Confinement : quand les parisiens exilés songent au retour

Ils seraient près de 200 000 parisiens à avoir quitté la capitale depuis le confinement. Reprise du travail, réouverture des écoles et des crèches... Pour certains, il est temps de revenir. Mais pas sans une certaine appréhension.

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Ils étaient tous suspendus aux annonces du Premier ministre devant l’Assemblée nationale lundi. Pour savoir s’ils seraient autorisés à rentrer à Paris et dans quelles conditions. Florence et Jérémy, partis de la capitale il y a 6 semaines avec leurs deux enfants pour la Bretagne. Justine et François, des habitants du XIe arrondissement, exilés en Bourgogne. Ou encore Jeanne qui séjourne en Charente-Maritime. Tous partis avec quelques bagages seulement, sans savoir à quel moment ils réintégreraient leurs appartements. Pour certains, la route se fera dès la semaine prochaine. Pour d’autres, il n’y aura pas de retour avant des mois. Voire pas de retour du tout. 

Patrick a 78 ans. Il était en vacances dans sa maison familiale du Tarn lorsque le confinement a été décrété le 17 mars. "Vu mon âge, nous avons pensé avec ma compagne qu’il était plus judicieux de rester sur place." Pour cet universitaire parisien, qui travaille depuis à distance, le retour ne se fera pas avant plusieurs semaines. "Nous attendions les instructions mais nous sommes toujours dans le flou. L’université dans laquelle j’enseigne est fermée et je ne sais toujours pas quand aura lieu la rentrée, explique-t-il.

Je reviendrais lorsque Paris aura retrouvé sa vie ordinaire, ses théâtres, ses cinémas et ses cafés qui me manquent énormément. Car je suis infiniment mieux ici que dans mon trois pièces.


Pour Paul, la trentaine, pas de précipitation non plus. Il ne reviendra pas le 11 mai. Le jeune-homme est en télétravail jusqu’à la fin de l’été pour sa société. Et la perspective de s’enfermer dans son petit appartement parisien ne l’enchante guère. Bref, il compte bien prolonger son séjour au vert. "Mon mode de vie me manque. Cela fait presque deux mois que je n’ai vu personne. Mais je suis dans la nature, dans une maison dans les bois en Seine-et-Marne. Je m’occupe de mes ruches, c’est agréable."
 

Rentrer avant les embouteillages

Selon les estimations du groupe Orange, 200 000 parisiens auraient rallié la province depuis le début du confinement. Pour beaucoup, le retour à Paris était conditionné à la reprise de leur activité ou les ouvertures des écoles et des crèches. Jeanne, 33 ans, a été de ce point de vue rassurée par les annonces d’Edouard Philippe. "A priori, nous allons pouvoir remettre notre fille chez la nounou dès le 11 mai, ce qui nous soulagera vu que nous sommes en télétravail." Cette habitante du 18e arrondissement a quitté la capitale avec son mari et son enfant dès le premier jour du confinement. Direction la Charente-Maritime chez ses parents. "Nous nous sommes fait des nœuds dans la tête en pesant le pour et le contre : soit rester dans notre appartement minuscule en télétravail avec notre fille qui commence à marcher. Ou risquer de contaminer mes parents. Après les avoir consulté, nous avons finalement fait nos bagages. En deux heures, tout était prêt, c’était irréel." Des bagages que Jeanne va refaire le 9 mai, "avant les embouteillages". Et avant la levée officielle du confinement le 11 mai au risque d’une amende.

Un déplacement qui inquiète Justine et François, 34 ans, "exilés" en Bourgogne et "un peu dans le flou". "Nous sommes à plus de 100 kilomètres de Paris. Notre seule crainte, c’est de savoir si on nous laissera revenir."  A priori, pas de problème pour le couple car la jeune-femme doit accoucher dans quelques semaines et peut justifier de rendez-vous médicaux. Sans ces échéances, Justine et François ne seraient pas rentrés à Paris. "On serait restés ici car c’est plus facile de vivre le confinement à la campagne. Nous sommes en télétravail. Et puis, j’ai peur d’être contaminée par le Covid en fin de grossesse. Du coup, je n’aurais pas la possibilité de voir mes proches car je dois faire hyper attention." 
 

La tentation de ne plus revenir

Le retour des parisiens représente un véritable casse-tête pour les autorités. "Ce qu’il faudra éviter, ce sont les transports interrégionaux et les échanges de population entre des zones massivement touchées et des zones peu touchées, c’est comme ça qu’on va réactiver la circulation du virus", a insisté vendredi le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, devant la mission d’information de l’Assemblée nationale sur le Covid-19. Jean-Baptiste Djebbari, le secrétaire d'Etat aux Transports a de son côté indiqué qu'il souhaitait un retour "ordonné". "Nous allons organiser dans les prochains jours le retour de ceux qui le veulent", sachant que le nombre de trains restera très réduit et qu’ils ne seront remplis qu’à moitié. Des trains qui ne sont toujours pas réservables pour le moment.
Le retour, Clémentine, Pierre et leurs deux enfants l’ont anticipé. Ils ont rejoint la capitale en début de semaine, la voiture bien chargée. "Sur la route, on avait peur de se faire arrêter par les policiers à chaque péage car nous n’avions aucun justificatif. On a prié. Ca a marché. Nous avons croisé deux voitures au péage mais les agents regardaient sans regarder."
Ils ont pu traverser un Paris quasi désert après l’avoir quitté le 16 mars, encore animé.

Ca a fait tout drôle de retrouver la grisaille parisienne et notre tout petit appartement. On tourne en rond. Je suis contente de revenir parce que c’est chez moi. Mais je n’ai plus envie d’y vivre. 


Si elle n’avait pas une boutique à rouvrir la semaine prochaine, et des enfants à rescolariser, Clémentine l’avoue, elle s’installerait volontiers en province. Un pas que Florence, habitante du 20e arrondissement, a décidé de franchir. Ces six semaines loin de la ville lumière et sans activité l’ont fait cogiter : "On s’est posé la question : est-ce bien malin d’aller se mettre à quatre dans un appartement minuscule à Paris ? Dans un arrondissement hyper peuplé et très touché par la maladie ? Et puis concernant les enfants, nous n’avons ni de nouvelles de l’école, ni de la crèche. De toute façon, ils ne pourront pas tous les accueillir, raconte cette réalisatrice installée depuis six semaines en Bretagne. Cette crise nous a obligé à nous questionner. Elle a été un déclencheur sur un terrain déjà propice. On va faire en sorte de travailler ici en créant notre activité. La question qui se pose maintenant, c’est celle de vendre notre appartement."

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