BD : quitter Paris pour vivre loin ailleurs, ils ont osé

Beaucoup en rêvent, mais peu le font. Quitter la capitale, abandonner la ville pour retrouver la nature, parcourir le grand large ou se rendre à l’autre bout du monde. Trois auteurs de BD racontent leurs cauchemars, leurs rêves ou la réalité de leur projet.

Détox (tome 1) de Jim & Antonin Gallo – Bamboo / Grand Angle

Matthias est une caricature de chef d’entreprise qui travaille 20 heures sur 24, le mobile greffé à l’oreille. L’espèce même de Parisien que l’on préfère avoir en journal plutôt qu’en face de soi …

Y a-t-il une vie sans la 4 G ?

Marié à une femme qu’il néglige, père de deux enfants qu’il voit peu, amant de son assistante hyper active, autant dire que l’histoire au départ aligne les clichés.

Mais le décès brutal de sa jeune assistante suite à un AVC rebat les cartes du scénario prévisible. Le directeur général, contre toute attente, abandonne femme et enfants sur la route des vacances pour partir seul dans un stage « Détox et Slow Life » façon New Age. La course effrénée à l’argent et à la réussite de Matthias est stoppée net quand il se retrouve sous une tente, sans aucun confort, au milieu des Cévennes. Son portable lui manque et tout semble dépeuplé. Que faire quand on ne vérifie plus ses courriels toutes les 5 minutes ? Comment occuper son temps de cerveau nouvellement disponible ?

Dans des couleurs aux tonalités uniques, mordorées, le trait fluide donne peu à peu de l’épaisseur au personnage. Au travers des superbes décors bien rendus, ses failles et son humanité se révèlent. Un album qui se présente, au final, comme une belle réflexion sur nos modes de vie de citadins hyper-sollicités par nos écrans.

 

Robinsons père & fils de Tronchet – Delcourt / Mirage

Prenez un dessinateur hyper-connecté, plongez-le dans une ambiance paradisiaque des mers du Sud et observez son évolution au fil des mois.

Didier Tronchet en rêvait : quitter le 18e arrondissement de Paris et ne rien faire sur un ilot lointain et minuscule. Ce sera l’île aux Nattes, un confetti au large de Madagascar. Difficulté supplémentaire, il a choisi de partir avec son fils, un adolescent de 13 ans. Une double épreuve initiatique de six mois pour chacun d’eux.

Tronchet a beaucoup d’humour ; il l’a déjà prouvé auparavant quand il a raconté les aventures d’anti-héros du quotidien : Raymond Calbuth, puis Jean-Claude Tergal et Raoul Fulgurex. Fait rare : cela lui a valu trois Alph-Art de l’humour à Angoulême. Au delà des loosers magnifiques, il sait aussi avoir la bonne distance critique avec lui-même et sa famille quand il s’essaie à l’auto-fiction : Vertige de Quito est alors une autre réussite.

Un récit bouleversant à lire d’urgence.

Avec Robinsons, Père & Fils, il se lance un nouveau défi, pour dessiner loin des moyens modernes (peu d’électricité, pas de connexion internet, ni de téléphone).

Ne rien faire se révèle bien plus difficile qu’il ne l’imaginait et bien plus compliqué à assumer face à son fils qui choisit de son côté de s’inscrire à l’école du village. Au fils des semaines, Didier Tronchet va apprendre à se laisser aller, à accepter de ne plus tout contrôler, et de faire avec cet enfant qui prend ses distances pour vivre ses propres expériences.
 

Les Voyages de Jules de Sophie Michel, Emmanuel Lepage et René Follet – Editions Daniel Maghen

Changement d’époque et de registre. Cet album se présente comme un carnet de voyage, imaginé par Sophie Michel et superbement mis en images par Lepage et Follet, deux maitres du dessin maritime.

Jules Toulet est un peintre voyageur du XIXe siècle. Il arrive à Paris pour étudier le dessin auprès d’un maître : Ammôn Kasacz, spécialiste des œuvres maritimes. Le jeune dessinateur quittera toutefois la capitale pour développer à son tour son goût du grand large. L’auteur Emmanuel Lepage a déclaré dans le bimensuel de BD Casemate consacré à ce beau livre :

Impossible aujourd’hui de partir sans téléphone … donc c’est finalement dans le dessin que je retrouve cet état de voyage où on vit dans l’instant.

Le récit est construit autour de la correspondance épistolaire que ce personnage fictif entretient avec Anna, son amour perdu, et son maître en peinture, Ammôn Kasacz. Il s’agit de la suite d’un précédent album : Les Voyages d’Ulysse, un succès lors de sa sortie en librairie en  2016, qui a reçu le Grand Prix de la critique ACBD l’année suivante.
Toutefois, Les Voyages de Jules se lit comme une histoire complète à part entière. La réussite narrative de cet album tient en grande partie à la relecture qu’il opère de tous les grands classiques du roman d’aventures, depuis Moby Dick de Melville jusqu’à l’Ile au Trésor de Stevenson, en passant par Les aventures d’Arthur Gordon Pym d’Edgar Allan Poe. Une intertextualité qui est à retrouver aussi dans les illustrations de René Fallet.

Les pages originales de cet album sont actuellement exposées à Paris, à la galerie Maghen jusqu’au 8 juin 2019.

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