La première étude en France sur le cybersexisme au lycée par l'observatoire des violences faites aux femmes du Centre Hubertine Auclert rapporte que 17 % des filles et 11 % des garçons en Ile-de-France ont déjà été confrontés en ligne à des violences à caractère sexuel
Ma fille a eu un rapport sexuel à l’âge de 13 ans. C’est alors qu’un garçon l’aurait obligé de faire une photo d’elle nue sinon il dirait à tout le monde que c’est une « grosse salope » selon ce qu’on m’a rapporté
en mars dernier, la mère de Juliette lâche sa colère à l'hebdomadaire de ce coin de Normandie. Sa fille de 15 ans s'est jetée sous le TER, alors que ses photos circulaient à nouveau sous forme de texto dans son lycée. " Je regardais tous les 15 jours ce que mes enfants mettaient sur facebook pour vérifier. Si elle mettait trop de rouge à lèvre sur une photo, je lui demandais de l’enlever. Aujourd’hui, on est démunis."
Ce fait-divers ne fait pas exception. Le Ministère de l'éducation nationale a mis en place un site spécialisé pour aider les victimes et leurs familles afin de mettre fin à un vrai fléau qui touche principalement les adolescents entre 13 et 16 ans. Un service d'écoute téléphonique existe également au 0808 80 70 10 pour prévenir toutes les formes de harcèlement à l'école.
Selon les chiffres officiels du ministère, 40% des lycéens se disent avoir été victimes d'une agression en ligne. Une violence qui souvent commence par un simple texto.
La prise de conscience du harcèlement à l'école a pris beaucoup de temps en France. La réalité de la violence déployée sur internet et les réseaux sociaux et réduisant les filles et les garçons en voulant contrôler leur sexualité n'a jamais fait l'objet d'étude. Pour la première fois dans le pays, l'observatoire francilien des violences faites aux femmes, le centre Hubertine Auclert, association financée par le conseil régional a lancé une étude sur le cybersexisme.
Selfies dénudés
1 500 lycéens d'Ile-de-France ont été interrogés dans cette étude réalisée par l'Observatoire Universitaire d'Education et de Prévention ( OUIEP) de l'Université de Paris Créteil. 20% des filles rapportent avoir été insultées en ligne sur leur apparence physique, 13 % des garçons ont également été victimes de ce harcèlement.
Au lycée, les filles font l'objet de plus de rumeur que les garçons. 11 % d'entre eux se déclarent avoir été confrontés à des violences à caractère sexuel par le biais de photos, vidéo ou texto, des insultes la plupart du temps à caractère homophobe. 17 % des filles sont victimes de violence sexuelle en ligne.
.L'affirmation de soi passe aujourd'hui par les réseaux sociaux et avec des selfies dénudés, les garçons gagnent en popularité au sein du groupe
Selon l'étude, ces sextos concerneraient 7 % des lycéens.
Les adolescents craignent la réaction des parents qui pourraient les sanctionner en leur interdisant l'accès aux réseaux sociaux. Honteux quand les photos circulent, ils peinent à en parler aux adultes. Aujourd'hui la découverte de la sexualité se fait souvent sous l'objectif de la caméra d'un smartphone ou d'une webcam. Il faut savoir en tenir compte et intégrer la prévention du cybersexisme dans notre système éducatif.
Un colloque ce mardi au conseil régional à Paris tente de trouver de vraies pistes de prévention. L'interdiction ou la restriction aux réseaux sociaux ont ,d'après les spécialistes, l'effet contraire de ce qui est recherché. L'accompagnement et l'éducation aux outils numériques restent l'option à privilégier. L'interdit a toujours été contre-productif à l'adolescence. Bloquer un compte Facebook ou Instagram révèle notre manque de connaissance de parent. La plupart des violences en lignes se font par texto et plus rarement sur une messagerie soit elle virtuelle. Le sexto est réellement la plaie des lycées aujourd'hui.
Quand le meufisme s'en mêle
Sophie Garric et Camille Ghanassia sont les deux YouTubeuses qui ont inventé le meufisme. A 60 ans à elles deux, elles donnent des cours de féminisme pour les 15- 35 sur leur chaîne YouTube. Toutes les vidéos nous changent des traditionnelles leçons de beauté et maquillage autrefois, et toujours, en vogue chez les adolescent(e)s. C'est drôle, direct et forcèment nos copines ont toutes vécu un jour le regard lourd et cheloup des mecs quand elles sortent le soir. Sophie et Camille sont les Youtubeuses marraines de la campagne "cybersexisme : le virtuel c'est réel".
Elles ont 30 ans et ont bien du mal à comprendre la violence et le passage à l'acte avec l'obsession de tout filmer ou de tout partager en ligne même le plus intime chez la nouvelle génération. Aujourd'hui d'après l'étude, la moitié des lycéennes sont connectées en permanence et collées à leur smartphone, les garçons sont moins accrocs, mais globalement cette génération passe sur une semaine au moins 24 heures en ligne.
Les vidéos sur la chaîne Youtube de Sophie et Camille dépassent toutes les 700 000 vues et elles restent encore étonnées d'être suivies par de nombreux ados. Dans les commentaires, les questions sont directes, les réactions et les insultes fréquentes. Les filles répondent systèmatiquement et à l'exception d'un "haiteur" incorigible, après l'agression, le dialogue redevient possible la plupart du temps. Sophie raconte à la tribune du colloque qu'elle a été elle même victime de cyber-harcèlement avec une attaque virale sur sa messagerie internet. L'espace de 24 heures, elle voulait jeter l'éponge et faire disparaitre son double en ligne. "Une raison de plus pour continuer finalement" concluent les deux complices. Comme pour les ados à qui elles donnent des leçons de féminisme en rigolant, elles ont appris à maîtriser la haine ordinaire en répondant et en refusant de se taire.
Ce que dit la loi
Depuis août 2014 seulement, le harcèlement n'est plus seulement condamnable au sein du couple ou dans les entreprises. Tout fait de harcèlement est punissable d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Après un dépôt de plainte et pour que l'affaire ne soit pas classée sans suite, il convient -dès la plainte- de fournir un maximum de preuves. il faut apporter le plus d’éléments possibles pour prouver ses dires. Des captures d'écran du délit, un descriptif écrit de tous les incidents rencontrés, les jours, les horaires, des témoignages écrits, des certificats médicaux etc..sont autant d'éléments à fournir à la police.
Les messageries instantanées comme Snapchat ou les stories, plus récentes, sur Instagram, peuvent donner un sentiment d'impunité à de nombreux jeunes harceleurs qui peuvent être aussi et c'est la règle du jeu au moment de l'adolescence ,quand la sexualité se construit, de potentielles victimes. Les images sont échangées, partagées et finissent par disparaitre du réseau ou pas. Le réseau devient une "cour de récréation" où l'insulte, vindicte, sexisme, rumeur et homophobie sont la norme.
La prévention passe une fois de plus par l'éducation des enfants et des parents. La première journée d'information contre le cybersexisme en appelle d'autres.