Les dirigeants de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ont indiqué lors d'une conférence de presse avoir décidé un "arrêt temporaire" des urgences de l'Hôtel-Dieu pour ouvrir des lits de soins critiques dans un établissement voisin, une décision qui ne fait pas l'unanimité.
En Île-de-France, les services hospitaliers sont sous tension en raison de l'ampleur de la deuxième vague du coronavirus. Alors que l'Ile-de-France est reconfinée, 965 patients sont en réanimation en Ile-de-France dont 345 pour les hopitaux de l'AP-HP, des chiffres donnés mardi midi lors d'une conférence de presse organisée par l'organisme qui regroupe 39 hopitaux dans la région parisienne.
"Une situation très préoccupante et exponentielle", explique Aurélien Rousseau, directeur général de l'ARS qui dans un tweet annonçait que mardi soir que plus de 1000 personnes se trouvaient en réanimation en Ile-de-France.
C'est dans ce contexte de reprise de l'épidémie que les dirigeants de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ont indiqué lors d'une conférence de presse avoir décidé un "arrêt temporaire" des urgences de l'Hôtel-Dieu pour ouvrir des lits de soins critiques dans un établissement voisin, en l'occurence l'hôpital Cochin.1017 patients en réanimation ce soir en Île de France ... un chiffre qui n’est pas là pour manier la peur mais pour dire ce pour quoi nous nous battons : réduire le flot de patients Covid et garantir ainsi la prise en charge de tous ceux qui ont besoin de soins à l’hôpital.
— Aurélien Rousseau (@aur_rousseau) November 3, 2020
Cette fermeture "va nous permettre de redéployer des professionnels qui sont compétents dans les secteurs de soins critiques", a expliqué lors de cette conférence de presse le Pr Alain Cariou, directeur médical de crise du groupement Centre-Université de Paris, qui chapeaute 8 établissements de l'AP-HP. "Une quinzaine d'infirmiers spécialisés et 18 aides-soignantes" vont ainsi renforcer les équipes de réanimation de l'hôpital Cochin, ce qui sera "nécessaire pendant la durée du pic épidémique", a-t-il ajouté. "On en a discuté avec l'équipe des urgences de l'Hôtel-Dieu et tout le monde a convenu que l'importance de ce renfort justifiait pleinement ce redéploiement", a-t-il affirmé.
Cette fermeture «va nous permettre de redéployer des professionnels qui sont compétents dans les secteurs de soins critiques», a expliqué lors d'une conférence de presse le Pr Alain Cariou, directeur médical de crise du groupement AP-HP. Centre-Université de Paris.
— AP-HP (@APHP) November 3, 2020
Tout le monde n'est pas d'accord avec la décision de l'AP-HP de redéployer les infirmiers et soignants de l'Hôtel-Dieu vers l'hôpital Cochin. Gérald Kierzek, médecin urgentiste dans cet hôpital historique parisien trouve cette décision absurde. "Ce n’est pas un déplacement des urgences mais un déplacement de personnel", explique le médecin. "On ferme des urgences et des lits d’hospitalisation qui existent, le résultat c’est qu'au lieu d’augmenter le nombre de lits, on en supprime" insiste-t-il. Par ailleurs, pour lui, l'argument de la vetusté des locaux est erronée. "Cet hôpital a été refait et le service d’urgence est neuf".
Gérald Kierzek souhaite un changement de cap et un avenir pour l'hôpital. Pour lui, l'Hôtel-Dieu situé au cœur de Paris pourrait devenir un hôpital Covid. "On pourrait ouvrir une centaine de lits, avec de l’oxygène". Tout est prêt, explique-t-il "on peut claquer des doigts et ouvrir [...] et ainsi permettre aux autres hôpitaux de continuer leur activité et qu'ils ne déprogramment pas les soins qui étaient prévus là-bas"."L'Hôtel-Dieu pourrait devenir un hôpital Covid"
Même constat pour Interurgences. Dans un communiqué de presse le collectif déplore également la fermeture des urgences. "Une perte de chance pour les usagers, une surcharge de travail pour les urgences alentours et une mobilité des soignants de l’Hôtel-Dieu en 24 heures" est-il écrit.
Présente ce matin devant l'hôpital, la conseillère de Paris (LFI) Danielle Simonnet a également regretté "un non-sens sanitaire alors qu'on va atteindre le pic de saturation des hôpitaux franciliens" et que l'Hôtel-Dieu pourrait selon elle "délester les autres services d'urgence surchargés". "Ce que je dénonce aussi", a-t-elle continué "c’est le projet de privatisation d’un tiers de l’Hôtel-Dieu entre l'AP-HP et la ville de Paris à la fois pour en faire des logements étudiants, ce qui est une bonne chose mais aussi des commerces, des start-ups de santé et un restaurant gastronomique"… "Là il faut arrêter, la priorité de cet hôpital est de soigner les gens" "Il faut défendre l’hôpital public dans cette crise sanitaire", conclue-t-elle.?ᄌマ Communiqué de presse du 4 Novembre 2020https://t.co/QKtqRoRSDx pic.twitter.com/lvtvJ7mwyA
— L'Inter-Urgences (@InterUrg) November 4, 2020
Commerces, cafés, incubateur d’entreprises… Comment l’Hôtel-Dieu va être transformé
Des réactions balayées par le directeur général de l'AP-HP, Martin Hirsch, qui a comme au printemps, pointé l'inadaptation du plus vieil hôpital parisien, aux normes exigées en soins critiques. "Ouvrir par miracle des lits de réanimation dans des locaux qui ne sont pas prévus pour ça, il n'y a pas un seul réanimateur (...) qui pense que ça sauverait un seul malade", a-t-il asséné. Le patron des Hôpitaux de Paris a aussi précisé que "tous les services d'urgences voient leur activité diminuer en ce moment" et que "celui de l'Hôtel-Dieu a, en période normale, le plus petit nombre de passages"."On pourrait nous traiter de criminels si on laissait des personnels dans un service d'urgences avec peu de passages et qu'on n'ouvrait pas des lits en soins critiques", a-t-il insisté.
Les sénateurs communistes Pierre Laurent et Laurence Cohen, également opposés au projet de fermeture des urgences, ont annoncé qu'ils se rendraient sur place vendredi afin de constater le nombre de chambres et locaux disponibles et non utilisés à l'Hôtel-Dieu.