L'École des Chiens Guides de Paris pour malvoyants et aveugles forme chaque année 30 chiens guides. Depuis leur naissance, ils suivent un long parcours de formation jusqu’à leur "remise" à des personnes déficientes visuelles. À l'occasion des "Chiens Guides Days", l'école ouvre ses portes au grand public ce dimanche 29 septembre.
Il y a un an, nous avions rencontré Michelle et sa chienne Rosie dans cette école. À l'occasion de la nouvelle journée portes ouvertes de l'association École de chiens guides de Paris, nous republions ce reportage sur le parcours de formation des chiens guides.
"On va juste faire un tour du quartier !" Michelle Percheron et sa chienne Rosie ont rendez-vous à l'École de Chiens Guides de Paris à proximité du bois de Vincennes. Et sous l'œil vigilant d'Aurore Antoine, une éducatrice de l'école, elles se promènent sereinement aux abords du centre de formation. Marche sur un large trottoir, traversée d'une grande avenue passante, recherche d'un arrêt de bus... Aurore veille au bon déroulement de cette petite flânerie dans le quartier. Rosie dresse l'oreille et semble anticiper les ordres de sa maîtresse.
"Michelle a eu Rosie en décembre dernier et du coup, pendant l'année, on fait un suivi pour voir si tout se passe bien, si toutes les deux sont en sécurité", explique Aurore Antoine. "Ça nous permet de repérer les points faibles, ça peut être par exemple, la difficulté de la gestion des obstacles et ça nous permet d'ajuster le travail qu'on doit effectuer", précise-t-elle.
Rosie est un Labradoodle, un croisement d'un Labrador Retriever et d'un Caniche. Elle réside désormais chez Michelle, dans un appartement situé dans le 13e arrondissement de Paris. Michelle, malvoyante qui perçoit la lumière et à peine les formes, a déjà eu deux chiens guides.
"On a appris à se connaître, Rosie et moi, et à s’habituer l'un à l'autre (...) la confiance, ça ne s'établit pas du jour au lendemain et je reviens régulièrement avec elle, à l'école", explique-t-elle en caressant sa chienne qu'elle surnomme affectueusement Rosinette. "Je fais avec Rosie mes courses, mes activités comme la gym, je prends le métro avec elle, je me sens en sécurité et surtout, j'ai beaucoup moins de fatigue qu'autrefois, quand je me déplaçais avec la canne", assure-t-elle.
"Bien dans ses pattes"
Rosie, âgée aujourd’hui de trois ans, est multidiplômée, "certifiée" dit-on ici. Elle a suivi le parcours classique de formation des chiens guides de l'École des Chiens Guide pour malvoyants et aveugles. De 0 à 3 mois, elle fait ses premiers pas à la maternité de Buc dans les Yvelines. Dans ce centre, les chiots — des Labradors ou des Retrievers – sélectionnés selon leurs morphologies, leurs comportements, suivent un protocole d'éveil qui leur permet de se familiariser avec l'environnement urbain. À Buc, "les chiots sont confrontés à toutes sortes de stimulations : auditives, visuelles et c'est aussi là que se fait la première expérience de socialisation", explique Aurore Antoine.
Comme tous les autres chiots, Rosie a ensuite rejoint le foyer d'une famille d'accueil bénévole qui lui a appris la propreté et l'obéissance. Car un bon chien de guide est d'abord un chien bien éduqué. Magali Raphaël est monitrice depuis deux au pôle famille d'accueil de l'école. Elle accompagne les familles d'accueil dans l'éducation des jeunes chiens.
"L’objectif, c'est que le chien soit bien dans ses pattes, qu'il soit un excellent chien de compagnie", explique Magali." Les bénévoles doivent les emmener partout : dans les transports, lors de leurs courses, au cinéma, au restaurant et nous, on suit les familles d'accueil, on les aide à gérer les chiens. On a suivi tous les 15 jours et des réunions de groupe et on fait un débrief."
À l'issue cette première expérience, Rosie s'est vu décerner, par son école, un premier "certificat d'entrée en éducation".
50 "ordres directionnels"
Rosie est ensuite retournée à l'École de Chiens Guides pour sept mois de formation plus poussée. Sous l'égide d'éducateurs comme Aurore Antoine, elle a appris à se déplacer au harnais, travailler son allure, rechercher des objets tels que des sièges, des passages piétons, contourner des obstacles et répondre immédiatement à de multiples ordres directionnels.
Au total, Rosie est capable d'obéir à 50 ordres différents qui vont orienter sa conduite en milieu urbain. "Dans notre jargon, des ordres directionnels, c'est quand on leur dit, par exemple, part à droite, part à gauche, demi-tour droit, demi-tour gauche, cherche le bus, cherche le métro, cherche la ligne des passages piétons, cherche le siège", détaille Aurore Antoine.
Rosie a obtenu sa deuxième certification "d'aptitude à guider". Et lors d'un stage de trois semaines à l’école et au domicile, elle a été remise à Michelle. Un passage en douceur de l'école à la vie de chien guide. "On fait des essais", précise Aurore Antoine. "N'importe quel chien ne peut pas aller avec n'importe qui, il y a le rythme de marche du maître-chien, une question de tempérament, une question d'environnement : là où la personne vit. On essaye de faire que le binôme fonctionne bien", conclut-elle.
250 binômes
L'École de Chiens Guides de Paris a permis la création de 250 binômes de maître-chien guide l'an dernier dans la capitale et la région parisienne. Trente chiens sont remis chaque année. Le coût de la formation d'un chien guide est lourd : 25 000 euros. Le chien est remis gratuitement aux personnes déficientes visuelles qui en font la demande. Cette école, crée en 1987, compte une cinquantaine de salariés et ne vit que grâce aux subsides de donateurs et de mécènes. En quête de fonds et notoriété, elle ouvrira ses portes au grand public dimanche 24 septembre.
Pour 2025, l'établissement affiche des objectifs à la hausse. Elle espère former plus de chiens guides. Un enjeu important pour ce centre de formation, car les demandes affluent. "Aujourd'hui, pour obtenir un chien guide certifié, il faut attendre au moins deux ans !", laisse entendre une des salariés de l'École des Chiens Guides.