Le procès du vétéran français du jihad Peter Cherif a commencé ce lundi 16 septembre. Il est accusé d'avoir joué un rôle auprès de Chérif Kouachi, un des assaillants de Charlie Hebdo en 2015. Il avait rejoint Al-Qaïda au Yémen de 2011 à 2018.
Aujourd'hui âgé de 42 ans, l'accusé, Peter Cherif, habillé en costume gris, chemise blanche, et masque sur le visage, a décliné son identité en début d'audience ce lundi 16 septembre.
Il est jugé par la cour d'assises spécialement composée pour association de malfaiteurs terroriste criminelle entre 2011 et 2018, période de sa présence au Yémen au sein d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa).
Peter Cherif comparaît aussi pour l'enlèvement et la séquestration en bande organisée en 2011, pendant plus de cinq mois, de trois ressortissants français, membres de l'ONG Triangle génération humanitaire.
Mais c'est sa potentielle implication dans la tuerie commise à Paris dans les locaux de l'hebdomadaire Charlie Hebdo par Chérif et Saïd Kouachi le 7 janvier 2015, âprement débattue lors de l'instruction, qui devrait être au cœur du procès.
"Comment expliquer ce parcours ?"
"Comment on part des Buttes-Chaumont pour arriver chez Ben Laden ? Comment on devient salafiste et djihadiste violent ? Comment expliquer ce parcours ? C'est un archétype mais cela concerne des milliers et des milliers de jeunes hommes et femmes. On veut comprendre, dénoncer, témoigner, combattre ces ingrédients que l'on retrouve dans tous ces procès", indique Richard Malka, avocat des parties civiles.
Les juges d'instruction estiment qu'il a "facilité l'intégration au sein d'Aqpa d'un des frères Kouachi, très probablement Chérif", et qu'il avait "connaissance" de "la mission" de perpétrer un attentat en France confiée à son ami d'enfance lors d'un court séjour à l'été 2011 au Yémen.
Selon plusieurs témoins, dont la défunte compagne de Peter Cherif, Aqpa conseillait aux combattants étrangers arrivant au Yémen de retourner dans leurs pays d'origine commettre des attentats. Une suggestion qui aurait été faite aussi à Peter Cherif qui ne pouvait donc l'ignorer.
L'intéressé aurait en outre "maintenu des contacts" avec Chérif Kouachi lors de son retour en France.
Il encourt la perpétuité
Devant les enquêteurs, Peter Cherif a contesté avoir su en quoi consistait cette mission qui aurait été confiée à son ami.
Entendu à l'automne 2020 comme témoin lors du procès des attentats de janvier 2015, commis notamment par les frères Kouachi avant qu'ils ne soient abattus par les forces de l'ordre, et qui ont fait au total 17 morts, il a assuré n'avoir "rien à voir" dans ces attaques, avant de se murer dans le silence.
Selon Me Sefen Guez Guez, l'un de ses avocats, Peter Cherif "sait que le procès Charlie Hebdo pèse lourd dans la balance mais il viendra porter une parole sincère".
"Nous attendons que Peter Cherif réponde à nos questions autrement qu'en citant le Coran", a poursuivi Me Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo, avant le début du procès.
Également connu sous le pseudonyme d'Abou Hamza, Peter Cherif encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Filière des Buttes-Chaumont
Converti à l'islam en 2003, il est, comme les frères Saïd et Cherif Kouachi avec qui il a grandi dans le 19e arrondissement de Paris, une des figures de la filière terroriste dite des Buttes-Chaumont (du nom du quartier parisien où ils habitaient).
En 2004, il part combattre en Irak et est capturé quelques mois plus tard par les Américains dans les ruines de Falloujah.
Là-bas, il est condamné en 2006 à 15 ans de prison, mais il s'échappe en 2007 pour la Syrie. Il finit par se présenter à l'ambassade de France à Damas et est expulsé début 2008, puis mis en examen à Paris.
Il est jugé début 2011 mais prend la fuite, juste avant sa condamnation à cinq ans de prison, pour le Yémen, via la Tunisie et Oman.
Il y passe sept ans, avant de se rendre à Djibouti en 2018 sous une fausse identité, avec sa femme - décédée depuis - et ses deux enfants, et d'y être arrêté trois mois plus tard et d'être remis à la France.
Selon l'accusation, pendant son long séjour au Yémen, Peter Cherif a "rencontré Anwar al-Awlaqi", un prédicateur radical américano-yéménite, haut responsable d'Aqpa tué par drone en septembre 2011, "participé aux activités militaires du groupe, en ayant notamment combattu 'brièvement' selon lui", et "contribué à la fabrication d'engins explosifs improvisés, à la recherche de cibles pour les attentats".
Le procès est prévu jusqu'au 4 octobre.