Après le déblocage d'un dépôt occupé par des éboueurs à Vitry-sur-Seine, la préfecture de police s'apprête à réquisitionner 4000 agents pour nettoyer les 9400 tonnes de déchets qui s'amoncellent désormais sur les trottoirs de la capitale.
A Paris, l'amoncellement des ordures sur les trottoirs continue, au onzième jour de la grève des éboueurs de la mairie, qui refusent avec cette réforme le report de 57 à 59 ans de leur départ en retraite. ce jeudi matin, 9400 tonnes de déchets n'avaient pu être ramassées, selon la mairie, qui répète que d'autres villes, et notamment Le Havre, gérée par l'ex-Premier ministre Edouard Philippe, subissent cette grève. Une augmentation brutale par rapport à la veille (7600), sans perspective d'amélioration rapide tant que les trois incinérateurs situés aux portes de la capitale resteront bloqués par les manifestants.
Alors que la maire Anne Hidalgo, qui soutient le mouvement social, a refusé mercredi de réquisitionner les agents municipaux pour mettre fin aux risques pour la "salubrité publique" invoqués par le préfet de police Laurent Nuñez, les forces de l'ordre sont passées à l'action en débloquant un dépôt de bennes à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). Ce site est celui de Pizzorno Environnement, prestataire pour la collecte des déchets dans le XVe arrondissement et de 150 écoles parisiennes.
La société a obtenu de la justice le concours de la force publique pour débloquer son dépôt, a-t-on expliqué à la préfecture de police, en soulignant qu'il ne s'agissait pas d'une réquisition. Les députés LFI Mathilde Panot et Louis Boyard et l'eurodéputée insoumise Manon Aubry étaient sur place.
"Ce passage en force de la police aujourd'hui, c'est l'illustration du passage en force de Macron avec cette loi", a dit Mme Aubry à la presse, avant la décision du gouvernement de recourir au 49.3 pour faire adopter la réforme sans vote.
Pas d'évacuation prévue pour le Syctom
En revanche, pour le Syctom, le syndicat métropolitain qui gère les trois incinérateurs, il n'est "pour l'instant pas d'actualité de demander le recours à la force publique" car il y "a des solutions qui nous permettent de recevoir et de traiter des déchets". Depuis le début du mouvement social le 6 mars, le syndicat évacue les déchets non brûlés via des centres de transfert vers des sites extérieurs, quitte à recourir à plus d'enfouissement. Quant à la mairie de Paris, sommée mercredi soir de donner la liste de ses agents pouvant être réquisitionnés, elle a envoyé jeudi matin la liste de ses 4000 agents affectés au nettoyage de la voie publique et au ramassage des déchets : conducteurs, éboueurs, balayeurs...
Jeudi après-midi, la séance de questions d'actualité du Conseil de Paris a donné au préfet de police l'occasion de se retrouver à côté d'Anne Hidalgo, à qui il s'est dit obligé de "se substituer" pour adresser ces réquisitions. Il signera la décision de réquisitions "probablement dans la journée", a-t-il affirmé, "pour permettre d'évacuer (...) la plupart des déchets, et faire en sorte qu'un service de collecte puisse se mettre en place".
Le "risque d'affrontements violents"
Une décision saluée par Jean-Pierre Lecoq, le maire du 6e arrondissement de Paris. "Nous devrions enfin aller vers l'amélioration d'une situation dont pâtissent trop de riverains et de professionnels (...) La remise en état complète prendra du temps. Plus de 9 400 tonnes de déchets jonchent les rues et trottoirs, avec des détritus qui se sont éparpillés partout ces derniers jours. Il faudra probablement plusieurs semaines avant que nous puissions retrouver des rues propres et une situation normale."
"Jamais la réquisition n'a été utilisée, ce serait une première à Paris" qui "montre l'incapacité politique à trouver une issue à ce conflit", a revanche protesté l'élu communiste Nicolas Bonnet-Oulaldj, mettant en garde contre le "risque d'affrontements violents" si la police vient chercher les grévistes "un par un chez eux". "N'y voyez aucune brutalité dans une décision de réquisition, c'est simplement l'application d'une règle de droit", a répondu le préfet, pour qui "l'amoncellement de poubelles pose une question de salubrité publique" ainsi que "de chutes, d'incendies". "Je ne renoncerai pas à cette possibilité" des réquisitions, a encore assuré Laurent Nuñez, promettant de prendre "toute mesure utile, réglementaire" pour nettoyer les rues de Paris.
Avec AFP.