La sûreté nucléaire se redessine en France : la fusion de l'ASN et de l'IRSN est effective depuis le 1er janvier 2025. Ce qui a pu être présenté comme une simplification est loin de rassurer.
L'ASN (Autorité de sûreté nucléaire) et l'IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) n'existent plus depuis le 1er janvier 2025. La première était le "gendarme" du nucléaire et le second, l'expert public indépendant qui analysait les risques et problèmes des installations. Désormais, la sûreté nucléaire française est aux mains de l'ASNR (Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection).
Une nouvelle entité et des inquiétudes
L'ANRS a pour objectif "l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire".
Cette fusion ne s'est pas faite sans générer des inquiétudes, à commencer par l'intersyndicale de l'IRSN qui avait interpellé dramatiquement les députés, via une lettre ouverte, avant les débats à l'Assemblée nationale : "L'avenir de la gouvernance des risques nucléaires et radiologiques est entre vos mains". Le projet de loi, une fois arrivé à la chambre basse avait d'abord été rejeté la commission du développement durable de l'Assemblée.
Présenté malgré tout au débat, le projet de fusion avait généré de vives réactions comme celle de la députée "Génération Ecologie", Delphine Batho : "Cette loi engage la sûreté nucléaire de la France, c’est-à-dire la prévention et la gestion d’un risque majeur qui, s’il se produisait, aurait, en fonction de sa gravité, des conséquences sur la vie, sur la santé, sur l’environnement pour des générations." En dépit de ce contexte incertain, la loi avait finalement été votée et promulguée le 21 mai 2024.
"Fluidifier les processus pour de nouveaux réacteurs"
L'objectif affiché du gouvernement de Gabriel Attal, à l'époque, était de "fluidifier les processus d’examen technique et de prise de décision de l’ASN, dans le contexte d'une volonté de relance du nucléaire français par la construction de nouveaux réacteurs".
"Peut-être que ce sera mieux demain mais je ne le crois pas", tempère Jean-Claude Delalonde, le président de l'ANCCLI, l'association chargée de l'information sur la sécurité nucléaire au grand public (association nationale des comités et commissions locales d'information). Depuis le départ, l'ANCCLI s'est opposée au rapprochement des deux structures : "Tout le monde était indépendant donc il y avait un bon système d'information en France" précise son président,.
Ça ne me dérangerait pas, dans quelques temps, de dire que nos inquiétudes n'étaient pas fondées. Il n'y a pas eu d'accident nucléaire en France parce que notre sûreté était forte.
Jean-Claude Delalonde - Président de l'ANCCLIItw Ftv
Il attend que les garanties évoquées à l'oral, lors des débats autour de cette loi, soient désormais intégrées dans le règlement intérieur de l'ASNR afin d'être sûr que les expertises continuent à être publiées, gages d'une indépendance préservée des experts de l'ex-IRSN. "Nous avions confiance dans le système d'avant, s'il y a des accidents, on montrera du doigt les responsables qui ont voulu cette fusion" enchaîne-t-il.
Du côté de Golfech, les mêmes inquiétudes ?
Autour de la centrale de Golfech (Tarn-et-Garonne), tous ne partagent pas ces inquiétudes. Gilles Compagnat est vice-président de la commission locale d'information de Golfech. Pour lui rien ne devrait changer.
Nous sommes très attachés à tout le travail qui a été fait, en matière d'information. Nous souhaitons que ce travail en direction de la société civile perdure, on sera très vigilant.
Gilles Compagnat - Vice-président CLI Golfech (Tarn-et-Garonne)Itw Ftv
Ce n'est pas l'avis de Marc Saint Aroman ancien membre de la CLI de Golfech, en tant qu'adhérent de l'association "les Amis de la Terre". "Même avec une surveillance qui était rigoureuse, mais insuffisante, il y avait des risques d'accident. Avec une baisse des effectifs sur le contrôle et la prise de décision, cela va entraîner une baisse des visites sur sites et particulièrement celles des visites inopinées, ça ne peut pas fonctionner."
Cette refonte de la sécurité nucléaire intervient alors que le parc nucléaire français est vieillissant (âge moyen 40 ans, conçues à l'origine pour une durée de fonctionnement de 25 à 30 ans) et que le premier EPR de France, celui de Flamanville est en service depuis décembre 2024 avec plus de 12 ans de retard.