, vivant principalement du trafic de stupéfiants, alcoolique, il est incarcéré depuis octobre 2020. Sa détention a été rythmée par de nombreux incidents dont une tentative de suicide en novembre 2020.
- Priscilla Mangel
C'est la seule femme à être jugée, parmi ces huit personnes. Âgée de 36 ans, elle est apparue dans plusieurs procédures antiterroristes. L'accusation lui reproche notamment d'avoir échangé "de manière discrète" sur le réseau Twitter (devenu X) avec Abdoullakh Anzorov "dont l'idéologie n'était pas dissimulée".
Sous pseudonyme, elle aurait notamment présenté à Anzorov le cours de Samuel Paty comme "l'illustration de la guerre menée par les institutions républicaines contre les musulmans". Ce genre d'échanges a "conforté" l'assaillant dans son projet, a estimé l'accusation. Elle est sous contrôle judiciaire depuis le 25 juin 2021.
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Ce procès doit se tenir jusqu'au 20 décembre prochain. Pour rappel, les enfants impliqués dans l'assassinat de Samuel Paty avaient été jugés l'année dernière. Ils avaient écopé de peines allant de 14 mois de prison avec sursis à six mois de prison ferme.