Depuis le début du mois de mars, ce sont plus de 1 300 camions de 20 mètres cubes qui s'affairent sur l'Île de la Cité pour transférer les 42 kilomètres de documents à déménager aux Batignolles. Un transfert émouvant pour ceux qui ont passé des dizaines d'années dans les allées du palais.
Deux avocates qui prennent une photo souvenir sur les marches du palais, c'est le genre de scène à laquelle on pouvait assister en fin de semaine au palais de justice de Paris. Après avoir travaillé 25 et 33 ans sur l'Île de la Cité, les deux femmes de loi expliquent : "Depuis toutes ces années, on manifeste sur les marches du palais, on plaide, on va et vient ici... Maintenant, ça va être une autre vie !"
Dès lundi 16 avril, la plupart des audiences se tiendront dans le nouveau palais de justice, situé porte de Clichy, dans le XVIIe arrondissement de Paris. Mais l'Île de la Cité abritera toujours la Cour d'appel et la Cour de cassation. Le vestiaire des avocats restera donc sur place, ce qui réjouit certains agents qui s'estiment chanceux de ne pas déménager : "On aime ces locaux, on n'a pas envie de changer. On s'y sent bien et il y a une âme ici. Il faudra la recréer là-bas pour les avocats".
Du procès de Marie-Antoinette à celui de Gustave Flaubert
À l'heure du départ, nous avons visité celui que l'on surnomme désormais le "vieux palais" avec Yves Ozanam, archiviste du barreau de Paris. En 35 ans de carrière,il a été particulièrement marqué par la transformation du bâtiment après les attentats terroristes de 1986: "Avant, tout le monde pouvait entrer librement au palais. Il m'est souvent arrivé d'utiliser un couloir souterrain qui donnait directement sur la station de métro Cité." (Couloir depuis condamné NDLR)Parmi les procès historiques, il cite celui de Marie-Antoinette. En 1793, c'est dans la Première Chambre du tribunal civil que l'épouse de Louis XVI est condamnée à mort par le tribunal révolutionnaire. Un demi-siècle plus tard, en 1857, c'est Gustave Flaubert qui est jugé devant le tribunal correctionnel de Paris. L'écrivain français est poursuivi pour avoir "outragé la morale dans Madame Bovary". Son avocat fait alors valoir que (attention spoiler) "puisque Madame Bovary meurt à la fin du roman, on peut considérer qu'il s'agit d'une oeuvre morale et édifiante". Flaubert est finalement acquitté.