Deux femmes renvoyées aux assises après l'agression de femmes voilées sur le Champ-de-Mars en 2020

Deux femmes accusées d'avoir voulu tuer pour des motifs racistes deux femmes voilées près de la Tour Eiffel en octobre 2020 encourent la réclusion criminelle à perpétuité, après leur renvoi aux assises par une juge d'instruction parisienne.

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L'agression, qui remonte au 18 octobre 2020, se déroule à deux pas de la Tour Eiffel. Ce dimanche-là, Moïra C. et Victoria S., 23 et 22 ans, boivent sur la pelouse des bières depuis le milieu d'après-midi. Le soleil vient de se coucher, le Champ de Mars se vide, et les deux femmes, amies depuis plusieurs années, retirent la laisse de leur berger australien et de leur l'American bully.

Les deux chiens s'approchent d'une aire de jeux, où se trouvent cinq femmes de la même famille, mère, soeurs et cousines, avec leurs enfants. Certaines de ces femmes sont voilées. Selon leur récit concordant, les chiens s'approchent, "libres et sans muselière", "l'un touchant même" Amel B. à la main et "effrayant particulièrement les enfants", alors âgés de 10, 9 et 5 ans.

Selon l'ordonnance de mise en accusation signée le 23 septembre dont l'AFP a eu connaissance ce vendredi, le climat dégénère d'un coup, des insultes et menaces fusent, avant que Victoria S. ne sorte un couteau et assène des coups à Amel B. et Kenza M., aidée par Moïra C. qui maintient Amel B. tandis que son amie lui plante son arme blanche dans le dos. 

Les deux femmes "fortement alcoolisées" s'arrêtent finalement grâce à l'intervention de vendeurs à la sauvette, d'après la juge d'instruction. Loin du Champ de Mars, sur les réseaux sociaux, les vidéos de l'agression deviennent virales et suscitent de nombreux commentaires : au surlendemain de l'assassinat du professeur Samuel Paty et de l'immense émotion déclenchée dans le pays, certains internautes s'indignent d'un "silence médiatique" ou politique sur cette agression "islamophobe".

"Sales arabes"

Moïra C. et Victoria S. sont rapidement mises en examen pour violences volontaires à caractère raciste, mais l'avocat des victimes, Me Arié Alimi, demande immédiatement la requalification des faits en tentative de meurtre à raison de l'appartenance de la victime à une race ou à une religion. Pourquoi ? Car les victimes ont immédiatement indiqué aux enquêteurs que lors de l'échange initial houleux, elles ont été traitées de "sales arabes" par leurs agresseuses qui leur auraient également dit : "Vous n'êtes pas chez vous ici" ou auraient parlé de l'Afghanistan, en lien avec leur voile.

Les expertises ont établi un stress post-traumatique élevé chez les deux victimes, hospitalisées à plusieurs reprises après avoir reçu chacune plusieurs coups de couteau. A l'été 2021, les juges d'instruction accèdent à la demande de requalification des parties civiles.

Victoria S., qui a passé trois mois en détention provisoire dans ce dossier, a "expliqué avoir fait de grands gestes de la main, munie d'un couteau, pour se défendre des coups qu'elle recevait", contestant toute intention homicide comme tout propos raciste, reconnaissant simplement des insultes. Sollicité, son avocat, Me Stéphane Babonneau, a indiqué à l'AFP avoir fait appel de l'ordonnance. Moïra C. a elle reconnu "avoir pu dire 'rentre chez toi'", "signifiant seulement qu'elle souhaitait qu'on lui 'foute la paix'". Son avocat n'a pas répondu à l'AFP.

Pour la juge d'instruction, "la légitime défense alléguée par les mises en examen ne peut être retenue alors que les victimes ne sont pas armées et que l'utilisation d'un couteau dangereux et tranchant à plusieurs reprises sur des zones vitales contre des projections de gaz lacrymogène", qui aurait été utilisées en défense par la famille, "ne peut caractériser en rien une défense légitime". La juge retient le caractère raciste des propos au vu des "déclarations constantes et circonstanciées des victimes, des témoins", mais aussi d'un parent de l'une des mises en cause.

Pour Arié Alimi, "ces faits d'une extrême gravité matérialisent l'accroissement massif des crimes commis en raison de l'appartenance religieuse". L'audience "sera aussi l'occasion de parler de certains médias et politiques qui propagent ces haines", a-t-il ajouté.

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