Le 3 octobre 2019, Mickaël Harpon, un agent de la Direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP), tuait 4 fonctionnaires avant d'être abattu. La commission d’enquête sur cette attaque propose une série de mesures pour répondre aux failles de sécurité de la PP.
Huit mois après l’attaque mortelle à la préfecture de police de Paris, la commission d'enquête créée à l'Assemblée nationale après les faits a examiné ce mercredi – à huis clos – un rapport rassemblant 35 propositions. Des pistes censées apporter une réponse aux dysfonctionnements associés à la tuerie du 3 octobre 2019. "Sidération", "amateurisme"… Comme le reflètent les mots fréquemment revenus dans la bouche des membres de la commission lors de leurs travaux, les faits reflètent une situation particulièrement inquiétante.
Plusieurs failles ont été soulignées concernant la détection des signaux de radicalisation de Mickaël Harpon. En janvier 2015 notamment, l’homme – qui s'était converti à l'islam – avait dit à de ses collègues "C’est bien fait" à propos de l'attentat de Charlie Hebdo, avant de présenter des excuses. Le comportement avait été signalé auprès de son chef de service mais l’incident n'avait pas été suivi d’un signalement officiel, ni d’une sanction. A noter que l’homme était habilité secret-défense.
Depuis, des procédures ont été mises en place par la préfecture de police avec des signalements systématiques et évalués par la suite, au sein des services de sécurité. Des contrôles que la commission appelle à renforcer aujourd’hui. "De façon ahurissante les mécanismes de sécurité ont été absents ou n'ont pas fonctionné. Il y a des fautes individuelles, la justice y travaille mais il y a une responsabilité collective de l'institution sur plusieurs années qui doit conduire à une réorganisation profonde de la prefecture de police", a déclaré Eric Ciotti, président de la commission d'enquête, à France 3 Paris Île-de-France.
Recrutement, détection de la radicalisation, rôle de la DGSI… Des propositions pour renforcer les contrôles
Première proposition : le rapport préconise de confier le "rôle de chefs de file des recrutements au sein des services de renseignement" à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et au renseignement interne des armées (DRSD). Et si la commission ne propose pas une suppression de la DRPP, elle appelle à de profonds changements. Il s’agirait entre autres de la "repositionner au sein du renseignement intérieur selon deux scénarios possibles, allant de sa refonte totale au transfert a minima des activités de lutte contre le terrorisme vers la DGSI", et ce "à moyen terme". Pour Eric Ciotti "on a un grand service du renseignement français, intérieur, performant, avec de grandes réussites, un grand professionalisme. Je suis un grand partisan de l'unification de ces dispositifs", et d'ajouter "la dispersion [des informations] quand il y a plusieurs échelons est toujours source de difficultés".
Instaurer une prestation de serment
Toujours concernant les standards de recrutement, la commission préconise "d'étendre le champ des enquêtes administratives préalables au recrutement des personnels administratifs des administrations remplissant une mission de sécurité et des personnels civils dans les armées, afin d'assurer un contrôle de l'ensemble des personnels, même non habilités". Validité réduite, suivi des contrôles… Plusieurs propositions sont mises en avant pour renforcer les procédures d'habilitation.
Autre mesure préconisée : l'instauration d'une "prestation de serment" affirmant "l'adhésion aux valeurs de la République" pour l'ensemble des agents des professions "sensibles".
Du côté des syndicats de police, Alliance appelle à la "prudence"
"Ces mots-là [prononcés par Mickaël Harpon au cours de l’incident à propos de Charlie Hebdo] auraient dû alerter, explique Stanislas Gaudon, délégué national du syndicat Alliance, à France 3 Paris Île-de-France. Les propos incompatibles avec l’exercice opérationnel au sein de la DRPP doivent être pris en compte."
Mais le responsable syndical appelle à "rester prudent" quant aux suites données au rapport de la commission : "Pour nous, le timing n’est pas opportun pour prendre des décisions hâtives, même s’il ne s’agit pas de critiquer la commission. Le timing n’est pas bon pour procéder à des restructurations au sein de la DRPP, étant donné le contexte de menace terroriste encore présent, mais aussi le contexte de conflits sociaux et l’actualité des derniers jours. Il faut se laisser du temps pour bien analyser la situation, et par ailleurs se rappeler de l’efficacité qu’a démontré la PP ces dernières années, notamment vis-à-vis des attentats de 2015."
Ces thématiques sont sensibles
Stanislas Gaudon indique par ailleurs qu’Alliance "avait proposé en son temps un signalement anonymisé" : "L’idée est d’éviter le verbal, mais aussi de trouver le bon dispositif pour éviter des dysfonctionnements qu’entraînerait la délation. Ces thématiques sont sensibles." Et d’ajouter : "Que les habilitations soient contrôlées et renouvelées par les services de la DGSI nous semble cohérent". Le syndicat reconnaît enfin une "valeur symbolique" quant à la prestation de serment, "qui pourrait donner par la suite un cadre réglementaire".