Le 17 mars 2020, le premier confinement entrait en vigueur. Alors que le monde d’avant – sans masque, ni Covid-19 – semble aujourd’hui bien lointain, comment allons-nous sortir de la crise sanitaire ?
Le bout du tunnel paraît bien loin. Impossible en effet d’imaginer une date précise de sortie de crise, alors qu’aucun scientifique ne possède de boule de cristal. On peut toutefois tenter de réfléchir aux scénarios possibles.
Le scénario de l’épidémiologiste, Catherine Hill
Depuis le début de la crise, Catherine Hill étudie les chiffres à la loupe. Cette épidémiologiste et biostatisticienne à la retraite, qui a réuni une dizaine de scientifiques autour d’elle, souligne "ne pas savoir du tout quand on sortira de cet épisode".
Mais elle dresse un constat critique : "Les autorités refusent de comprendre que si on trouve tous les gens qui sont contagieux et qu’on les isole, on a le scénario de l’Australie, de la Chine, de Taiwan ou encore de la Nouvelle-Zélande, où l’on peut vivre normalement en contrôlant la circulation du virus."
Puisqu’on répète ce mantra "tester-tracer-isoler" sans comprendre que si l’on ne teste pas largement, ça ne sert à rien, il nous reste la vaccination
"Puisqu’on refuse la stratégie de trouver les gens contagieux et de les isoler, qu’on répète ce mantra "tester-tracer-isoler" sans comprendre que si l’on ne teste pas largement, ça ne sert à rien, il nous reste la vaccination", explique l’épidémiologiste.
Le scénario de l’immunologiste, Brigitte Autran
Membre du pôle vaccination du Conseil scientifique, Brigitte Autran met en avant la vaccination comme une "arme" efficace, en prenant notamment l’exemple d’Israël. Elle note que "dans tous les pays du monde, on estime que les personnes âgées, les personnes à risque et les professionnels de santé représentent 15 à 20% des populations".
"En France, on doit avoir environ 12 à 15 millions de personnes qui représentent ces catégories, si on arrive à vacciner au moins trois quarts de ces populations, le Covid ne sera pas derrière nous... Mais l’engorgement des hôpitaux, le blocage des réanimations, le blocage de la vie seront derrière nous, analyse l’immunologiste. Et cela permettra d’arrêter ces confinements et de revenir à une vie économique et sociale un peu plus normale."
Sans éradiquer le virus, la reprise d’une vie normale sera possible
"Ensuite, qu’il reste du Covid, à partir du moment où il est maîtrisé par des vaccins et des médicaments, ça fera une maladie de plus, estime Brigitte Autran. Ça ne sera pas forcément un problème majeur. Je ne sais pas s’il faut viser l’éradication du Covid, c’est peut-être un objectif trop ambitieux et pas nécessaire. Sans éradiquer le virus, la reprise d’une vie normale sera possible. Avec quels termes, quel calendrier, personne ne peut le dire. Mais à partir du moment où l’on n’aura plus le problème d’engorgement des hôpitaux, la nécessité de confinement va quasiment disparaître. Et vraisemblablement, on pourra rouvrir tous les lieux de culture, les lieux de restauration, de divertissement."
De quoi, après la crise, oublier les gestes barrières ? L’immunologiste ne l’espère pas : "Les gestes barrières ne servent pas que contre le Covid. Ils servent contre la grippe et beaucoup de maladies infectieuses. J’espère bien qu’on gardera un certain nombre de gestes barrières. Pas forcément le masque en permanence, mais j’espère que les gens garderont l’habitude garder un masque quand ils sont enrhumés, quand ils ont la grippe…. Des gestes barrière utiles."
Le scénario du biologiste, Jean-Michel Pawlotsky
Alors que les vaccins sont déjà mis à l’épreuve par l’émergence de nouveaux variants, Jean-Michel Pawlotsky traque au quotidien les mutations du coronavirus. "Si on intervient avec une vaccination de masse, on va augmenter la pression sur le virus et d’autres mutations seront sélectionnées, de résistance ou de moins grande sensibilité à la vaccination", note le chef du service bactériologie virologie de l’hôpital Henri Mondor (AP-HP) à Créteil.
Nous avons aujourd’hui la capacité de développer de nouvelles générations de vaccins adaptées à l’émergence de ces nouveaux variants
Mais le biologiste estime qu’"on peut quand même être optimiste" : "Nous avons aujourd’hui la capacité industrielle et scientifique d’aller aussi vite que le virus, voire éventuellement plus vite que le virus, et de développer de nouvelles générations de vaccins, des doses de rappel qui seront adaptées à l’émergence de ces nouveaux variants. A la fin, c’est nous qui allons gagner."
Dans les laboratoires, la course contre la montre continue contre notamment le variant sud-africain, alors des essais cliniques se poursuivent. Restent deux principales incertitudes pour gagner la bataille contre la pandémie : la durée d’immunité des vaccins, et leur efficacité contre la transmission du virus.