Le musée parisien, toujours fermé en raison de la pandémie, a démonté cette semaine le double de cire du 45e président américain, avant l’investiture de son successeur Joe Biden ce mercredi. Direction un entrepôt, aux côtés d’autres statues, stockées par centaines.
Donald Trump n'est pas remplacé qu’à la Maison-Blanche. Mardi, le double de cire du 45e président étasunien, dont Joe Biden prend la succession ce mercredi, a été déboulonné du musée Grévin (IXe arrondissement). La statue de l’ancien chef d’Etat a pris la direction des réserves du musée, situées au Nord de la capitale.
"Comme de nombreux musées, comme le Louvre par exemple, on utilise depuis très longtemps ces entrepôts pour stocker notamment des décors", raconte Yves Delhommeau, le directeur de Grévin, à France 3 Paris IDF. Sur place, on trouve "des centaines de corps". "Certains remontent au début du XXe siècle, explique t-il. Il y a Roosevelt, Pompidou, un "ancien" de Gaulle, Willy Brandt… Parfois on ne garde que les têtes, pas toujours les corps."
Selon le président du musée, le retrait des statues représentant des personnages historiques ou politiques dépend de l’actualité. "Parfois, certains disparaissent aussi parce qu’on n’est pas content du niveau de qualité, précise-t-il. Barack Obama aurait pu disparaître du musée avec l’arrivée de Trump en 2016, mais on l’a gardé sur le parcours, parce qu’il était très bien réalisé. Zinédine Zidane, au contraire, est toujours très demandé par le public mais n’est pas exposé. On n’était pas satisfait en termes de qualité, donc on va le réaliser une troisième fois."
"Donald Trump était le seul personnage aux côtés duquel les visiteurs se prenaient en photo en lui mettant les doigts dans le nez"
Si certaines personnalités demeurent de longues années dans les allées, ou bien restent archivées, d’autres sont très vite oubliées. Yves Delhommeau dit ne pas vouloir "vexer certaines personnes", mais donne quelques exemples : "On ne peut pas garder tous les doubles. Certains passent très vite de mode : les 2Be3 sont vite partis par exemple." Certains doubles sont même recyclés : "Diam’s, par exemple, a été stockée un moment, mais vu qu’on pense qu’elle ne reviendra a priori pas dans la musique, on l’a réutilisée pour créer un personnage de braqueur de la série "La casa de papel". Avec un masque sur la tête, ça ne pose pas de problème."
Dans l’entrepôt rejoint par Donald Trump, les personnages sont entretenus régulièrement. "Ils sont conservés dans des boîtes, et on les visite pour vérifier parfois leur état, indique le président du musée. La cire vieillit et les personnages perdent leurs cheveux… Certains doubles sont restaurés selon les événements. On a notamment ressorti Claude François dernièrement. On refait beaucoup de personnages historiques aussi. Pour Napoléon par exemple, notre personnage de l’époque de Sainte-Hélène était trop triste et maladif, on en a donc refait un d’une période antérieure. Les autres versions restent stockées."
[La conception de Donald Trump] n'a pris que deux mois, je ne sais pas comment on a réussi. On n’avait pas du tout prévu qu’il serait élu, donc on avait commencé un personnage d’Hillary Clinton.
Donald Trump, lui, était entré au musée lors de son investiture : "On avait battu un record. En temps normal, concevoir un double prend entre cinq et six mois, parce qu’atteindre l’hyperréalisme demande beaucoup de travail et de savoir-faire, des prothèses oculaires jusqu’aux dents. Pour Donald Trump, ça n'a pris que deux mois, je ne sais pas comment on a réussi. On n’avait pas du tout prévu qu’il serait élu, donc on avait commencé un personnage d’Hillary Clinton."
Dans les allées de Grévin, sa statue a ensuite eu la vie dure. "En général on retrouve parfois des doigts cassés ou des griffures sur les doubles, ou bien des petits mots d’amour dans les poches pour Johnny Hallyday par exemple… Mais Donald Trump était le seul personnage aux côtés duquel les visiteurs se prenaient en photo en lui mettant les doigts dans le nez, se souvient Yves Delhommeau. Il fallait constamment faire des retouches au nez. Il a par ailleurs des cheveux particuliers, donc il avait besoin de nombreux shampooings, ça demandait un véritable suivi par un coiffeur."
Vladimir Poutine, Georges Marchais... Les hommes politiques servent parfois de cibles
Le directeur du musée rappelle que, par le passé, d’autres personnalités politiques ont parfois "servies de cibles" : "Ça n’a jamais été le cas de Macron, mais, entre autres, Poutine s’est fait attaquer directement dans le musée, par les Femen. Certains ont même été kidnappés, comme Jacques Chirac, Valéry Giscard d'Estaing, ou encore Georges Marchais qu’on a retrouvé dans un zoo."
Le successeur démocrate de Donald Trump, Joe Biden, arrivera bientôt à Grévin. "On espère pouvoir installer Joe Biden en avril, prévoit Yves Delhommeau. Le double est réalisé à partir de photos, donc ça prend du temps. On s’est rendu compte que j’avais moi-même un type de corps et un poids assez similaire, donc j’ai servi de modèle pour la stature. Pour les hommes politiques, la plupart des Français en tout cas, les doubles sont parfois réalisés directement en présence de la personnalité. C’était le cas pour Nicolas Sarkozy. Pour François Mitterand, le sculpteur avait rendez-vous à l’Elysée pour prendre les mesures."
Pour venir voir le résultat, il faudra toutefois patienter. Privé de son public depuis octobre, le musée Grévin vit sa plus longue période de fermeture de son histoire, selon son directeur : "Le musée a été créé en 1882. Même pendant les deux guerres mondiales, les portes sont restées presque tout le temps ouvertes. Ça va être une période difficile avant de retrouver un flux touristique, pour que les étrangers et les provinciaux reviennent. La complexité, c’est que les musées sont assimilés aux salles de spectacle, alors qu’on organise un flux à l’intérieur de nos structures, le public est en permanence en mouvement… Mais on n’a plus l’espoir de pouvoir rouvrir avant avril."
En attendant, les équipes du musée continuent d’entretenir les doubles. "Les coiffures, le maquillage, les costumes... Le temps fait son œuvre. Ils ont l’air figés comme ça, mais ils sont en réalité très vivants", sourit Yves Delhommeau.