Alors que le mouvement des Gilets Jaunes ne cesse d'enflammer les rues de Paris, en novembre 2018, Emmanuel Macron annonce mettre en place des cahiers de doléances citoyennes dans les mairies afin de rétablir le dialogue. Cinq ans plus tard, que sont devenues ces demandes ?
Gilles Proriol est expert en analyse de la participation citoyenne. Plusieurs semaines après la mise en place des cahiers de doléances dans les mairies, c'est son entreprise qui a été missionnée "de manière un peu improvisée" par le gouvernement pour trier et résumer les demandes des Français : "Au moment du grand débat national, le gouvernement avait bien imaginé ce qui se passerait sur la plateforme internet mais, en revanche, sur toute la partie cahier de doléances, ils n'avaient pas anticipé".
Un consortium est mis en place et Gilles Proriol fait partie des forces vives mises à contribution. Une aventure unique pour l'expert en analyse : "C'est le plus gros corpus d'expression citoyenne qu'on ait analysé en France, probablement en Europe et peut-être dans le monde". Un double challenge puisque l'équipe a dû analyser tous les cahiers "en un temps record". Trois semaines ont été nécessaires pour numériser et étudier les textes des citoyens avant le grand débat national : "Le gouvernement voulait des premiers résultats très rapidement pour pouvoir communiquer dessus".
Ce condensé du regard français a même surpris Gilles Proriol de par sa richesse d'expression et sa diversité d'opinions : "Je pense que la plupart des médias, des élus, pensent que la population n'a pas grand-chose à dire, nous, on a démontré que c'était faux. C'est scientifiquement faux". De ce corpus, l'équipe a réussi à sortir plus de 700 propositions différentes, en notant que "les gens parlent assez peu d'immigration quand on ne leur pose pas directement la question".
Des données perdues à jamais
Après avoir abattu ce travail titanesque, Gilles Proriol assure n'avoir jamais été reçu à l'Elysée pour présenter son travail et celui de ses collègues. "La deuxième déception, c'est que le soir où il (Emmanuel Macron, NDLR) doit restituer le grand débat [...], Notre-Dame brûle et donc une actualité chasse l'autre. Il annule son intervention."
Une frustration qui s'est encore amplifiée "quand le gouvernement n'a pas tenu sa promesse, n'a pas voulu mettre en 'open source' les données. [...] Au début, ils ont dit qu'il y avait trop de volume de données. En fait, c'est faux, moi, tout tenait sur mon ordinateur", ricane l'expert.
La mission du grand débat national a par la suite disparu et le gouvernement a demandé à l'entreprise chargée de traiter les cahiers de doléances de supprimer purement et simplement toutes les données récupérées jusqu'alors sur les ordinateurs. Des centaines de milliers de doléances perdues à jamais.
Pour découvrir l'intégralité du documentaire "Les Doléances", rendez-vous en replay france.tv/idf